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Conjoncture : l’inflation plombe le moral des ménages

Au moment où l’IPC annuel moyen a progressé de 0,9% en 2024, et où l’indicateur annuel d’inflation sous-jacente enregistre une hausse de 2,4%, le gouffre se creuse en ce qui concerne la perception des ménages. C’est l’un des enseignements majeurs de l’enquête permanente de conjoncture dont les résultats viennent d’être dévoilés par le HCP.

Entre l’inflation mesurée et l’inflation perçue ou vécue par les consommateurs, le ressenti des ménages reste négatif au sujet de l’évolution du niveau de vie. Alors que l’indice des prix à la consommation (IPC) annuel moyen a progressé de 0,9% en 2024 et que l’indicateur annuel d’inflation sous-jacente a augmenté de 2,4%, selon la dernière note du HCP, la perception et le vécu des ménages penchent, de façon quasi unanime, dans le sens d’une augmentation des prix des produits alimentaires.

Ali Rhanbouri, président du Centre de la prospection économique et sociale, y voit le signe d’une «pression inflationniste plus importante sur les produits à consommation régulière».

Pour l’expert, «cela signifie que, malgré une stabilité apparente des prix, les ménages ressentent davantage les hausses dans des catégories essentielles comme les aliments, les carburants et les services» (voir interview ci-contre).

Produits alimentaires : la plupart des ménages déclarent que les prix ont augmenté
Cette hausse constatée est la conséquence, selon le HCP, de l’augmentation de l’indice des produits alimentaires de 0,8% et de celui des produits non alimentaires de 1,2%. Les variations enregistrées pour les produits non alimentaires vont d’une baisse de 1,3% pour la «Santé» à une hausse de 3,4% pour les «Restaurants et hôtels».

Parallèlement à ces chiffres, la quasi-totalité des ménages (97,5%), au quatrième trimestre de 2024, déclarent que les prix des produits alimentaires ont augmenté au cours des 12 derniers mois. Un solde d’opinion identique à celui du troisième trimestre précédent, contre -97,4 points en glissement annuel.

Quant aux perspectives de leur évolution au cours des 12 prochains mois, les prix des produits alimentaires devraient continuer à augmenter selon 83,3% des ménages, contre 1,5% seulement qui s’attendent à leur baisse. Le solde d’opinion est resté ainsi négatif, se situant à -81,8 points, au lieu de -83,5 points enregistrés un trimestre auparavant et de -77,6 points un an auparavant.

IPC annuel : les hausses les plus importantes enregistrées dans le Sud
Dans le détail, l’IPC, qui couvre un panier fixe contenant 546 articles et 1.391 variétés, démontre une hausse de 3,4% dans la rubrique «Restaurants et hôtels», ce qui explique en partie l’effet de l’inflation sur le secteur touristique et ses activités annexes. La seconde hausse la plus importante concerne la rubrique «Logement, eau, électricité et autres combustibles» (+2,6%).

Les «Boissons alcoolisées et tabac» complète le podium (+2,3%). Par villes, les hausses les plus importantes de l’IPC annuel ont été enregistrées à Laâyoune (+3%), Guelmim (+2,2%), Dakhla et Safi (+1,7%).

Par ailleurs on enregistre +1,6% à Agadir, +1,5% à Fès, Rabat et Tétouan, +1,3% pour Marrakech, +1,1% pour Errachidia, +0,8% pour Casablanca et Al-Hoceima, +0,7% pour Kénitra, et +0,6% à Tanger et Settat.

Ali Rhanbouri
Président du Centre de la prospection économique et sociale

Quelle lecture faites-vous de l’évolution annuelle de l’IPC en 2024 par rapport à la question de l’inflation ?
L’évolution de l’indice des prix à la consommation en 2024 reflète une inflation modérée avec une hausse moyenne annuelle de 0,9%. Cependant l’inflation sous-jacente, qui exclut les produits à prix volatils et les tarifs publics, s’élève à 2,4%. Cela témoigne d’une pression inflationniste plus importante sur les produits à consommation régulière. Cela signifie surtout que malgré une stabilité apparente des prix, les ménages ressentent davantage les hausses dans des catégories essentielles comme les aliments, les carburants et les services.

