Croissance : le rebond économique confronté au creusement du déficit budgétaire

L’économie marocaine a démarré 2025 sur une dynamique positive, avec une croissance accélérée, à 4,8% au premier trimestre. Ceci est essentiellement dû à la demande intérieure, selon la revue mensuelle de la Banque centrale, laquelle partage ce constat avec le HCP. Cependant, cette amélioration a pour revers de la médaille un creusement notable du déficit budgétaire, ce dernier atteignant 26,8 MMDH à fin mai.
Comme elle l’avait annoncé lors de ses projections actualisées établies en juin 2024, Bank Al-Maghrib semble être sur la même longueur d’onde que le HCP par rapport au rebond que connaît l’activité économique en ce début d’année. Selon la revue mensuelle de conjoncture économique, monétaire et financière de la Banque centrale, l’économie marocaine a démarré 2025 sur une dynamique positive.
Dans ce sens, la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) s’est accélérée au premier trimestre, atteignant 4,8% en glissement annuel, comparativement à 3% durant la même période en 2024. Cette performance est essentiellement due à la demande intérieure qui a été le principal moteur de cette croissance, y contribuant à hauteur de 8,5 points (contre 4,3 points un an avant), sous l’effet de l’augmentation de la consommation des ménages (+4,4%), de celle des administrations publiques (+5,2%) et surtout de l’investissement (+17,5%).
Ce raffermissement de l’activité économique recouvre aussi une progression de 4,5%, contre un repli de 5%, de la valeur ajoutée agricole et de 4,6%, au lieu de 3,6%, de celle des activités non agricoles.
À l’inverse, les échanges extérieurs de biens et services ont de nouveau connu un repli (-3,8 points), les exportations de biens et services en volume ayant progressé insuffisamment (+2,2%) par rapport aux importations (+9,8%).
Le déficit commercial s’est, en conséquence, creusé de 15,1% à 133,1 milliards, et le taux de couverture est revenu à 59,9%, au lieu de 62,6% à fin mai 2024. Dans ces conditions, l’encours des avoirs officiels de réserve s’est renforcé à 401,9 milliards de dirhams, représentant l’équivalent de 5 mois et 14 jours d’importations de biens et service.
Création de 282.000 emplois
Le marché du travail a connu, entre T1 – 2024 et T1 – 2025, la création de 282.000 postes, après une perte de 80.000 un an auparavant. Hormis l’agriculture qui a accusé une nouvelle baisse (-72.000 emplois), les autres secteurs ont enregistré des créations s’élevant à 216.000 postes dans les services, 83.000 dans l’industrie et 52.000 dans le BTP.
Tenant compte d’une entrée nette de 266.000 demandeurs d’emploi, le taux d’activité est ressorti en augmentation de 0,3 point à 42,9% au niveau national (+0,4 point à 41,5%, en milieu urbain, et stable à 45,6% dans les campagnes).
Dans ces conditions, le taux de chômage a diminué de 13,7% à 13,3% au niveau national (de 17,6% à 16,6% dans les villes, et de 6,8% à 7,3% dans les zones rurales). Pour les jeunes de 15 à 24 ans, il a connu une hausse de 1,8 point à 37,7% globalement (+5,3 points à 25,5% dans les campagnes, et -0,8 point à 46,9% dans les villes).
Le déficit budgétaire à 26,8 MMDH à fin mai
En ce qui concerne l’exécution budgétaire au titre des cinq premiers mois de l’année, les chiffres révèlent un creusement notable du déficit. Selon le rapport, la situation des finances publiques est marquée par une forte progression des recettes, notamment fiscales. Celles-ci se sont avérées insuffisantes face à la croissance encore plus rapide des dépenses, tant ordinaires que d’investissement, conduisant ainsi à un creusement du déficit budgétaire et à un besoin de financement accru par rapport à l’année précédente.
Dans le détail, le déficit budgétaire (hors produit des cessions des participations de l’État) s’est établi à 26,8 MMDH à fin mai 2025, contre 17,7 MMDH à la même période en 2024. Cela représente une augmentation de 9,1 MMDH du besoin de financement de l’État sur la période. Cette situation résulte principalement d’une dynamique de croissance des dépenses ordinaires qui a dépassé celle des recettes ordinaires. Du côté des revenus, les recettes ordinaires ont affiché une progression de 16,6%, atteignant 176,8 MMDH.
Cette performance est portée par une augmentation des rentrées fiscales (+16,4%) et des recettes non fiscales (+25,2%). Les impôts directs ont particulièrement évolué (+31%, soit 72 MMDH), tirés par l’Impôt sur les sociétés (IS) et l’Impôt sur le revenu (IR) découlant de l’opération régularisation fiscale. Les impôts indirects ont également contribué positivement (+8,7%), grâce aux bonnes performances de la TVA et de la Taxe intérieure de consommation (TIC).
Les dépenses ordinaires se sont aggravées de 19,8%
Les dépenses ordinaires ont cependant progressé, en parallèle, de 19,8%, s’établissant à 172,6 MMDH. Cette hausse est largement imputable à l’augmentation significative des dépenses de biens et services (+26,3%) et des charges en intérêts de la dette (+23,8%).
Les dépenses de biens et services incluent notamment une progression des dépenses de personnel (+11,2%) et des autres biens et services (+53,6%). Les charges d’intérêts de la dette ont également augmenté, principalement celles liées à la dette intérieure. Seules les charges de compensation ont enregistré un recul notable de 28,8%, allégeant la charge budgétaire sur certains produits subventionnés comme le gaz butane, le sucre et la farine. L’État a également poursuivi un effort d’investissement soutenu, avec des dépenses en hausse de 21% pour atteindre 43,7 MMDH.
En incluant ces dépenses et les comptes spéciaux du Trésor (qui ont dégagé un solde positif de 12,7 MMDH), les dépenses globales s’élèvent à 216,3 MMDH, en hausse de 20,1%.
Par ailleurs, le déficit ressort à 44,6 MMDH, nécessitant un financement conséquent. Ce besoin a été couvert par un mix de ressources intérieures nettes (16,7 MMDH) et surtout un flux net extérieur de 27,8 MMDH, témoignant du recours aux marchés financiers internationaux et à des institutions comme le FMI.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO