Mohamed Lahyani : “Tout est question de juste-prix”

Mohamed Lahyani
Expert-comptable, commissaire aux comptes, associé-gérant chez Audit & Analyse
Il semble que l’absence de comparables en matière de prix de transfert soit une des causes des redressements fiscaux des multinationales. Concrètement, comment le fisc et les contribuables gèrent-ils ce «problème» et comment le dépasser ? Que relevez-vous chez vos clients et qu’est-ce que vous leur conseillez à titre préventif ?
Les règles actuelles des prix de transfert sont fondées sur le principe de pleine concurrence, à savoir qu’un prix ne doit être le même que si les deux sociétés en cause sont deux entreprises indépendantes, ne faisant pas partie du même groupe. En cas de contestation des prix, l’administration fiscale examine la méthode de fixation des prix proposée par la société étrangère installée au Maroc. Le contribuable doit préparer un dossier qui justifie les raisons des prix pratiqués par la société contrôlée, et qui tient compte de plusieurs critères (société nouvellement installée, société subventionnée par son État d’origine…). Personnellement, j’essaie d’assurer une surveillance constante sur la pratique des prix de transfert de mes clients, et ce, par rapport aux principes posés par la législation.
À l’évidence, une documentation détaillée des prix de transfert ne suffit pas à mettre l’entreprise à l’abri. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
Il s’agit d’une obligation de communication des informations et des documents concernant les opérations effectuées avec des entreprises étrangères, notamment concernant la nature des relations liant la société marocaine à la société sœur ou mère étrangère, la nature des biens et des services vendus, et la méthode de détermination des prix des transactions réalisées ainsi que les éléments qui la justifient. Les prix doivent être fixés à leur juste valeur afin d’éviter les situations de déplacement de l’assiette fiscale en dehors du Maroc.
Comment expliquez-vous qu’il y ait, à ce jour, très peu d’accords préalables sur les prix de transfert conclus avec l’administration ? Cela traduit-il une certaine méfiance des entreprises ?
Au contraire, l’APP (Accord préalable sur le prix de transfert) vise à rassurer les sociétés étrangères installées au Maroc que les prix qu’elles pratiquent dans leurs transactions industrielles ou commerciales ne seront pas remis en cause dès lors que les méthodes de détermination de ces prix ont été validées au préalable par l’administration fiscale. Il présente un certain nombre d’avantages, comme la garantie juridique pour le contribuable et l’administration, la prise de position formelle qui engage les deux parties, l’élimination de la double imposition, et la confidentialité.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO