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Houbachi :«Il ne faut pas envoyer de message négatif»

Mohamed Houbachi, président de l’Association marocaine du médicament générique (AMMG)

Plus de 85% des molécules sont tombées dans le domaine public, ce qui représente une grande opportunité pour les industriels marocains. Malheureusement, au lieu de chercher à investir de nouveaux segments, certains industriels se ruent sur les mêmes molécules.

Les Inspirations ÉCO: Comment expliquez-vous la confusion qui règne actuellement au niveau du secteur de l’industrie pharmaceutique?
Mohamed Houbachi : Depuis quelques temps, des informations qui circulent font état d’une baisse de la fabrication locale de médicaments au profit des importations. La réalité, c’est que nous ne disposons pas à ce jour de statistiques officielles donnant la répartition exacte entre fabrication et importation. Nous devons par conséquent cerner de plus près ces problématiques avec toutes les parties prenantes et tirer les conclusions nécessaires dans l’intérêt des patients. Cela dit, et en attendant une telle démarche, il est dans l’intérêt de toute l’industrie de ne pas envoyer de message négatif à nos partenaires -notamment africains- tant sur le plan local qu’international. En effet, c’est l’image de toute une industrie qui est en jeu, une industrie qui constitue une fierté de notre pays et à l’échelle internationale, car le Maroc dispose d’une autonomie en matière de médicaments avec une qualité reconnue mondialement. Il faut donc faire très attention aux déclarations. Certes, le secteur a des défis qu’il lui faudra relever, mais ce n’est pas propre à notre industrie. À mon sens, si nous rencontrons des problèmes, cela veut dire que notre industrie est dynamique et qu’elle cherche à se positionner pour assurer sa compétitivité et sa pérennité.

Certaines critiques au sein même du secteur avancent que ce dernier n’a pas été bien soutenu par l’État. Qu’en dites-vous?
C’est un raccourci que de dire que rien n’a été fait. Il n’y a pas si longtemps, un seul dahir régissait notre industrie. Aujourd’hui, la loi 17-04 de 2006 portant Code du médicament et de la pharmacie ainsi que le décret sur les autorisations de mise sur le marché et celui relatif aux modalités de fixation des prix des médicaments ont été d’un grand apport pour le secteur. Avant cela, le secteur souffrait d’un arsenal juridique incomplet et, il faut le reconnaître, il n’était pas facile de mettre l’industrie pharmaceutique sur l’orbite désirée par les professionnels, et ce, tout en veillant à préserver l’intérêt du malade en lui assurant un accès à un médicament de qualité. Nous saluons donc le ministère de la Santé et toutes les autres entités étatiques quant à l’accompagnement dont notre secteur a bénéficié et quant aux avancées réalisées.

On reproche aussi au ministère de la Santé d’être passif par rapport aux importations. Est-ce également votre position?
Lorsqu’on parle des importations des médicaments, on pointe à tort le ministère de la Santé. À mon sens, ce dernier est dans son rôle, qui consiste à assurer aux patients marocains la disponibilité et l’accessibilité à un médicament de qualité au meilleur coût. Cela dit, le ministère de la Santé adopte depuis un certain temps une politique de gentlemen’s agreement, à savoir que lorsqu’un produit est fabriqué localement, le similaire ne peut être importé. La question à se poser à ce niveau est de savoir s’il y a une loi qui interdit les importations. Maintenant, le débat de fond et de savoir si nous, industriels, voulons militer pour notre secteur, auquel cas il faut que nous nous nous mettions d’accord pour proposer ou demander une loi afin d’encadrer les importations. Nous nous devons également de réfléchir sur l’opportunité d’une loi définissant les modalités d’attribution du statut de laboratoire pharmaceutique qui implique la nécessité de posséder en propre un véritable outil industriel permettant la fabrication locale des médicaments.

Quelle est votre position par rapport aux importations et concurrence indiennes?
Il convient de se demander qui a été à l’origine de l’introduction des laboratoires indiens sur le marché marocain. Ce sont certains acteurs du secteur qui ont milité, il y a une dizaines d’années, pour introduire sur le marché des produits indiens à l’importation au lieu de les proposer à la fabrication locale. Ce n’est en aucun cas la responsabilité du ministère de la Santé, mais celle de ces mêmes acteurs qui s’étonnent aujourd’hui de l’augmentation de la part des médicaments importés. C’est à nous, industriels, de remonter dans la chaîne de valeur de l’industrie pharmaceutique en développant nous-mêmes nos propres dossiers, et ce suffisamment tôt afin d’anticiper l’expiration des brevets internationaux.

Mais quid des scandales de certains laboratoires indiens, notamment en Europe et en Amérique. Cela ne risque-t-il pas d’impacter le Maroc?
Les autorités sanitaires sont extrêmement vigilantes vis-à-vis des différentes alertes de santé qui peuvent se déclencher à l’international. Le ministère de la Santé a toujours pris des décisions rapides pour protéger la population marocaine.

Le secteur a signé son contrat-programme en 2012. Qu’est-ce qui a été fait?
Sous l’égide du roi, l’État a mis en place, par le biais du ministère de l’Industrie, de l’investissement, du commerce et de l’économie numérique, plusieurs mesures pour accompagner l’industrie pharmaceutique et notamment le contrat-programme et Plan d’accélération industrielle 2014-2020. Cela dit, notre secteur a été moins dynamique comparativement à d’autres secteurs tels que l’automobile ou l’aéronautique.

À votre avis, comment le secteur peut-il s’organiser?
Plus de 85% des molécules sont tombées dans le domaine public, ce qui représente une grande opportunité pour les industriels marocains. Malheureusement, au lieu de chercher à investir de nouveaux segments, certains industriels se ruent sur les mêmes molécules. C’est ainsi que l’on se retrouve par exemple avec plus de 20 génériques pour la même molécule. A contrario, je vous donne l’exemple d’un laboratoire indien qui a opté pour un nouveau segment de produits tombés dans le domaine public et qui réalise aujourd’hui une croissance de plus de 50%. Force est de constater qu’il y a trop de génériques pour une même molécule. Nous militons au sein de l’AMMG pour la limitation du nombre de génériques par molécule, et avançons vers un consensus des industriels pour prendre les mesures nécessaires avec les autorités sanitaires.

De quelle manière peut-on dynamiser la fabrication locale?
Nous pensons également à plusieurs autres mesures à même de dynamiser et de pérenniser la fabrication locale, et ainsi de renforcer la compétitivité de l’industrie pharmaceutique marocaine. C’est le cas, entre autres, de l’obligation légale de disposer en propre d’un outil industriel pour pouvoir bénéficier du statut de laboratoire pharmaceutique; le non renouvellement des AMM à l’importation lorsqu’au moins deux fabricants marocains existent pour le même produit et peuvent répondre en quantité suffisante aux besoins du marché. Il faudra aussi développer le remboursement des médicaments en imaginant par exemple un tarif de remboursement variable selon que le produit est fabriqué localement ou importé. Nous pensons également à des incitations à la fabrication locale du premier générique par des mesures d’obtention d’AMM en fast-track et l’instauration d’une préférence nationale pour les appels d’offres, comme c’est le cas dans d’autres pays. Enfin, il faut renforcer la coopération entre les industriels et les entités étatiques concernées pour développer les exportations.



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