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Mohamadi El Yacoubi : “Il ne faut pas scier la branche sur laquelle on est assis !”

Mohamadi El Yacoubi
Président du Cercle des Fiscalistes du Maroc

Auriez-vous relevé, auprès de vos clients, des difficultés d’interprétation sur l’assiette de la Contribution sociale de solidarité (CSS) ?
Pour la toute première fois, il y avait quelques problèmes d’interprétation de l’article y afférent du CGI. Ils avaient été dissipés par les notes circulaires et par des consultations sous forme de questions que les contribuables adressent à la DGI. Avec l’aide des professionnels des chiffres et de leur conseil, les entreprises arrivent à lever toute équivoque en cas de doute sur un ou des éléments de l’assiette de la contribution sociale de solidarité.

En principe, cette taxe avait été rétablie à titre temporaire. Comment les entreprises apprécient-elles le fait qu’elle s’installe durablement dans le système fiscal ?
A mon avis, cette orientation repose sur une triple optique, à savoir l’accélération de la mise en œuvre du plan de relance de l’économie nationale, le lancement de la première phase de la généralisation de la couverture sociale, et le renforcement des bases de l’administration et l’optimisation de son fonctionnement. L’objectif est certes louable, mais les grandes entreprises et les investisseurs sont dans une situation anxiogène et perçoivent cette CSS comme une charge fiscale supplémentaire, d’autant plus qu’elle perdure dans le temps et équivaut, in fine, à une augmentation mécanique de l’I.S pour les contribuables à surface financière importante.

Il semble que ce sont surtout les grandes entreprises ainsi que les PME de taille intermédiaire qui supportent la CSS. Comment analysez-vous ce choix politique ?
Les entreprises ont massivement adhéré à la contribution sociale de solidarité, surtout durant la période pandémique. Toutefois, installer cette imposition dans la durée dénote d’un problème chronique de déficit budgétaire. Le gouvernement opte pour la solution de facilité qui consiste à ponctionner les profits et les résultats des grandes entreprises. C’est une façon de scier la branche sur laquelle on est assis. Cela risque de voir se creuser davantage le fossé qui sépare les entreprises citoyennes de celles qui se développent dans l’informel. Il aurait été fort utile de déployer un sérieux travail de réforme fiscale à travers la mise en place d’une meilleure équité, l’élargissement effectif de l’assiette en réduisant la fraude et l’évasion fiscale et en endiguant l’informel.

Cela permettra une meilleure levée du potentiel fiscal que recèle l’informalité. Au lieu de tout cela, on préfère plutôt cibler le maillon faible que représentent les grandes entreprises, qui sont sollicitées à chaque fois ! Pourquoi supprimer ou affaiblir le soutien indispensable aux entreprises? Pourquoi se tirer une balle dans le pied ? Les pouvoirs pouvaient innover en matière de mobilisation des ressources d’endettement public en usant des nouvelles techniques. Le recours à l’endettement joue un rôle essentiel pour le développement. A condition d’être bien gérée, transparente et utilisée dans le cadre d’une politique de croissance crédible, la dette peut être un levier.

La priorité doit être mise sur la gestion et la transparence de la dette pour que tout nouvel emprunt contribue à la croissance et l’installation d’un environnement propice à l’investissement. La situation exceptionnelle que nous vivons a impacté lourdement les recettes de l’État et nous sommes en train de déployer un grand chantier social tant attendu qui concerne la généralisation de la couverture sociale. Le gouvernement doit chercher d’autres ressources non fiscales pour assurer à un pan important de la population une couverture sociale soutenue par la solidarité et permettant à ces citoyens d’accéder aux soins et services de santé dignement.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO


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