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«Vers des contrats-programmes à l’export»

Abdellah Janati El Idrissi : DG de L’Établissement autonome de contrôle et de coordination des exportations (EACCE)

2016 est une année charnière pour l’Établissement autonome de contrôle et de coordination des exportations (EACCE). La définition d’une feuille de route pour aboutir in fine à des contrats-programmes par filière pour la partie promotion à l’export est désormais son cheval de bataille. Il s’agit, en effet, de doter les produits agricoles frais et transformés marocains ainsi que les produits de la pêche de stratégies de conquête de marché, tout en offrant plus de visibilité aux exportateurs marocains.

Les Inspirations ÉCO : Une mue très importante a récemment marqué l’EACCE, par l’affectation de l’exclusivité de la mission de promotion à l’international du produit agricole et de pêche, mission jusque-là dévolue à Maroc Export…
Abdellah Janati El Idrissi : L’EACCE, organisme public placé sous la tutelle du ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime, pour lequel un nouveau texte de loi a vu le jour fin 2013 et mis en œuvre en 2014, s’est vu chargé de quatre missions de base. La première est historique et porte sur le contrôle technique (à ne pas confondre avec le contrôle sanitaire ou phytosanitaire, lequel relève de l’ONSSA). Notre champ d’intervention touche à tout ce qui concerne la norme commerciale, qualité du produit (calibre, couleur, taux de jus, teneur…). Cette mission a été consolidée par le nouveau texte de loi. La seconde mission, l’établissement la menait jusque-là sans soubassement légal. Elle concerne la coordination intersectorielle. C’est une mission intéressante dans le sens où l’établissement crée et anime, à travers son Conseil d’administration, des comités de coordination sectorielle. La 3e mission est celle de la veille opérationnelle sur les marchés de destination. Aujourd’hui, nous l’exerçons à travers des spécialistes opérant via des logiciels dédiés pour scruter l’information et la traiter avant de la diffuser auprès des opérateurs. Cette veille, nous l’exerçons aussi à travers nos antennes internationales à Bruxelles, Perpignan, en Russie et bientôt nous allons ouvrir un bureau au Canada. Cette activité de veille est consolidée par un certain nombre d’études et de focus que nous menons sur des couples produit-marché, que nous présentons aux opérateurs afin de les aider dans leurs décisions de positionnement stratégique. La quatrième mission enfin est celle de la promotion. Depuis janvier 2016, l’établissement est en charge de la promotion à l’international des produits de la pêche et de l’agriculture, frais ou transformés. C’est une mission pour laquelle nous nous sommes préparés il y a déjà un moment dans la mesure où nous avons revisité notre organigramme avec l’accord de la tutelle et du ministère des Finances. Cet organigramme a été mis en œuvre depuis le 1er février 2016 et cadre parfaitement avec ces nouvelles missions. Nous avons donc maintenant la structure organisationnelle qu’il faut et les moyens de recrutement nécessaires pour mettre en place les équipes et nous allons pleinement exercer maintenant ces missions.

Vous avez évoqué des comités de coordination sectorielle. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
À titre d’exemple, il existe un comité pour les agrumes, un autre pour les primeurs (essentiellement la tomate). Nous avons créé récemment un comité pour la conserve d’olives aussi… Ce sont des structures qui, à travers l’EACCE, arrivent à avoir une assise légale et qui réunissent l’ensemble des opérateurs de la filiale concernés par l’export, pour définir le mode de fonctionnement de ce comité et ses prérogatives. Son rôle premier est de tirer la meilleure valeur ajoutée de l’offre Maroc. Ce comité permet de tracer des stratégies concertées soit de conquête de marchés, soit de mise de produits sur le marché et de laisser au deuxième plan la concurrence maroco-marocaine et même de structurer l’offre sur des marchés traditionnels. Par exemple, le comité agrumes se réunit 12 à 15 fois par an, avec une fréquence d’une fois toutes les deux semaines, s’il le faut. Ce comité suit les marchés, suit les cours, le positionnement du Maroc et l’évolution des autres origines… en utilisant tous ses paramètres afin d’ajuster l’offre à la demande. Le même comité existe pour la tomate et c’est lui qui suit l’utilisation des contingents à l’export avec l’UE, c’est lui qui se penche sur les problèmes de logistique pour pouvoir conquérir de nouveaux marchés…Cette coordination interprofessionnelle est un véritable levier pour les opérateurs.

