Le RAMED, un système déjà en mort clinique ?
Insuffisance du financement, faiblesse et mauvaise répartition territoriale des ressources humaines, manque d’un système d’information intégré…
Autant d’insuffisances qui assombrissent le bilan du RAMED qui vient de franchir sa sixième année.
La garantie de la pérennisation du régime par la soutenabilité de son financement s’impose, selon le ministre de la Santé.
Le régime d’assistance médicale (RAMED) souffre de nombre de contraintes liées à ses ressources et sa gouvernance. Interpellé en séance plénière par les parlementaires de la chambre haute sur ce régime, le ministre de la Santé Anas Doukkali reconnaît la nécessité de redresser les dysfonctionnements qui déteignent sur la qualité des services au profit de la population cible. Il pointe du doigt nombre d’insuffisances dont la faiblesse des ressources humaines; un phénomène général à l’ensemble du territoire national hormis deux régions qui concentrent 52 % du personnel de la santé : Rabat-Salé-Kénitra et Casablanca-Settat.
«La grande pression sur les établissements hospitaliers a un impact sur les listes d’attente et les rendez-vous», souligne le responsable gouvernemental au sein de l’hémicycle. Selon les moyens de chaque hôpital et le nombre d’habitants, l’octroi d’un rendez-vous pour passer un scanner, à titre d’exemple, peut aller d’une semaine à deux mois voire trois mois. Ainsi, la crédibilité du régime et son efficacité s’en trouvent fortement émoussées.
Un traitement de choc s’impose pour donner un coup de fouet à ce régime qui peine à atteindre les objectifs tracés tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Outre le manque criant en ressources humaines et la répartition territoriale inéquitable sur lesquels le gouvernement est appelé à agir pour booster le secteur dans sa globalité, le financement s’avère aussi l’un des maillons faibles du système.
Sans le déblocage des ressources financières nécessaires, tous les efforts resteront vains. Le système actuel doit être révisé. Le ministre de tutelle déplore l’absence dans le budget d’un chapitre permanent pour le financement du RAMED. A cela s’ajoutent les limites du financement au niveau des collectivités territoriales: uniquement 20% du financement escompté a été atteint. Sur le volet des adhésions annuelles des bénéficiaires, l’opération piétine.
Il faut dire que la contribution exigée représente un montant important pour les personnes vulnérables eu égard à leur niveau de vie, comme le précise l’Observatoire national des droits humains (ONDH) dans son rapport sur l’évaluation du RAMED.
Des solutions s’imposent pour mettre fin à la baisse constatée en matière de renouvellement des cartes. Il s’avère nécessaire de prendre en considération les recommandations émises sur le dossier par nombre de rapports, selon Anas Doukkali qui souligne la nécessité d’assurer la pérennisation du régime d’assistance médicale par la soutenabilité de son financement et l’amélioration de sa gouvernance à travers la création d’un organisme gestionnaire indépendant pour le RAMED qui devrait adopter les règles de la bonne gouvernance. La pérennité financière du régime nécessite la stabilité des ressources financières en consacrant au RAMED une caisse spéciale. Un autre élément-clé : l’impératif de généraliser un système d’information de santé intégré qui permettra une estimation précise des coûts.
Difficile de débloquer des fonds dédiés au régime en l’absence d’un véritable système de facturation en dépit des demandes émises par le ministère de la santé. «Le ministère de l’Economie et des Finances octroie des financements aux CHU car ils disposent d’un système d’information», indique Doukkali. L’ONDH, rappelons-le, recommande la mise en place d’un système d’information et de gestion sanitaire intégré performant.
L’objectif est de permettre l’enregistrement et la maîtrise de la consommation médicale prescrite aux ramédistes aussi bien en milieu hospitalier qu’à celui des services de soins primaires et des structures d’appui. Il devra favoriser le partage d’information entre les acteurs concernés, permettant, ainsi, la promotion des coordinations des soins au meilleur profit des patients ramédistes. Il faut aussi résoudre la question ayant trait à la mobilité des bénéficiaires du RAMED.
Il est aujourd’hui difficile pour les personnes qui déménagent dans une autre région de bénéficier des soins dans leur nouvelle localité.
Un bilan timide:
Sur le plan quantitatif, le RAMED a permis d’étendre le taux de couverture médicale à plus de 60% de la population du Maroc. Le nombre de bénéficiaires de ce régime est de 11,7 millions de personnes, dont 90% sont des pauvres et 10% des vulnérables, 49% résident en milieu rural et 51% en milieu urbain, avec 53% de femmes et 47% des hommes. Les efforts déployés par les CHU en matière de greffes d’organes réalisées pour les bénéficiaires du RAMED constituent une avancée par rapport au passé, mais demeurent encore timides : les greffes de cornée (287), du rein (158), de la moelle osseuse (12), de foie (13), une seule greffe de coeur. Les CHU ont réalisé plus de 9,5 millions de prestations au profit des ramédistes. Le nombre des malades de longue durée pris en charge dans le cadre du RAMED a augmenté au cours des six dernières années de la généralisation du régime. Mais, ça reste insuffisant par rapport aux besoins (550 actes uniquement).