Besoin d’institutions fortes et de leadership
Le premier symposium sur la politique économique en Afrique organisé par l’OCP Policy Center fut l’occasion de débattre des modes de développement et des solutions pour une Afrique qui cherche la soutenabilité face aux fluctuations du marché mondialisé.
Comment les pays de l’Afrique subsaharienne peuvent-ils arriver à une croissance soutenable et inclusive malgré les contraintes structurelles qui semblent retarder ce processus ? Des d’experts, anciens responsables politiques et économistes africains ont croisé leurs idées à ce sujet à l’occasion du premier African Economic Policy Symposium, organisé en fin de semaine par l’OCP Policy Center. L’objectif de ce rendez-vous est de jeter toute la lumière sur les expériences réussies mais aussi les limites d’un modèle de développement africain qui tout en créant de la richesse et des taux de croissance intéressants, peinent à profiter à la majorité des citoyens du continent. Certes, le taux de pauvreté en Afrique a baissé de 54 à 41% de 2010 à 2013, mais le nombre de pauvres a augmenté eu égard à l’évolution démographique. Le problème de la productivité agricole (5% seulement des terres irriguées) accentue davantage cette problématique de précarité de la population. Et pour que l’Afrique réussisse à réduire le gap des infrastructures, il faudra 93 milliards de dollars d’investissements par an, contre seulement 43 milliards de dollars aujourd’hui dépensés. Matata Ponyo Mapon, ex-premier ministre de la république démocratique du Congo, a pointé du doigt la faiblesse des institutions qui sont censées être porteuses de croissance. En atteste l’échec des programmes d’ajustement structurel dictés par le Consensus de Washington dans les années 1990 ayant donné des résultats contraires aux objectifs initiaux. Joseph Stiglitz avait commenté ces PAS comme ayant profité plus aux pays développés qu’aux pays africains en crise. À l’exception de quelques pays comme le Botswana où ce genre de programme fut une relative réussite. Toutefois pour avoir des institutions fortes, il faut des hommes forts dotés d’un leadership politique pour lutter contre les fléaux de la corruption, la rente et le clientélisme qui bloquent l’émergence. Partant de son expérience, Mapon a expliqué qu’il ne lui pas été facile de renverser la vapeur durant son mandat 2012-2016. Arborant constamment sa cravate rouge, symbole de droiture face aux tentations du pouvoir, il pu maintenir une croissance de 8% et une inflation moyenne de 3%.
En seulement trois ans, le pays a gagné 11 points dans le classement mondial du développement humain, sans appui du FMI tient-il à préciser, et même avec un excédent budgétaire. Il aura tout fait pour que ses étudiants, du temps où il était professeur des universités, ne le voient pas d’un autre œil après avoir accédé au pouvoir. C’est la preuve qu’en Afrique, des réalisations notoires peuvent avoir lieu à condition d’en avoir la volonté et les hommes forts. L’expérience du Ghana est aussi éloquente. Comme raconté par Cadman Atta Mills, ex-conseiller spécial du président ghanéen, le pays a fait le choix d’être un espace économique national efficace pour attirer les investissement étrangers. En d’autres termes, il s’est basé sur les vertus de l’attractivité économique plutôt que sur les échanges qui prennent en compte les avantages comparatifs de chaque pays. Dans les télécoms, les énergies renouvelables, l’électrification rurale, l’aménagement et la disponibilité du foncier, le Ghana est un grand chantier. Néanmoins, le financement de ce vaste programme fut un véritable casse-tête. Commençant par l’emprunt bilatéral d’un montant de 3 milliards de dollars avec la Chine, cette option s’est avérée contraignante. Ensuite, le pays s’est dirigé vers le financement local et les PPP notamment dans la production énergétique, un choix plus opportun. Mais toujours flottait à la surface le dilemme de l’inclusivité de la croissance. Certes, le pays fait des progrès, mais la majorité des citoyens n’en profitent pas encore, ce qui pose encore une fois le dilemme de la répartition équitable des richesses, réel vrai baromètre de développement de tout pays. Pour des raisons sociales, la soutenabilité de la croissance devient difficile tant que ce facteur n’est pas sérieusement pris en compte. L’autre facteur prépondérant a trait à l’absence d’un marché africain intégré. Les échanges entre les pays du continent représentent à peine 10% de l’ensemble de leurs échanges commerciaux, ce qui compromet l’émergence d’économies fortes adossées à un marché continental porteur. Pour Mapon, il faut un leadership, loin des considérations claniques ou partisanes et tourné uniquement vers le bien commun. Les intervenants à ce symposium sont tous unanimes quant à l’importance de former les futurs leaders gouvernementaux aux techniques de gouvernance et de pilotage de modèles économiques proposés à chaque pays.