L’EACCE semble avoir déjà activé sa mission de promotion…
Depuis début 2016, nous avons organisé la participation marocaine au Fruit Logistica à Berlin avec la présence d’une quarantaine d’entreprises, laquelle a connu un réel succès de l’avis de l’ensemble des opérateurs. Nous venons de participer au prestigieux Gulfood et nous avons d’autres évènements sur notre agenda. L’année 2016 est une année de transition, nous reproduirons donc plus ou moins les actions classiques en concertation avec les opérateurs. Durant cette même année, nous travaillons sur une feuille de route 2017-2021 en nous appuyant sur l’expertise de bureaux d’études spécialisés en la matière, ce qui nous permettra d’avoir de la visibilité et d’en fournir aussi aux opérateurs sur les programmes de promotion et de défense de l’image des produits agricoles frais ou transformés marocains, mais aussi les produits de la pêche. Cette feuille de route devrait aboutir vers des programmes par pays, par produit-marché, programmes de communication, publicitaires… le tout sera couronné – nous l’espérons – par une convention de partenariat ou de contrat-programme public-privé pour la partie promotion à l’export, chaque filière pour ce qui la concerne.

Nous parlons beaucoup de promotion sur les marchés internationaux et elle est importante certes, mais ne pensez-vous pas qu’une promotion s’impose aussi à l’échelle nationale ?
Sur certaines filières, il y a eu en la matière des efforts importants qui ont été déployés. Je citerai, à ce titre, les produits du terroir. Il y a près de 7 ans, ces produits n’avaient pas la même force de frappe qu’aujourd’hui. D’ailleurs, on les retrouve à présent au niveau des grandes surfaces marocaines, un grand effort a été fourni en matière de référencement de ces produits au Maroc, pour aider les coopératives à se structurer, à labelliser les produits. Il y a un réel besoin en termes de promotion pour les autres produits agricoles, telles les pommes ou encore d’autres fruits et légumes.

Beaucoup d’opérateurs lient souvent l’aspect financier à celui de la promotion. Faut-il être nécessairement un mastodonte pour pouvoir offrir au marché un produit compétitif, bien présenté, bien marketé ?
C’est là une question clé. Si l’on prend par exemple les produits de grande consommation, sur la scène internationale, il faut avoir une taille critique et brasser de gros volumes pour accéder à des circuits de distribution performants. Lorsqu’on analyse la chaîne des valeurs ajoutée ou de la marge, un volume important est situé en aval, soit la partie commerce. Plus l’entreprise est de taille critique et organisée, plus elle aura les moyens de s’infiltrer en aval (par la création de plateformes, la livraison directement au magasin de distribution..). Pour ce type d’opérations, on a besoin d’avoir des consortiums ou des groupements. Ceci ne veut néanmoins pas dire qu’il n’y a pas de la place pour les nouveaux entrants. Au contraire, un nouvel entrant mise sur la qualité, l’innovation, une grande capacité d’anticipation et peut aussi prendre position sur certains marchés. Notre rôle en termes de promotion est justement d’apporter un soutien pour permettre à ces entreprises de petite ou moyenne tailles pour qui une opération publicitaire de promotion coûterait trop cher. Cela ne peut être rentable que dans le cadre d’une mutualisation des moyens et c’est ce qui explique les opérations que nous menons de participation à de grands Salons sectoriels.

Que dire du frein souvent évoqué par les exportateurs et qui est celui de la logistique ?
Exportation et logistique riment ensemble, essentiellement pour ce qui est du transport. Pour certains marchés, dits traditionnels ou de proximité tels que l’Europe, la machine logistique est déjà rodée et fluide. S’agissant d’autres marchés, ce sont des articulations qui vont ensemble. Par exemple : pour le grand marché marocain de fruits et légumes qu’est la Russie, sur lequel nous exportons de manière traditionnelle les agrumes, nous avons pu prendre des positions depuis 5 ou 6 ans sur des produits comme la tomate. Le frein qui s’opposait par le passé était justement celui de la logistique. C’est ainsi qu’avec les exportateurs, une ligne directe a été mise en place depuis 5 ans, reliant Agadir à Saint Pétersbourg entre 8 à 10 jours. Cela nous a permis de faire passer nos exportations de tomates d’une dizaine de milliers de tonnes à pratiquement 70.000 tonnes l’année dernière et nous prévoyons d’atteindre 120.000 tonnes cette année. Tout ceci a été possible grâce à la logistique. À ce titre, nous avons fait des opérations similaires sur les pays du Golfe pour lesquels il existe bien entendu des liaisons conteneurs via Tanger Med jusqu’à Jebel Ali, mais tout reste tributaire des volumes. Avec des volumes conséquents, on peut installer des lignes directes en 11 ou 12 jours.

