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Baisser les impôts et élargir l’assiette, un vrai casse-tête

La volonté est là, exprimée sans ambiguïté par Omar Faraj, directeur général des impôts pour réduire la pression fiscale…mais sans affecter l’équilibre financier de l’État. IS, IR, TVA, taxe professionnelle…une loi-cadre tracera le cap entre 2020 et 2024 pour une réforme en profondeur de la fiscalité.

Réduire la pression fiscale (IS, IR…) tout en élargissant l’assiette pour préserver les finances publiques. C’est en résumé le défi que se donne l’administration fiscale. Lors d’un déjeuner-débat d’une rare succulence intellectuelle, organisé mardi à Rabat par la DGI, Omar Faraj (photo) a fait preuve d’une grande ouverture. Le directeur général des impôts en tandem avec Mohamed Berrada, président du Comité scientifique des 3e assises de la fiscalité (3 et 4 avril à Skhirat) ont donné le la de ce que sera une réforme globale. Sur cinq ans, l’IS et l’IR seront réaménagés, des impôts supprimés ou dont la gestion sera externalisée ou au contraire rapatriée, lifting des exonérations et consécration de la neutralité de la TVA. La cotisation minimale devra aussi être supprimée de manière progressive sur cinq ans. Il était temps pour lever cette injustice où l’entreprise se trouve obligée de payer l’impôt qu’elle dégage un bénéfice ou pas. Enfin, la taxe professionnelle dans sa forme actuelle est appelée à disparaître.

Simplification du Code général des impôts
Une loi-cadre intégrera tous ces changements pour garantir leur application entre 2020 et 2024 face aux surprises des Lois de finances. Berrada n’a pas caché son étonnement devant une telle ouverture de l’administration fiscale sur des sujets inabordables par le passé. Ces troisièmes assises seront-elles les bonnes ? En tout cas, comme l’a d’entrée de jeu affirmé Faraj, tout le monde a été consulté dont huit chefs de partis politiques, la CGEM, les fédérations sectorielles, les associations… une centaine de drafts qui ne manqueront pas d’enrichir le débat au sein des panels. Le Code général des impôts sera aussi simplifié pour éviter les problèmes d’interprétation qui nourrissent les contentieux et font perdre un temps précieux au contribuable et à l’administration fiscale. «Nous n’avons pas besoin d’un texte ambigu où tout le monde se perd», dira Faraj, pour qui la clarté et la transparence doivent constituer le soubassement de cette réforme fiscale. Dans cette veine, un guide du contribuable devrait aussi accompagner l’implémentation de la réforme de manière fluide.

Exit l’injustice fiscale
La réflexion sera aussi menée sur la productivité de l’administration en améliorant l’interopérabilité entre la DGI, la Trésorerie générale et les collectivités locales. L’idée est de mettre plus de cohérence dans leurs interventions auprès des différents contribuables. Par exemple, le basculement de la taxe à l’essieu du giron des collectivités locales à la DGI en 2018 a permis de passer de 400 MDH à 560 MH en moins d’une année avec un coût zéro. Six ans seulement après les deuxièmes assises tenues en 2013, l’administration fiscale fait preuve d’une prise de conscience quant à la nécessité d’une réforme qui participe au développement économique et social du pays. Elle s’inscrit pleinement dans la dynamique enclenchée par le souverain pour un nouveau modèle de développement. Elle est tout autant sensible aux inégalités économiques et à l’injustice fiscale qui bride l’élan entrepreneurial et compromet l’épargne domestique.

La qualité de la croissance en question
Dans ce sens, Berrada a dressé un tableau pas très reluisant : 26% des diplômés sont au chômage alors que les non diplômés sans emploi ne représentent que 4,5%. En d’autres termes, l’ascenseur social via les études est en panne tant que l’économie est dans l’incapacité d’absorber le surplus de jeunes en âge d’activité. Berrada en veut à la qualité de la croissance qui manque de régularité puisque dépendante du ciel. Ses niveaux qui fl uctuent depuis plusieurs années entre 2,8% et 3,2% sont loin de ce qui est requis pour qu’elle soit inclusive. Durant l’une de ses missions d’évaluation au Maroc, le FMI a reconnu qu’un niveau de croissance de 7% est seul à même de créer assez de richesses pour une baisse substantielle du taux de chômage en dessous de la barre fatidique des 9%. La croissance est aussi mal répartie. Ce n’est pas non plus un mystère que le taux d’investissement au Maroc est des plus élevés dans la région (33,5% en 2028) sans que cela n’impacte positivement la croissance. L’on pointe du doigt le manque de combinaison entre les facteurs et surtout une faiblesse structurelle de la productivité qui n’évolue que de 0,2% par an.

La fiscalité n’est pas une baguette magique
Ces troisièmes assises portent l’intitulé : «réforme fiscale : équité et développement humain». «Il est essentiel que la politique fiscale soit d’essence sociale», ne manquera pas de dire Berrada. En effet, le Maroc se trouve parmi les trois premiers pays africains en matière de pression fiscale. Selon l’OCDE, les recettes fiscales entre impôts et cotisations sociales ont représenté 26,4% du PIB au Maroc en 2016, après la Tunisie (29,4%) et l’Afrique du Sud (28,6 %). Sans commune mesure toutefois avec les 46% dans l’Hexagone où la pression fiscale est la plus élevée mais où également les dépenses en protection sociale sont les plus élevées. Toutefois, la fiscalité ne résoudra pas d’un coup de baguette magique tous les maux de l’économie marocaine. Elle jouera certainement le rôle de déclic mais tout dépendra de la capacité de l’économie à créer de la richesse et des réformes que les autres secteurs voudront bien mettre en marche. Enfin, toutes les réformes possibles et imaginables ne peuvent donner leurs fruits s’il n’y a pas un minimum de civisme fiscal. Ce dernier étant lui-même tributaire des signaux que l’État donnera dans le sens du changement notamment en faisant que l’impôt serve le bien commun, les infrastructures et la protection sociale.


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