Cette différence entre l’inflation globale modérée et l’inflation sous-jacente plus élevée met en lumière une réalité économique où les prix des biens et des services de première nécessité continuent de peser sur le pouvoir d’achat.

Par exemple, bien que les prix des légumes et fruits aient baissé respectivement de 3,9% et 2,3% en décembre, des produits de base comme les viandes (+1 %) et les huiles (+0,8 %) ont vu leurs prix augmenter, accentuant le coût de la vie pour les ménages.

Les ménages marocains restent pessimistes quant à l’évolution de la situation économique. Quel regard portez vous sur leur ressenti ?
Le pessimisme des ménages, tel qu’observé dans l’enquête permanente de conjoncture du HCP, est un indicateur clair des difficultés économiques persistantes, malgré la baisse globale de l’IPC, les ménages perçoivent peu d’améliorations concrètes dans leur quotidien, ce sentiment est alimenté par plusieurs facteurs : une inflation sous-jacente persistante, une augmentation des prix des services essentiels comme le logement et les combustibles (+2,6 %), ce qui touche directement leur budget.

Le sentiment de stagnation économique chez les ménages peut être expliqué aussi par la perception que les ajustements des prix dans certains secteurs clés comme celui des transports ne reflètent pas de manière équitable ou rapide les évolutions des coûts internationaux.

En d’autres termes, bien que les prix internationaux des carburants aient connu une baisse notable, cette diminution ne s’est traduite que par une réduction marginale des coûts dans le secteur des transports au Maroc (-0,2 % entre novembre et décembre 2024).

Pour les ménages, cette situation est perçue comme une absence de bénéfice concret des dynamiques économiques globales, ce qui renforce leur frustration, car ils voient les prix internationaux baisser, mais n’en ressentent pas l’impact positif sur leur quotidien, notamment dans des services essentiels comme les transports. Ce décalage entre les réalités économiques globales et leurs retombées locales alimente donc un sentiment de stagnation ou même d’injustice économique.

Comment entrevoyez-vous l’évolution de l’inflation cette année?
Les perspectives pour 2025 dépendent de plusieurs facteurs économiques nationaux et internationaux. Premièrement, l’évolution des prix internationaux des matières premières jouera un rôle crucial. Si les prix de l’énergie restent stables ou diminuent, cela pourrait atténuer la pression inflationniste, toutefois les tensions géopolitiques ou les perturbations des chaînes d’approvisionnement pourraient inverser cette tendance. Deuxièmement, la politique économique et monétaire nationale sera déterminante.

En effet, si des mesures sont prises pour renforcer le pouvoir d’achat des ménages et contrôler les marges commerciales dans certains secteurs, l’inflation pourrait être maîtrisée. Cependant si la dépendance aux importations persiste, notamment pour les produits alimentaires, les fluctuations des marchés internationaux continueront de se répercuter sur les prix domestiques.

Enfin, l’indicateur d’inflation sous-jacente, qui s’est établi à 2,4 % en 2024, pourrait rester élevé si aucune réforme structurelle n’est mise en œuvre. L’augmentation des prix dans des secteurs comme le logement ou les services pourrait persister, contribuant à maintenir un niveau élevé d’inflation ressentie par les ménages.

En conclusion, 2025 s’annonce comme une année charnière. Si des efforts sont entrepris pour stabiliser les prix, notamment en réduisant la dépendance aux importations et en favorisant la concurrence, cela pourrait améliorer la situation. Cependant, en l’absence de telles mesures, l’inflation pourrait continuer à peser sur les ménages, renforçant leur pessimisme quant à l’évolution économique.

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO



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