Finances publiques : vers une réforme du modèle de gouvernance
La gouvernance des finances publiques est plus que jamais d’actualité, le contexte inflationniste et la crise géopolitique en ayant fortement déséquilibré le mode de gouvernance. Ainsi, la sphère de décision a été au cœur du débat, lors des travaux de la 15e édition du Colloque international des finances publiques, organisé sous le thème «Quel modèle de gouvernance des finances publiques dans un monde de multi-crises» ? Tour d’horizon avec Noureddine Bensouda, trésorier général du Royaume.
Plus que jamais au centre des débats relatifs aux politiques de développement, les finances publiques – levier fondamental dont disposent les gouvernements pour atteindre leurs objectifs de politique publique – ont été le sujet du colloque international des finances publiques.
C’est sous le thème «Quel modèle de gouvernance des finances publiques dans un monde de multi-crises ?», que se sont déroulés les travaux de cette 15e édition, organisée à l’initiative du ministère de l’Économie et des finances et de l’Association pour la fondation internationale de finances publiques (FONDAFIP), avec le soutien de la Revue française de finances publiques (RFFP).
La transparence, une condition sine qua non
La transparence des finances publiques est capitale, du fait qu’elle contribue à accroître la crédibilité des autorités. C’est, c’est en tout cas ,l’avis du trésorier général du Royaume. Lors d’un entretien accordé aux Inspirations Éco, Noureddine Bensouda a insisté sur la nécessité de la transparence des comptes publics. ‘’Parmi les institutions qui procèdent aux publications, on cite la Trésorerie générale qui publie le bulletin de statistiques des finances publiques de l’État, ainsi que celui des statistiques des finances locales.
Ce qui permet de comprendre comment s’exécutent les budgets au niveau des régions, des communes, et des collectivités territoriales en général’’. Et de noter que ‘’cette publication régulière, sincère et fidèle permet à tout un chacun de voir quels sont les budgets octroyés par catégories de dépenses, à savoir les dépenses d’investissement et de fonctionnement, ainsi que les marges de manœuvre éventuelles. Bensouda tient à noter que la réforme qui a été menée par le ministère de l’Intérieur va dans le sens du renforcement du capital humain, au niveau local et régional.
Le double effet de la pandémie et de la guerre en Ukraine pourrait constituer une anomalie quant à la mise au point de la réforme comptable. Pour plus d’éclaircissement sur la question, le trésorier général explique que ‘’l’évolution que nous avons eue, à l’instar de ce qui se passe au niveau international, se traduit par la comptabilité budgétaire, qui est une recette-dépense’’, tout en rappelant que le Maroc a introduit, par la loi organique, la comptabilité générale.
‘’Cette comptabilité, aussi bien au niveau de l’État que des collectivités territoriales, permet d’évaluer la situation du patrimoine’’, explique-t-il, et d’ajouter que ‘’cela permet également d’anticiper les risques futurs pour les finances publiques, au sens large du terme.
Bensouda entend par-là les finances de l’État, des collectivités, des entreprises publiques, ainsi que les finances sociales qui concernent les caisses de protection sociale. ‘’Cette vision consolidée permet de connaître la situation de l’état des finances publiques en général’’, indique-t-il. Évoquant le sujet du projet de loi de Finances 2023, notre interlocuteur estime que le contenu du PLF s’inscrit dans l’optique de donner de la visibilité aux opérateurs économiques.
Ce principe de programmation annuelle a été mis en œuvre depuis l’introduction de la loi organique des Finances, il y a quelques années. ‘’Cette année particulièrement, on a davantage de visibilité, aussi bien pour les dépenses que pour les recettes’’, révèle le trésorier général, en expliquant que sur la partie fiscale, on a une visibilité qui se prolonge jusqu’en 2026. Il cite, à titre d’exemple, l’impôt sur les sociétés : ‘’on voit les taux qui seront appliqués. Idem pour ce qui est de l’impôt sur le revenu’’.
L’avis de la société civile doit être pris en compte
Toujours selon Bensouda, deux idées doivent présider à la réforme des finances publiques. Il s’agit de confier la conception et la mise en œuvre des réformes à des compétences qualifiées, disposant d’une vision stratégique et qui maîtrisent les aspects économiques, juridiques, techniques et opérationnels de la matière à réformer. Il y a lieu également de veiller à ce que la mise en place des politiques publiques puisse prendre en compte les avis et les opinions des partenaires, institutionnels, universitaires et acteurs de la société civile, même si leurs avis et opinions sont différents de ceux des gestionnaires.
Approchée par l’équipe des Inspirations Éco, Marie-christine Esclassan, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, secrétaire générale de Fondafip, et directrice de la Revue française de finances publiques, estime que ‘’le thème de cette année a été choisi en tenant compte des difficultés qui augmentent, auxquels sont confrontés tous les pays. Il est impératif pour les États de réagir et de rechercher des solutions. Selon elle, il faut que ces derniers établissent des priorités, et réfléchissent à leurs processus de prise de décision. Il faut qu’il y ait davantage de concertations entre le législatif et l’Exécutif. Elle insiste également sur le fait que le citoyen doit être informé.
Il est impératif de réussir la réforme du système fiscal
N’ayant pas pu être présente lors de l’évènement, Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’Économie et des finances, a fait savoir, dans une allocution lue en son nom par Noureddine Bensouda, que les crises auxquelles a été confronté le monde, à savoir le Covid et la guerre en Ukraine, ont eu un impact global, d’abord sur le marché des produits de base, mais aussi sur les secteurs productifs et le commerce international.
Elles ont alimenté, de ce fait, l’inflation mondiale qui, combinée à une croissance faible, a obligé les pays avancés à mettre en place des politiques monétaires encore plus restrictives, et durci les conditions de financement des pays émergents et en développement. La ministre a ajouté qu’en matière de recettes, il devient nécessaire de réussir la réforme du système fiscal pour une fiscalité fondamentalement tournée vers l’avenir, et qui intègre parfaitement la mondialisation.
Pour Driss Benhima, ex-PDG de la RAM, ex-ministre et ancien wali, il ne fait aucun doute que le nouveau processus de décision en matière de finances publiques devrait se mettre en place en conciliant entre les attributions des institutions centrales et les pouvoirs délégués à leurs représentants régionaux ainsi que les programmes des conseils de région. Et de noter que la sphère de décision territoriale dépend du rôle dévolu à cette dernière, préconisant le renforcement des attributions du conseil régional, qui devrait devenir le meilleur connaisseur documenté des réalités régionales, tous secteurs confondus.
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO