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Marché obligataire : appétit modéré du Trésor

Entre repli des taux et faibles besoins de financement, le marché obligataire évolue dans une zone d’attente stratégique. La détente généralisée observée sur les segments primaire et secondaire masque une réalité plus contrastée, celle d’un Trésor attentiste, d’une Banque centrale mesurée et d’investisseurs prudents face à une conjoncture budgétaire qui pourrait bientôt se tendre.

La dynamique du marché obligataire marocain traduit, selon le dernier rapport de BMCE Capital global research (BKGR), une conjoncture encore marquée par l’attentisme. La semaine passée confirme la poursuite d’un mouvement de repli des taux sur les segments primaire et secondaire, révélateur d’un appétit modéré du Trésor et d’un environnement monétaire toujours accommodant.

Mais au-delà des données chiffrées, c’est le tempo de la politique budgétaire et la prudence des investisseurs qui dictent, en creux, le rythme du marché. La première observation est que le déficit de liquidité bancaire s’est légèrement résorbé, reculant de 1,18% pour s’établir à -158,8 milliards de dirhams (MMDH). Un ajustement qui s’explique par la hausse des avances à 7 jours de Bank Al-Maghrib, passées de 48,98 à 52,4 milliards.

Le taux moyen pondéré (TMP) est resté stable à 2,25%, tout comme le MONIA (Moroccan overnight index average), qui s’est établi à 2,225%. Si cette stabilité des taux courts peut rassurer, elle masque néanmoins une configuration où la Banque centrale continue de jouer un rôle actif pour maintenir un certain équilibre de la liquidité, sans pour autant injecter massivement de nouveaux volumes.

D’ailleurs, les prévisions de BKGR pour la période à venir anticipent une baisse du volume d’intervention de Bank Al-Maghrib, ramené à 49,1 MMDH.

Une levée en demi-teinte sur le marché primaire
Le ralentissement des besoins de financement du Trésor s’est traduit par une levée particulièrement faible lors de la dernière adjudication.

Sur les 5,68 MMDH proposés, seulement 480 millions ont été retenus, soit à peine 8% du volume initial. Les adjudications se sont focalisées sur les maturités longues (10 et 20 ans), avec des taux limites respectifs de 2,8453% et 3,4608%.

BKGR note que cette faible levée a engendré une nouvelle détente sur la courbe primaire, avec des baisses respectives de 6,5 points de base pour le 10 ans et 7,7 points pour le 20 ans. Ce reflux des taux sur les longues maturités interpelle. D’un côté, il peut traduire un regain d’optimisme sur la soutenabilité budgétaire, mais il s’explique surtout par l’absence de pression immédiate sur les finances publiques.

Pourtant, cette accalmie pourrait être de courte durée. Le gouvernement a récemment annoncé une rallonge budgétaire d’une dizaine de milliards de dirhams pour financer les engagements issus du dialogue social, ainsi que pour soutenir les besoins structurels de l’ONEE. Autant de facteurs susceptibles de réveiller la demande de financement dans les prochaines semaines, avec un effet potentiel à la hausse sur les rendements.

Confirmation du mouvement baissier sur le secondaire
La détente se poursuit également sur le marché secondaire, confirmant une tendance enclenchée depuis plusieurs semaines. Les baisses les plus marquées concernent les lignes longues : -5,82 points de base pour le 20 ans, -4,17 pour le 15 ans, et -1,78 pour le 2 ans. Seul le 30 ans enregistre une légère hausse marginale de 0,07 point.

Cette évolution est cohérente avec la faiblesse de l’offre du Trésor et la recherche, par les investisseurs institutionnels, d’opportunités sur des actifs sécurisés dans un contexte d’incertitude. La configuration actuelle profite donc à la baisse des taux, mais elle repose sur un équilibre fragile. Une révision à la hausse des besoins de financement ou une inflexion du discours de la Banque centrale sur les taux directeurs – inchangés pour le moment – pourrait inverser la dynamique.

Une dette privée discrète mais active
Sur le segment de la dette privée, quelques émissions notables témoignent d’un marché encore fonctionnel, mais sans excès. Citons notamment un certificat de dépôt de la BMCI à 2,80% sur un an, et une émission à 5 ans du CIH à 2,92%. Ces niveaux traduisent une prime de risque encore contenue, en ligne avec le mouvement général de détente.

Le rapport de BKGR confirme une période d’ajustement et de transition. Le reflux généralisé des taux, s’il constitue un soulagement pour les émetteurs publics comme privés, ne saurait masquer les défis qui s’annoncent. La politique budgétaire, encore prudente malgré les engagements sociaux croissants, devra probablement composer avec des tensions de financement plus marquées au second semestre.

Du côté des investisseurs, la baisse des rendements, notamment sur les lignes longues, pourrait limiter l’attrait du marché domestique si elle se prolonge. L’absence d’émissions significatives sur le segment des bons du Trésor à court terme (BSF et BT) en témoigne.

La prochaine décision de Bank Al-Maghrib sur les taux directeurs – et l’évolution effective des dépenses publiques – constituera donc le prochain tournant à surveiller. D’ici là, le marché obligataire semble continuer à jouer la carte de la prudence, entre répit conjoncturel et incertitude latente.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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