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Talbi Alami pointe les dysfonctionnements

Malgré les résistances, le ministre de la Jeunesse et des sports compte aller jusqu’au bout dans l’audit des fédérations. Dans cette interview accordée aux Inspirations ÉCO, Rachid Talbi Alami s’exprime aussi sur la politique sportive, le budget du ministère et le dossier épineux des jeunes ainsi que l’alliance gouvernementale.

Les Inspirations ÉCO : Vous avez lancé un chantier important ayant trait à l’audit de quelque 25 fédérations. Quid des informations qui circulent sur les poches de résistance qui vous mettent des bâtons dans les roues ?
Rachid Talbi Alami : À mon arrivée au ministère de la Jeunesse et des sports, j’ai voulu définir le périmètre d’intervention du ministère et chaque fédération pour pouvoir arrêter les modalités et les responsabilités de chaque partie. En effet, le vide constaté en la matière m’a poussé à réfléchir sur le modèle qui me permet de définir les périmètres, les responsabilités, les objectifs et l’ensemble des points. C’est ainsi que j’ai décidé de lancer un audit. Il ne s’agit pas d’une inspection car je n’ai pas le droit d’inspecter. C’est plutôt le rôle de la Cour des comptes. Cet audit concerne la gouvernance des fédérations, les objectifs arrêtés par le ministère et les fédérations ainsi que les modalités du financement. Cela permettra d’éclaircir nombre de points : le peu d’argent que nous donnons aux fédérations est-il suffisant ? Les fédérations doivent-elles mobiliser d’autres fonds ? Il est temps d’évaluer la situation avant de prendre une décision. À titre d’exemple, nous remarquons aujourd’hui que les préparatifs pour les Olympiques se font très tard, ce qui impacte les résultats des athlètes marocains. Les contrats-objectifs signés avec les fédérations ne concernent qu’une année. C’est une période très courte qui ne permet pas à la fédération de préparer les athlètes et les champions. Il s’agit aussi de beaucoup de travail pour le ministère car il faut réviser, chaque année, les conventions et les signer alors que c’est une perte de temps. Je tends à définir un contrat d’un cycle de quatre ans pour les jeux olympiques. De cette manière, on va créer une gestion stable pour la fédération.

Avez-vous ressenti des résistances ?
Des fédérations sont sérieuses et collaborent sans problèmes tandis que d’autres ne le sont pas. Dans tous les cas, ce travail va se faire.

Pourquoi confier l’audit au secteur privé plutôt qu’à la Cour des comptes qui avait déjà soulevé la question ?
Nous avons lancé un appel d’offres respectant les normes. Cela s’inscrit dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques. Si l’audit révèle des anomalies, le ministère fera appel à la Cour des comptes. Tout dépend des résultats de l’audit.

L’amélioration de la gouvernance du secteur sportif s’impose. Où en est votre vision en matière de changement du mode de subvention des fédérations sportives ?
Nous attendons les résultats de l’audit pour mettre en place un système de financement qui permette non seulement la transparence mais aussi de produire des champions. L’idée n’est pas de s’autofinancer pour rester en vie. Théoriquement, c’est un service public délégué à la fédération qui est appelée à mobiliser des fonds. Ce que donne le ministère est un bonus qui doit répondre à une norme de qualification aux jeux, aux championnats, aux médailles obtenues mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Uniquement quelques fédérations sont capables de mobiliser les fonds car elles sont sérieuses et attirent les investisseurs pour le financement de leurs activités. Plusieurs fédérations ne peuvent pas survivre sans l’argent du ministère. Nous voulons mettre fin à cette situation qui ne peut pas durer dans le temps.

Comment, justement, comptez-vous changer cette situation ?
Les résultats de l’audit nous permettront de prendre des décisions. Nous comptons mettre fin à cette situation qui n’est plus tolérable.

