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Accord d’Association Maroc-UE : du nouveau dans les contingents tarifaires

Coup de projecteur sur les principaux quotas d’importations et d’exportations agricoles entre le Maroc et l’UE bénéficiant de droits de douane réduits ou nuls pour la période allant du 1er octobre 2024 au 30 septembre 2025, avec quelques ajustements par rapport à l’année précédente. 

Quels sont les principaux changements en matière de quotas d’importations et d’exportations préférentielles avec l’UE pour 2024-2025 ? Tour d’horizon avec la nouvelle circulaire de l’Administration des douanes et impôts indirects (ADII). La nouvelle circulaire n°6599/222 de l’ADII, publiée le 30 septembre 2024, apporte des précisions sur les contingents tarifaires régissant les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Union européenne dans le cadre de l’Accord d’association pour la période allant du 1er octobre 2024 au 30 septembre 2025.

Malgré quelques ajustements ponctuels, cette nouvelle circulaire de l’ADII témoigne d’une relative continuité dans la gestion des contingents tarifaires agricoles Maroc-UE. Une stabilité qui devrait faciliter la planification des opérateurs économiques des deux rives de la Méditerranée. Entendez par contingents tarifaires les quotas d’importation ou d’exportation bénéficiant de droits de douane réduits ou nuls. Ils permettent de faciliter les échanges de certains produits tout en protégeant les productions locales.

Pour la période du 1er octobre 2024 au 30 septembre 2025, cette nouvelle circulaire détaille les volumes de ces contingents, les produits concernés, leur origine préférentielle ainsi que les taux de droits de douane applicables.

Dans le détail, la circulaire précise notamment les quotas pour des produits agricoles stratégiques comme les fruits et légumes, les céréales, le sucre ou encore les produits laitiers et la viande. Ces secteurs sensibles bénéficient de contingents encadrés pour limiter la concurrence avec la production nationale. Les clarifications de cette circulaire permettent donc aux opérateurs économiques des deux parties de disposer d’une visibilité sur le régime commercial applicable pour planifier leurs échanges dans de bonnes conditions.

Stabilité générale des taux préférentiels et quantités excepté pour le blé dur importé de l’UE
Dans l’ensemble, on constate une relative stabilité des taux préférentiels accordés dans le cadre des quotas, avec de rares changements par rapport à la circulaire n°6499/222 du 3 octobre 2023. Parmi les rares ajustements, on note une hausse du taux préférentiel pour le blé dur importé de l’UE entre le 1er août et le 31 mai, passant de 2,5% à 3% sur un quota de 50.000 tonnes. Selon des analystes, cette légère augmentation pourrait être liée aux difficultés d’approvisionnement en blé dur de qualité, en raison notamment de la baisse de production en France.

Cette hausse modeste de 0,5 point du taux préférentiel pour un quota limité de 50.000 tonnes traduit les tensions sur le marché mondial du blé dur en 2024. La production française de blé dur a en effet été impactée par des conditions climatiques défavorables (sécheresse, canicules…), entraînant une baisse significative des volumes récoltés.

Le blé dur est une céréale clé pour la fabrication de pâtes alimentaires, semoules et certains pains spéciaux. Avec une production marocaine insuffisante pour couvrir les besoins, les importations sont nécessaires, notamment en provenance d’autres pays de l’UE comme l’Italie ou la Grèce, gros producteurs. En augmentant légèrement ce taux préférentiel pour un quota d’importation limité, les autorités cherchent à faciliter l’approvisionnement en blé dur de qualité, indispensable pour les industriels agroalimentaires. Cela permet de compenser partiellement le déficit de la récolte française.

A ce propos, il est à noter que la France, principal fournisseur de blé dur pour le Maroc, a connu une baisse de sa production de blé tendre et dur. Les estimations pour 2024 indiquent une production de blé tendre de 29,7 millions de tonnes, soit une diminution de 15 % par rapport à l’année précédente. Une situation qui pourrait affecter les exportations vers le Maroc, qui dépend des importations pour satisfaire ses besoins.

En parallèle, l’on note une nette augmentation des importations marocaines de blé russe. Ce qui signifie qu’en raison de la baisse de la production française, le Maroc se tourne de plus en plus vers d’autres fournisseurs, notamment la Russie, qui est devenue le premier fournisseur de blé tendre du pays. Cette réorientation pourrait également affecter les volumes de blé dur importés de l’UE, car le Maroc cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement. Ceci dit, la hausse des droits de douane relevée plus haut traduit aussi la volonté de trouver un équilibre entre les besoins d’importation et la protection de la production nationale restante. Un taux trop élevé pénaliserait trop les importateurs et industriels.

«Cette mesure ciblée vise donc à sécuriser l’approvisionnement à court terme, dans l’attente d’une prochaine récolte française de blé dur plus généreuse en 2025», nous dit un analyste.

Par ailleurs, certains produits bénéficient toujours d’un accès en franchise de droits (taux préférentiel de 0%) dans la limite des quotas fixés, comme la viande bovine de haute qualité destinée à l’hôtellerie-restauration (4.000 tonnes), les amandes douces (200 t) ou encore les huiles d’olive vierge et extra-vierge (2.000 t au total).

