Abdellah Jrid. “Il faut relever le défi de la diversification de nos marchés”
L’Association des producteurs d’agrumes du Maroc (Aspam) a tenu, la semaine dernière, son assemblée générale ordinaire. Un rendez-vous qui intervient dans un contexte marqué entre autre par la nécessité d’améliorer la rentabilité et la compétitivité du secteur. Abdellah Jrid, président de l’Aspam fait le point.
Quelles sont les prévisions pour la campagne d’exportation ?
Les prévisions pour cette année tablent sur une production égale à 2,66 millions de tonnes, soit une augmentation de 17% par rapport à l’année dernière. Si on déduit de cette quantité les expéditions acheminées à l’export lors de la dernière campagne, soit 28 à 30% de la production, on s’attend à une augmentation lors de cette campagne de l’ordre de 50.000 à 60.000 tonnes de plus à l’export. De ce fait, ce tonnage s’ajoutera aux exportations de la campagne écoulée qui a enregistré 670.000 tonnes. Toutefois, le secteur n’arrive toujours pas à enregistrer le chiffre record des exportations agrumicoles de l’année 1974, qui ont atteint 700.000 tonnes.
Et qu’en est-il du déroulement de cette campagne ?
Sur le plan de la production, cette année est exceptionnelle en raison des conditions climatiques. L’actuelle campagne est marquée par un retard à l’export et selon les données techniques, ce retard est estimé à trois semaines par rapport à la campagne précédente. Si l’année dernière, l’export a démarré le 30 septembre 2017, durant cette campagne, l’export a démarré le 10 octobre 2018. Ce facteur entraînera davantage une pression sur le plan de la commercialisation, essentiellement pour la clémentine et son calendrier de production. Le timing de ce fruit est passé de 10 semaines l’année dernière à 7 semaines durant cette campagne.
Dix ans après la signature du contrat-programme, quel regard portez-vous sur cette feuille de route ?
Il s’est avéré qu’après la signature du contrat-programme agrumes 2009-2019, les vergers ont augmenté mais sans prendre en considération l’équilibre du profil variétal et les spécificités géographiques sur le plan de la plantation. À l’issue de cette décennie, l’évaluation déjà lancée est indispensable en l’occurrence sur le plan des dysfonctionnements et des avantages réalisés pour se projeter dans les années à venir. Il va sans dire aussi que le contrat-programme a préservé la position des exportations marocaines. Si les expéditions agrumicoles provenant du Maroc ont baissé, cela signifie que notre part serait grignoté par les concurrents du pourtour méditerranéen, à savoir l’Espagne, la Turquie et l’Égypte. Et aujourd’hui, il faut relever le défi de la commercialisation et de la diversification à travers la présence sur les marchés traditionnels et l’ouverture de nouveaux débouchés commerciaux. En effet, sur une production qui dépasse 2,3 millions de tonnes, à peine, les deux tiers sont exportés vers l’étranger alors que le reste est commercialisé sur le marché local.
Quels sont les contours de l’étude lancée pour la normalisation des produits du marché local ?
L’application de la normalisation pour les agrumes sur le marché local est une nécessité puisque 70% de la production sont absorbés par le marché local. Une étude a été lancée par la fédération Maroc-Citrus alors qu’un cabinet spécialisé a été mandaté pour sa réalisation. Actuellement, l’étude est en cours de finalisation et les résultats seront prochainement dévoilés
Est-ce que le Maroc arrive à réduire sa dépendance vis-à-vis du marché russe ?
Le marché russe a une particularité puisqu’il est une référence pour la production agrumicole marocaine. Aujourd’hui, deux pays (la Turquie et l’Égypte), qui n’étaient pas présents auparavant sur ce marché, dominent actuellement les exportations. S’agissant du positionnement du Maroc, ce dernier est pratiquement écarté de ce marché pour les grands calibres à cause de la concurrence acharnée de ces pays tandis qu’il maintient sa place sur ce marché avec les petits fruits. Pour rappel, la donne a changé au sein de ce marché après l’année 2014, marquée par le manque de coordination à l’export. Et aujourd’hui, le comité de coordination est un acquis qu’il faut garder. C’est grâce à ce mécanisme que le marché russe est bien géré actuellement à l’export. De ce fait, il faut continuer à gérer ce débouché en fonction de chaque campagne et la situation de la concurrence. À l’heure actuelle, sa part est passée de 75 à 40% alors qu’on a élargi le contingent du marché nord-américain qui représente 21%. L’objectif aussi est de faire en sorte que le Maroc fasse un retour sur des marchés tels que l’Allemagne et la Pologne.