C’est donc le volume qui justifie la mobilisation de l’assise logistique…
En effet, l’on ne peut mettre en place la logistique si les volumes sont réduits et d’autre part, l’on ne peut accéder à un marché si la logistique n’est pas installée. C’est en cela que consiste toute l’ingénierie à déployer pour que les opérations d’export soient couronnées de succès. Il y a eu certaines expériences pour relier les Émirats à Tanger Med avec une ligne rapide qui pouvait transporter quelque cinquantaine de conteneurs/semaine. Cela a marché plus ou moins bien. Bref, la question de la logistique est plus que jamais d’actualité et aujourd’hui, avec le volume, la logistique suit inévitablement.

En relation avec les orientations stratégiques du secteur agricole au Maroc et abstraction faite de toutes les contraintes, les opérateurs marocains sont-ils parés au décollage ?
Je pense en toute sincérité que dans le secteur agricole, nous avons des professions organisées et ceci dans toutes les filières. Un très haut niveau de professionnalisme est aussi constatable et ceci a été boosté par toutes les mesures prévues par le PMV. La matérialisation du PMV par l’opérationnalisation des différents contrats-programmes (en vingtaine), ce qui a renforcé l’esprit d’organisation et de décollage du secteur agricole. Soulignons aussi l’esprit de collaboration entre le public et le privé se traduisant par des réunions de cadrage, des échanges permanents, des évaluations à mi-parcours…

Néanmoins, d’aucuns continuent à soutenir que l’agriculture avance plus vite que la pêche…
Je ne rejoins pas ce constat et il suffit de suivre les chiffres pour s’en convaincre. Les choses avancent pour l’agriculture, mais aussi pour la pêche. En témoignent, pour la partie qui me concerne, les données relatives à l’export. Passer de 12MMDH à l’export à près de 19 milliards en cinq ans, cela dénote d’une véritable dynamique. Cela montre que les programmes et les plans se mettent en place, que le niveau d’exécution est performant. À titre non exhaustif, je vous dirai que pour la pêche, les plans d’aménagement ont été mis en place, les ressources sont gérées dans un cadre scientifique et responsable. Des mesures dédiées ont été instaurées pour les ressources qui étaient en difficulté. C’est une vision juste qui a été tracée et aujourd’hui, elle est en train de donner ses résultats à condition de laisser le temps à chaque chose.

Vous parlez de 19MMDH d’exportations au titre des produits de la pêche, ce qui est une bonne chose, mais est-ce que la dynamique d’investissement et le nombre d’opérateurs dominants dans le secteur suivent ?
Question pertinente. Je n’ai pas les chiffres en tête, mais ce que je sais, c’est que, globalement, dans le secteur aussi bien agricole en termes d’unités de transformation et de conditionnement, qu’au niveau de la pêche (puisqu’au niveau de l’établissement, nous délivrons des agréments techniques pour l’exportation, ce qui nous permet de déceler systématiquement les nouveaux entrants), je peux à ce titre dire que tous les ans, le rythme de croissance de l’investissement est de plus en plus élevé. C’est l’investissement qui est porteur de développement. Il se matérialise soit par la création de nouvelles entreprises soit par des extensions d’entreprises existantes. Soulignons que les entreprises marocaines ont fait d’énormes efforts en matière de certification. Aujourd’hui, lorsqu’on veut aborder le marché international, certains préalables s’imposent et à leur tête la qualité et donc la certification.

Il y a cependant aussi une donne importante qui s’impose aussi et qui est celle de la durabilité. D’ailleurs, c’est sous ce signe que s’inscrit cette année l’édition du SIAM…
La durabilité s’inscrit parmi les fondamentaux. Nous constatons par ailleurs une réelle prise de conscience chez les opérateurs quant à l’utilisation des ressources avec parcimonie et son optimisation vis-à-vis des générations futures.

Quelle est votre ambition, pour 2017, en termes de nouveaux marchés à conquérir par le «Made in Morocco» ?
Déjà pour cette année, en termes d’export. Si nous prenons les fruits et légumes qui sont un produit frais important, puisque le Maroc en exporte pour près de 13MMDH, si tout se passe bien, nous comptons finir l’année avec 1,6 million de tonnes contre 1,3 l’année dernière, soit une croissance intéressante avec un équilibrage de notre présence sur un certain nombre de marchés. Si on prend les produits transformés, en 2015, nous avons fait 5,8MMDH à l’export et nous tablons sur des réalisations légèrement supérieures. Pour ce qui est de la pêche, nous sommes sur un trend haussier et je crois que la dynamique va se poursuivre. L’année prochaine donc, nous nous attendons à une bonne campagne d’exportation. 


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