Suspensions et prises en charge maintenues
Les produits déjà concernés par des suspensions du droit d’importation, comme les veaux, taureaux et certaines viandes ovines et caprines, conservent ce régime jusqu’au 31 décembre 2024. De même, la prise en charge par le Budget général de l’État des montants dus au titre des droits et taxes à l’importation reste en vigueur pour certaines viandes ovines, conformément à une décision conjointe de 2023.

Cette partie de la circulaire aborde deux mesures commerciales spécifiques concernant certaines viandes, qui sont reconduites sur la période couverte.

Premièrement, le maintien, jusqu’au 31 décembre 2024, de la suspension des droits d’importation pour les veaux, taureaux et certaines viandes ovines et caprines. Cette exemption totale de droits de douane à l’import facilite l’approvisionnement du marché marocain en ces types de viandes, dont la production locale n’arrive pas à couvrir entièrement les besoins. Elle permet de réguler les prix à la consommation tout en comblant le déficit d’offre nationale.

Deuxièmement, l’État marocain continuera de prendre en charge les montants des droits et taxes dus à l’importation pour certaines viandes ovines spécifiques.

«Cette mesure de soutien, décidée conjointement en 2023, vise à alléger la facture à l’import pour ces viandes ovines afin de faciliter leur approvisionnement à moindre coût. Le manque à gagner en termes de recettes douanières est compensé par le Budget général pour contenir l’impact sur les prix de vente», nous dit un importateur.

Ces deux dispositifs démontrent la volonté des autorités de garantir un approvisionnement régulier du marché intérieur en viandes, produits de première nécessité, à des prix abordables pour le consommateur. Ils permettent de lisser les à-coups d’approvisionnement et de lutter contre la vie chère.

Dans le même temps, ces mesures ciblées préservent la production nationale ovine et bovine de la concurrence frontale des importations grâce aux droits de douane maintenus sur le reste des viandes.

Quotas illimités pour répondre à la demande
Fait notable, les viandes d’agneau fraîches, réfrigérées ou congelées continuent de bénéficier d’un quota illimité assorti d’un taux préférentiel de 200%. Cette mesure vise à répondre à la forte demande intérieure pour cette catégorie de viandes, tout en protégeant la production nationale.

Ce point met en lumière une mesure spécifique concernant les importations de viandes d’agneau (fraîches, réfrigérées ou congelées) en provenance de l’Union européenne. Il s’agit d’un régime commercial dérogatoire combinant un quota illimité assorti d’un droit de douane préférentiel très élevé de 200%. Avec un quota non plafonné, les importateurs peuvent introduire sur le marché marocain autant de viandes d’agneau nécessaires pour répondre à la forte demande intérieure, sans restriction quantitative. Cela permet de couvrir les besoins de consommation que la production locale peine à satisfaire pleinement.

Cependant, le taux de 200% appliqué sur ces importations constitue une protection tarifaire massive pour la filière ovine nationale. Un tel droit de douane prohibitif renchérit très fortement le prix des viandes importées, les réservant à un marché de niche aisé tandis que le gros de la consommation populaire est approvisionné par la production domestique.

Selon un analyste, ce régime commercial atypique permet de concilier deux objectifs : d’une part, assurer un approvisionnement suffisant en viandes d’agneau très demandées, et, d’autre part, protéger efficacement les éleveurs ovins locaux de la concurrence déloyale d’importations à bas prix. C’est donc une forme d’ouverture très encadrée des frontières, au service d’un équilibre subtil entre satisfaction de la demande intérieure et préservation des revenus des producteurs nationaux sur ce marché sensible et stratégique.

Cahiers des charges pour l’importation de viandes

La circulaire rappelle par ailleurs que l’importation de certaines viandes reste conditionnée au respect de «cahiers des charges spécifiques» et de «dispositions zootechniques agréées» par le Maroc et l’UE. Ces exigences concernent notamment les viandes bovines, ovines, de volailles et les préparations à base de ces viandes.

Ce point abordé dans la circulaire souligne que, au-delà des aspects tarifaires, l’importation de certaines viandes en provenance de l’UE vers le Maroc reste soumise au respect de normes et réglementations techniques strictes.

En effet, pour des raisons sanitaires et de protection du consommateur, les autorités marocaines et européennes ont défini des «cahiers des charges spécifiques» et des «dispositions zootechniques agréées» qui s’appliquent aux viandes bovines, ovines, de volailles ainsi qu’aux préparations à base de ces viandes.

Ces exigences portent notamment sur les conditions d’élevage, d’abattage et de découpe des animaux, garantissant des process conformes aux normes d’hygiène et de traçabilité ; le respect de bonnes pratiques de fabrication pour les usines de transformation des viandes ; les critères microbiologiques encadrant l’absence de germes pathogènes, de contaminants ou de résidus indésirables ; l’étiquetage obligatoire avec des mentions relatives à la composition, aux origines, aux dates limites de consommation etc. ; le cas échéant, les autorisations concernant les traitements technologiques subis (salaison, séchage, fumage…).

Le contrôle du respect de cette réglementation technique harmonisée fait l’objet d’audits et d’inspections mutuellement reconnus entre les autorités compétentes du Maroc et de l’UE.

Seuls les lots certifiés conformes peuvent être importés. Cette démarche normative vise à instaurer un niveau élevé d’exigences sanitaires et qualitatives, gage de la sécurité des viandes commercialisées sur le marché marocain. Elle établit ainsi la confiance des consommateurs dans ces produits alimentaires sensibles.

B.C. / Les Inspirations ÉCO

 


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