Coronavirus: l’économie marocaine à l’épreuve
Du jamais-vu pour l’économie nationale, le Maroc, à l’image des autres pays du globe, fait face à un scénario économique sans précédent, dicté par la propagation de la pandémie du nouveau coronavirus, Covid-19″.
En guise de riposte, et conformément à une approche proactive, le Maroc mène des efforts tous azimuts pour, d’un côté, contenir la propagation du virus sur son sol, et, de l’autre, sauver son économie nationale, dont des pans entiers ont dû brusquement baisser le rythme ou céder complètement à l’arrêt.
Pour amortir l’effet de cette pandémie sévissant dans le monde, le Maroc a pris les devants et mis en place une panoplie de mesures anticipatives à l’instar de la création du Fonds spécial pour la gestion de la pandémie de Covid-19, en application des Hautes instructions du roi Mohammed VI, l’octroi d’une indemnité forfaitaire au profit des salariés déclarés à la CNSS, le soutien provisoire des ménages opérant dans le secteur informel ou encore l’instauration de nouvelles mesures bancaires.
Mais, face à cette situation sanitaire, qui a fait plier les grandes économies de la planète, l’incertitude reste de mise. Plusieurs interrogations se posent quant aux conséquences de cette pandémie sur l’économie nationale, d’autant plus que la récession est de retour dans le monde avec le confinement de plus de la moitié de la population.
Lors de sa session du mois de mars, le Conseil de Bank Al-Maghrib s’est particulièrement penché sur les conséquences de la propagation à l’échelle mondiale du Covid-19, relevant, à cet effet, que la croissance nationale devrait stagner à 2,3% en 2020, alors que 3 mois auparavant, la banque tablait sur une accélération de la croissance à 3,8% pour la même année.
Dans la foulée, le Haut-commissariat au Plan (HCP) a assuré, à son tour, de revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour 2020, établies initialement à 3,5%.
Quant au Centre marocain de conjoncture (CMC), il a avancé récemment un taux de croissance qui ne dépasse pas 0,8% en 2020, soulignant, néanmoins, que la politique budgétaire largement accommodante, initiée par la création du Fonds spécial de gestion de la pandémie du coronavirus et la solidarité agissante des Marocains, « pourrait bien faire éviter la faillite à un bon nombre d’entreprises et sauver des emplois ».
De point de vue sectoriel, l’économie marocaine ne pourra pas échapper aux effets de cette pandémie, en particulier le tourisme, qui pourra subir « une baisse allant jusqu’à 39% du nombre de touristes », une contreperformance qui devrait être compensée partiellement par les effets d’entraînement positifs générés par la chute des cours du pétrole. C’est ce qui ressort, du moins, d’une note du CFG Bank.
Pour le commerce extérieur, « une baisse de 20% des volumes totaux de biens échangés est attendue », soit l’équivalent « d’une perte de 2,6 millions de tonnes chaque mois à partir de mars 2020 », souligne, entre autres, la même étude.
En effet, l’impact de la propagation du Covid-19 sur l’économie nationale interpelle également bon nombre de chercheurs et d’économistes. Le Professeur d’Économie à l’Université Mohammed V à Rabat, Radouane Raouf, a constaté que « les secteurs de notre économie qui sont touchés de plein fouet par la crise sanitaire sont en premier lieu les secteurs du transport et du tourisme ».
« Le trafic aérien s’est effondré entraînant dans son sillage l’arrêt du tourisme. Confinement oblige, les hôtels, restaurants, cafés, marchés sont à ciel ouvert, etc. L’impact est direct et total », explique-t-il.
« Le secteur industriel est aussi touché d’une manière directe, à cause de la réduction des effectifs ou indirectement à travers l’arrêt des donneurs d’ordres ou le ralentissement des chaînes de logistique et d’approvisionnement », a ajouté l’économiste, notant que les fermetures des industries en Chine et leur place dans les chaînes de valeur mondiales expliquent en partie les perturbations que connaît la production industrielle, notamment l’automobile », a précisé l’économiste.
Pour sa part, le secteur du textile fait face à un problème de demande et de ralentissement de la logistique particulièrement en Europe, a fait observer Raouf, ajoutant que le secteur agricole subit, lui, les conséquences de la sécheresse et de la pandémie.
Le professeur a, en outre, pointé du doigt l’impact de la crise sur la balance des paiements et les réserves de change. Selon lui, l’interruption des recettes du tourisme, le ralentissement des transferts des MRE (dû à la crise en Europe) et la faible demande étrangère peuvent être perçus comme « des sources de tensions sur les réserves en devises ».
Néanmoins, cet effet « mérite d’être relativisé », car, a-t-il argué, « la demande d’importations (de biens de consommation, produits finis comme les biens intermédiaires) connaîtrait le même sort et la baisse du prix de pétrole vient également contrebalancer la perte de devises ».
De surcroit, « le Maroc dispose de plus de cinq mois d’importations de devises ainsi que la possibilité de faire appel à la LPL (Ligne de précaution et de liquidité) du FMI, sans oublier la souplesse supplémentaire, même limitée, introduite dernièrement par Bank Al-Maghrib à travers l’élargissement de la bande de fluctuation du dirham (+/-5%), qui pourrait aussi limiter les incidences sur les réserves de changes. L’administration de la douane a pris aussi des dispositions favorables dans ce sens », a-t-il soutenu.
En effet, toutes les mesures et les dispositions prises par les pouvoirs publics pour endiguer la propagation de la pandémie du Covid-19 sont « nécessaires » et « louables ». Elles seront « d’un grand intérêt pour stopper l’hémorragie et permettre une relance économique dans les mois qui viennent », a affirmé l’économiste.
De l’avis de Raouf, il y aura un « avant » et un « après » Covid-19, que ce soit pour notre économie ou pour l’économie mondiale. Cette crise sanitaire mondiale a révélé en plein jour l’extrême fragilité du monde et des économies. L’éclatement des processus de production rend les économies très interdépendantes et il suffit d’un grain de sable qui vient ralentir les chaînes de valeurs pour anéantir les économies.
La leçon que l’on puisse tirer de cette crise est la nécessité de « redessiner nos priorités en termes de dépenses publiques et de production, de rendre notre économie moins dépendante pour les produits stratégiques et encore moins dépendante de la demande étrangère ». Il n’est pas question, a conclu l’économiste, « ‘d’opter pour le protectionnisme, mais plutôt un positionnement stratégique de précaution ».