Pour quand une véritable politique sportive au Maroc et une vision complète englobant la promotion de toutes les disciplines et pas uniquement le football ?
Je viens de finaliser le document de la stratégie. Un travail a été déjà fait quand Nawal Moutawakkil était ministre suite à la lettre royale adressée aux participants de la conférence de Skhirat. Une stratégie a été mise en place. Malheureusement, le suivi de la mise en œuvre de cette stratégie n’était pas au rendez-vous. Trop d’interventions ont été relevées par ci et par là, basées sur des appréciations et non sur des faits. Je veux mettre fin à cette situation en définissant des critères. Un référentiel est en cours de finalisation auquel tout le monde devra se référer, le cas échéant. La stratégie existe. Nous sommes en train de faire son évaluation. Les résultats seront livrés incessamment pour mettre l’accent sur les points de forces et de faiblesses. L’action sera complétée par le mode de gouvernance de chaque fédération en se basant sur les résultats de l’audit pour avoir une vision globale. À ce moment-là, nous allons définir clairement tout ce qu’il faut faire. Un autre point de la plus haute importance a trait aux infrastructures. On avait mélangé, à un certain moment, entre les infrastructures du sport de masse populaire et celles du sport de haut niveau. Du coup, on n’a pas construit assez d’infrastructures ni pour le sport de masse ni pour le sport de haut niveau. Un mélange existe même dans les modalités de gestion, ce qui crée de grandes confusions. Aussi, suis-je en train de faire la séparation entre les deux sports. Tout ce qui est de haut niveau doit être confié aux fédérations et aux clubs professionnels ayant un lien avec les compétitions internationales, les championnats, les médailles, les jeux olympiques. En ce qui concerne le sport de masse, il faut un autre modèle de gestion qui doit répondre aux besoins des citoyens qui veulent pratiquer leur sport pour le plaisir.

Dans d’autres pays, l’école est la pépinière des sportifs de haut niveau. Quid de la coopération avec le ministère de l’Éducation nationale ?
Sur instruction de sa majesté le roi, nous organisons cette année les gymnasiades : les jeux scolaires et universitaires. La manifestation va accueillir plus de 40 pays et plus de 3.000 athlètes. Ce sera le point de départ pour promouvoir le sport dans l’école (primaire, collège, lycée et université) mais il existe un problème relatif aux textes d’application de la loi 30/09 qui n’ont pas été produits. J’y travaille pour pouvoir imposer le sport scolaire qui est justement la pépinière des champions et des athlètes. Les professeurs d’Éducation physique dans l’éducation nationale sont au nombre de 9.000. Ils ont leur propre association et sont des cadres compétents. Les discussions ont été déjà entamées avec le ministère de l’Éducation nationale. Nous allons encourager la mise en place des infrastructures dans les écoles, collèges et lycées pour pouvoir encourager le sport. J’espère que l’enchaînement avec la note éliminatoire relative à cette discipline au baccalauréat se fera.

Vous êtes visiblement satisfait du budget de votre département voire surpris, mais ce budget est-il équitablement réparti sur les différents dossiers que vous gérez ?
Je suis surpris du volume du budget mais je ne suis pas satisfait du montant car il ne correspond pas aux besoins qui sont énormes. L’infrastructure sportive est très coûteuse aussi bien en termes des travaux de construction que d’entretien. Le coût est d’autant plus élevé pour les infrastructures de haut niveau. À cela s’ajoute l’impératif pour toutes les fédérations de disposer de leurs centres de formation pour assurer la continuité. Je suis contre les ruptures. Une fédération qui est bien gérée et dispose d’un potentiel sans avoir de centre de formation ne peut pas bien fonctionner. Le besoin se fait ainsi sentir au niveau de la construction des centres de formation pour les fédérations. Il s’avère aussi nécessaire de compléter la chaîne des infrastructures sportives de haut niveau et répondre aux besoins sociaux. Ce qui nécessite de grands moyens financiers et une expertise au sein du département au niveau de la construction. Nous utilisons déjà les services de la DEP mais cette direction construit plusieurs grandes infrastructures (hôpitaux, grands stades, ponts…). Le gouvernement travaille sur la création d’une agence de construction pour les établissements publics. Peut-être que ce sera une réponse.

Mais qu’en est-il du dossier de la jeunesse ? L’équilibre est-il assuré ?
Non, il n’y a pas d’équilibre. Il faut le repérer à travers des infrastructures. Je suis contre les déclarations de principes. Avoir une vision globale et des projets sur papier n’est pas suffisant. Il faut la mise en œuvre sur le plan local.

