Made in Morocco : pour la tutelle, œil pour œil, dent pour dent
![](https://leseco.ma/wp-content/uploads/2025/02/Make-America-great-again.jpg)
Le Made in Morocco a été au cœur d’un débat animé en marge du Salon de la franchise qui s’est tenu, du 12 au 14 février, à l’Office des foires et expositions de Casablanca. L’événement, qui réunissait les acteurs du négoce, avait pour finalité de dresser un état des lieux du secteur. Les échanges ont toutefois révélé les points de friction persistants entre franchisés, franchiseurs et bailleurs.
Dans la reconfiguration actuelle des rapports commerciaux, la nouvelle vogue est au protectionnisme assumé, portée par le pays de l’oncle Sam, qui durcit son arsenal tarifaire pour préserver les fondements industriels du Make America great again. Une onde de choc qui remet les barrières douanières au centre du jeu, et redéfinit, de facto, les équilibres commerciaux.
Le Salon de la franchise, organisé du 12 au 14 février à Casablanca, a été le théâtre des tensions qui opposent gardiens du régime protectionniste et défenseurs du libre marché. L’événement, qui réunissait les acteurs du négoce, avec pour finalité de dresser un état des lieux, a rapidement révélé les lignes de fracture qui traversent le secteur.
D’un côté, les exploitants de franchises dénoncent des loyers prohibitifs et un accès contraint aux espaces commerciaux. De l’autre, les bailleurs mettent en avant des coûts de construction élevés et des investissements aux standards internationaux qui justifient, selon eux, les prix des loyers pratiqués. Mais le constat des professionnels est sans appel. La croissance des franchises repose sur une interdépendance entre trois acteurs clés : les franchiseurs, les franchisés et les développeurs de locatifs immobiliers.
«Nous avons autant besoin de vous que vous avez besoin de nous», concède Mohamed Elfane, président de la Fédération marocaine de la franchise.
Pourtant, cette reconnaissance mutuelle masque des tensions économiques bien réelles. Si les franchisés jugent les loyers excessifs, les bailleurs expliquent que les centres commerciaux sont construits à des coûts qui les alignent sur des standards internationaux.
«Nous construisons très cher au Maroc. Nos centres pourraient être transposés à Miami ou ailleurs. Nous ne pouvons pas faire moins bien», défend un lordlander.
Cette équation économique, où le loyer doit être absorbé par le chiffre d’affaires du franchisé, rend la rentabilité incertaine pour nombre d’enseignes. Les bailleurs mettent en avant les efforts consentis pour soutenir les commerçants, à travers des remises locatives, des loyers progressifs et parfois même des modèles variables indexés sur le chiffre d’affaires. Pourtant, cette flexibilité affichée se heurte à une réalité plus opaque.
«Il faut plus de transparence dans les chiffres pour établir des standards cohérents», souligne Fatim Sefrioui, directrice adjointe à Marjane.
Si l’équilibre entre franchiseurs et bailleurs repose sur des compromis, la relation avec l’État relève d’un autre registre. Face aux revendications des acteurs du commerce organisé, la tutelle fixe une ligne de conduite où la souveraineté économique prime sur toute autre considération.
«Il y a un dilemme : développer le marché local tout en restant ouvert aux grandes enseignes internationales», explique le président de la Fédération marocaine de la franchise.
Protectionnisme décontracté
En toile de fond, les autorités, incarnées par le ministère de l’Industrie et du Commerce, se veulent garantes d’un équilibre entre protection du marché national et ouverture économique, tout en maintenant une fiscalité dissuasive sur certains produits importés.
Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce, assume une ligne ferme. «Le Maroc a toujours été un pays ouvert, mais il restera souverain sur les produits qu’il veut voir commercialiser sur son territoire», affirme-t-il.
Son propos prend un ton plus batailleur lorsqu’il évoque une marque marocaine de yaourts empêchée d’écouler ses produits en France, officiellement pour des raisons sanitaires.
«Pourquoi devrions-nous laisser entrer de la viande de hamburger sous prétexte qu’une franchise étrangère en fait la demande ?», interroge-t-il.
Cette posture se traduit par un repli des droits de douane, passés de 40% à 30%, mais toujours jugés dissuasifs par les acteurs du secteur. Les franchiseurs plaident pour un abaissement à 20% afin de stimuler leur compétitivité.
«Même à 30%, certaines enseignes internationales dominent le marché grâce à des volumes gigantesques et des mécanismes de subvention», déplore Elfane.
Le débat a ainsi mis en évidence un équilibre précaire entre le renforcement des franchises marocaines et la nécessité de maintenir un marché attractif pour les enseignes internationales. En creux, c’est toute la stratégie économique du secteur qui se joue. Pour le ministère de tutelle, l’enjeu est d’éviter une domination sans partage des mastodontes internationaux.
«Un produit Made in Morocco fait vivre un travailleur marocain, qui, lui-même, alimente l’économie nationale. Si nous consommons uniquement des produits importés, nous finançons des emplois ailleurs», fait valoir Mezzour, en insistant sur la nécessité de capter plus de valeur localement.
En pratique, le volontarisme politique affiché par la tutelle se heurte à des obstacles structurels, entre une fiscalité contraignante, un cadre réglementaire jugé rigide et un immobilier commercial encore peu accessible. Dans ce contexte, la question de l’équilibre entre la protection économique et l’ouverture aux investisseurs reste entière.
«Le Maroc doit-il être un marché captif ou un tremplin pour des enseignes locales capables d’exporter leur savoir-faire ?», s’interroge un entrepreneur. L’enjeu dépasse le cadre de la franchise. Il touche à la vision même du modèle économique du Royaume et de sa projection à l’international.
Franchise marocaine, un modèle à réajuster
Le développement des franchises au Maroc bute encore sur des verrous structurels. Si le financement ne fait pas défaut, les mécanismes d’accompagnement restent inadaptés aux besoins des entrepreneurs. La formation, souvent pensée en volume horaire, peine à répondre aux exigences opérationnelles du secteur.
«Une montée en compétence plus ciblée, sur des cycles courts et appliqués, permettrait d’accélérer l’intégration d’une main-d’œuvre qualifiée», précise Mohamed Elfane, président de la Fédération marocaine de la franchise. S’ajoute à cela la question de l’expansion à l’international.
Tandis que les grandes enseignes étrangères investissent le marché africain, les marques marocaines peinent à s’y ancrer.
«Pourtant, la demande est là», s’exclame Elfane.
Pour y répondre, les opérateurs plaident pour une approche plus progressive, fondée sur des modèles économiques mieux adaptés aux réalités locales.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO