Amine Diouri : «La crise n’a fait qu’accentuer une fragilité déjà existante»
Amine Diouri, Directeur Études & communication chez Inforisk
40% des entreprises marocaines sont en difficulté. Ce pourcentage reflète-t-il la réalité ?
Effectivement, je pense que ce chiffre représente bien la réalité de la situation actuelle des entreprises. Cela fait plusieurs années que nous tirons la sonnette d’alarme sur l’extrême fragilité des TPE, qui souffrent le plus. Déjà, avant la Covid-19, elles souffraient de baisses importantes de chiffre d’affaires d’une année à l’autre et d’une rentabilité quasi nulle… Ces entreprises sont sous-capitalisées ; justement elles n’avaient pas assez de cash pour affronter et traverser des situations de crise comme la pandémie. Donc effectivement, cette dernière n’a fait qu’accentuer les problématiques de trésorerie des entreprises.
Comment alléger les risques d’insolvabilité ?
Cette question est assez complexe car il faut se poser la question suivante : a-t-on réellement envie de maintenir artificiellement l’activité des entreprises qui sont structurellement déficitaires avant la crise, et qui auraient dû disparaître avec l’avènement de cette dernière ? Elles ont finalement survécu, justement, grâce aux aides et à l’accompagnement de l’État. Qui dit disparition d’entreprise dit disparition d’emplois ; socialement parlant, c’est assez délicat. Quoi qu’il en soit, pour continuer à aider, il faudra des ressources. On sait bien que l’État a fait de son mieux, face à la baisse importante de ses ressources. Forcément, il lui sera difficile de continuer à soutenir les opérateurs privés, surtout dans les conditions pandémiques actuelles. Il faut donc du business pour pouvoir relancer la machine, que ce soit à travers le marché local ou à l’export. On peut également citer une troisième source d’aide à la relance de l’activité des entreprises. Il s’agit de la data, avec de l’information sur ses partenaires, et se renseigner sur sa contrepartie est plus que jamais important. On sait qu’il y a des entreprises plus fragiles que d’autres ; cela peut aider à éviter des problématiques de solvabilité. La disponibilité de l’information est justement importante pour limiter la casse.
Quelles pistes de sauvetage se présentent aux opérateurs privés ?
Il faudrait, entre autres, accélérer la transition des entreprises. Comment faire en sorte que les TPE deviennent des PME, et les PME des GE ? Cette configuration n’existe pas vraiment chez nous. Il y a plusieurs leviers à activer dans ce sens. L’idée est d’aider les entreprises structurellement viables, de leur permettre de croître, de développer le chiffre d’affaires. Il faut aussi créer un environnement d’affaires sain. Avec des délais de paiement qui s’allongent, il est difficile, dans ce contexte, de faire des affaires et de survivre à la crise.
Sanae Raqui / Les Inspirations Éco