«Les plans stratégiques mis en place au Maroc manquent cruellement à la France»
À l’issue de la visite de deux jours au Maroc d’une centaine de chefs d’entreprises français, qui les a menés à Tanger, Casablanca, Rabat et Kénitra, le président du MEDEF, Pierre Gattaz, fait le bilan avec les Inspirations ÉCO.
Les Inspirations ÉCO: Qu’avez-vous noté comme atouts du Maroc, et quels sont les obstacles liés à l’implantation d’une entreprise dans le pays, au terme de deux jours de visite ?
Pierre Gattaz : C’est un pays francophone connaissant bien la culture française. Nous sommes deux pays très liés. Au Maroc, nous nous sentons un peu comme à la maison. Il y a beaucoup de cadres et dirigeants très compétents et très performants. L’un des gros atouts du Maroc, c’est également l’impulsion donnée par le roi Mohammed VI sur le plan économique, avec de la visibilité sur les plans stratégiques. Je pense que ces plans manquent cruellement à la France. En effet, on ne peut piloter une entreprise sans un plan stratégique de 5, 10, 15 voire 20 ans. Tous les pays qui se respectent doivent avoir des plans stratégiques. Je crois que le Maroc a eu cette subtilité-là dans l’industrie, les énergies renouvelables, avec des objectifs chiffrés à des horizons définis. Cela me paraît très intéressant, et c’est ce que nous a expliqué le ministre de l’Industrie (Moulay Hafid Elalamy, ndlr). Il faut ajouter à cela les débouchés que vous avez créés vers l’Afrique, lors des nombreux voyages du roi. Ce sont des débouchés pertinents, qui font que le Maroc arrive à être reconnu dans toute l’Afrique. Les faiblesses du Maroc résident surtout au niveau du middle management, c’est-à-dire le management intermédiaire, au niveau des techniciens. C’est une faiblesse que l’on peut compenser dans le futur. Le problème du délai de paiement est également revenu assez souvent, lors de notre déjeuner avec les conseillers au commerce extérieur (vendredi à Rabat). Certaines sociétés sont payées à 500 jours, ce qui est énorme. Une personne implantée depuis 10 ans au Maroc nous disait qu’ici, il faut connaître son client, d’où l’intérêt justement de s’installer au Maroc.
Que retenez-vous des rencontres avec les ministres de l’Industrie et de l’Économie et des finances ?
Nous sommes dans un pays où tout le monde est en phase avec l’économie de marché et d’entreprise. J’ai l’impression que le Maroc est en avance sur la France, sur le sujet. Il est très important que les ministres soient vraiment impliqués dans le marketing de leur pays, et les deux ministres nous ont impressionnés tant au niveau de la forme que du fond de leur présentation. Nous sommes tombés d’accord sur le fait que c’est par l’entreprise que l’on crée de la richesse, de la richesse pour son pays, et que l’on crée des emplois. Tous les ministres que nous avons rencontrés sont au diapason par rapport à cela. Cette vision stratégique est aussi très importante, car elle est basée sur la confiance, sur la compétitivité pour faire venir les investisseurs étrangers.
Quel rôle peuvent jouer les entreprises françaises pour permettre à la France de recouvrer sa place de premier partenaire du Maroc dans les échanges commerciaux, place qu’occupe actuellement l’Espagne ?
D’abord, nous sommes très vexés par la perte de cette place (rire). Cependant, nous n’avons pas perdu la première place d’investisseur. C’est quand même important de le noter. Ensuite, je crois que si l’on enlève la partie énergie, nous sommes à 17% de part de marché pour la France, à égalité avec l’Espagne. C’est grâce à ce genre de délégation, avec la contribution des journalistes, que l’on pourra parler des atouts du Maroc et de la collaboration que l’on peut remettre en œuvre. C’est ainsi que l’on pourra reprendre notre première place dans les échanges commerciaux. Mais je crois qu’il est aussi important de garder le flux des investissements, dans lequel nous restons premiers. Il y a également le travail effectué avec l’ambassade, la Chambre de commerce française et les conseillers au commerce extérieur, qui est extrêmement précieux.