Plusieurs indicateurs sont au rouge concernant le dossier épineux des jeunes. Par quoi comptez-vous commencer pour obtenir un impact concret?
Suite au discours de sa majesté au Parlement, je travaille sur la politique publique intégrée de la jeunesse qui concerne notre département ainsi que la relation avec les différents partenaires : la santé, l’éducation nationale, l’emploi, l’économie, la lutte contre l’informel, l’INDH…Nous sommes en train de travailler pour pouvoir fournir un produit global qui commence dès la crèche en passant par le préscolaire, l’école, l’université…L’accompagnement devra se faire par le sport, la socialisation, l’encadrement, la préparation des jeunes de demain en les dotant de tout ce dont ils ont besoin. Il faut allier les études à d’autres besoins comme les loisirs, la préparation à la vie professionnelle…

Ne croyez-vous pas que c’est au niveau des mécanismes de mise en œuvre que la stratégie risque de buter ?
La stratégie doit définir les objectifs, les données et les moyens ainsi que les mécanismes de mise en œuvre en interne et avec les différents départements. La coordination se fait sans problème entre les différents partenaires.

Quelle est votre priorité sur le dossier des maisons de jeunes que vous voulez redynamiser ?
Il s’agit en premier lieu de la mise à niveau de ces établissements pour qu’ils deviennent agréables et attirent de nouveau les jeunes. Il ne faut pas généraliser car il existe des maisons de jeunes qui sont excellentes. Un nouveau modèle sera arrêté. On est en train de travailler sur le contenu pour y intégrer la musique, les arts plastiques, l’apprentissage de la langue française…Nous avons signé une convention avec l’Organisation internationale de la francophonie qui va nous fournir le programme d’apprentissage de la langue sur des supports médiatiques. Nous projetons de faire le soutien scolaire pour les matières scientifiques. À ce titre, les discussions sont en cours avec les associations. 50% du programme des maisons de jeunes devront être axés sur le volet stratégique et le reste sera décliné sur la base des spécificités locales.

Les déclarations de certains membres du PJD contre le RNI ou certaines composantes de la majorité ne risquent-elles pas d’impacter la cohésion de la majorité ?
Tout dépend de la position du membre en question. Les déclarations d’un membre du PJD ayant une position institutionnelle pourraient déranger. Quand il n’est pas dans une position institutionnelle, ça ne dérange pas. Jusqu’à présent, la majorité gouvernementale fonctionne bien.

Êtes-vous satisfait de la  position du RNI au sein du gouvernement ? Avant le remaniement ministériel, le RNI semblait se positionner sur certains départements comme l’Éducation et la Santé…
Pas du tout. C’est la presse qui faisait circuler ces informations. Nous traitons les dossiers d’avenir car nous préparons l’avenir. Le gouvernement répond à la logique du programme gouvernemental alors que le parti répond à une autre logique ayant trait à l’avenir, au programme électoral de 2021.
 
Comment expliquez-vous l’incapacité du RNI à bien se positionner aux précédentes élections ?
Nous avons commis des erreurs. Notre ancien président était tout le temps en voyage car il était ministre des Affaires étrangères et moi j’étais occupé par le Parlement. Les responsables du parti étaient aussi occupés. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. On se positionne pour décrocher une bonne place en tirant les leçons du passé et en changeant le mode de gestion.  


Terrains de proximité : une nouvelle vision

Le ministre de la Jeunesse et des sports veut remettre de l’ordre dans la gestion des terrains socio-sportifs de proximité dont la mission publique est pervertie. Un nouveau modèle de gestion est en cours de finalisation. Il faut remédier aussi à la faiblesse du nombre de ces centres. Il n’existe actuellement que quelque 300 terrains de proximité. Un nombre on ne peut plus insuffisant pour répondre aux besoins de la population. Ainsi, le département de la Jeunesse et des sports s’engage à construire 800 nouvelles unités en deux ans. Cet objectif est-il réalisable ? Pour le responsable gouvernemental, le problème résidait, par le passé, au niveau de la mobilisation des fonds. L’ancienne convention signée entre le ministère et les différentes communes stipulait que la commune devrait mobiliser le foncier et verser 50% du coût dans le Fonds national de développement du sport (FNDS). «On connaît les capacités des communes en termes de financement ainsi que leurs priorités comme le désenclavement, l’eau potable, le nettoyage…Rares sont les communes qui ont mobilisé les fonds nécessaires», souligne Talbi Alami. Le projet n’a pas ainsi avancé au rythme escompté. Aujourd’hui, on demande aux communes uniquement d’identifier le foncier. Le ministère va financer la création des terrains socio-sportifs de proximité moyennant un crédit FEC à travers les conseils provinciaux. Et c’est le ministère qui le rembourse. Après identification des sites, les appels d’offres seront lancés. 


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