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«Nous sommes en train de redéfinir la vocation de cette région»

Mohand Laenser : président de la région Fès-Meknès et de l’Association des régions du Maroc.

Elle était la deuxième région industrielle du pays jusqu’à la fin des années 1997. Cependant, elle a connu une dégringolade due à une forte syndicalisation et à son éloignement des principaux ports du pays. Aujourd’hui, Fès-Meknès négocie un tournant majeur en attirant de plus en plus d’investisseurs, dont le Japonais Yazaki et l’Américain Delphi. Dans la perspective de la Caravane des régions organisée par Les Inspirations ÉCO qui fera escale en juin prochain à Fès-Meknès, Mohand Laenser nous livre dans cet entretien ses ambitions pour la région ainsi que les défis qui l’attendent. Son profond souhait est de pouvoir retenir les meilleurs lauréats des cinq universités de la région pour un meilleur décollage économique. 

Les Inspirations ÉCO : Qu’est-ce qui différencie la région Fès-Meknès, que vous présidez, des autres régions du Maroc?
Mohand Laenser : La région Fès-Meknès a eu la chance, par rapport aux autres régions, d’avoir existé avant ce découpage. Il y avait la région Fès-Boulemane, qui comprenait également Moulay Yaâcoub. Nous avons hérité, dans le nouveau découpage, d’une grosse partie de la région Meknès-Tafilalet, notamment les provinces d’Ifrane et d’El Hajeb, et deux grandes provinces, Taounate et Taza. Nous partons donc d’une structure qui n’est pas nulle. Il y a deux sièges de région, celui, principal, de Fès, et celui de Meknès, que nous allons utiliser pour installer l’Agence d’exécution des projets, prévue par la loi. Il va aussi falloir revoir les structures et les ressources humaines en fonction des compétences et attributions de la région.

Quels en sont les principaux atouts?
La région Fès-Meknes dispose d’atouts énormes. Elle a deux villes impériales, à savoir Fès et Meknès, un potentiel agricole très important, un potentiel industriel qui a dépéri durant les dernières décennies, mais qui est en train de reprendre. À Meknès, je citerai l’installation d’unités importantes de sous-traitance automobile et à Fès nous avons des zones industrielles très prisées. Nous disposons d’un aéroport international, et nous sommes desservis à la fois par l’autoroute et les chemins de fer. Ce sont autant d’atouts pour faire décoller cette nouvelle région. Bien entendu, nous sommes en train de travailler sur le programme de développement régional car nous ne voulons pas nous arrêter à une sommation de petits projets dans les différentes provinces. Nous voulons au contraire sortir avec des projets structurants. Il faut aussi ajouter que c’est l’une des régions, si ce n’est la seule où nous avons cinq grandes universités. Je cite Al Akhawayne, l’université Sidi Mohammed ben Abdellah à Fes, Moulay Ismaïl à Meknès, l’université euro-méditerranéenne, toujours à Fès, et bien sûr Al Quarawiyine. L’essentiel est de tirer profit de tout cela, et c’est notre mission aujourd’hui. Nous sommes en train de redéfinir la vocation de cette région.

Justement, quelle est la vocation de Fès-Meknès, qui incorpore tant de différences et d’identités, après le nouveau découpage régional?
Effectivement, il ne faut pas oublier que ce sont pratiquement trois régions qui ont été regroupées. Il y a d’abord une difficulté qui, malheureusement, persiste depuis l’installation de la régionalisation en 1997: c’est le sentiment de non appartenance à une région. Pour le citoyen, la région n’a pas été visible, et elle ne l’est toujours pas aujourd’hui. Il faut donc lui inculquer cette appartenance régionale pour dépasser justement ces querelles de clochers entre provinces, surtout lorsqu’il s’agit de mettre en place des infrastructures sociales, des hôpitaux, des écoles… Le deuxième défi pour notre région, c’est de pouvoir dépasser cette rivalité qui existe entre des villes historiques comme Fès, Meknès et Taza. Pour dépasser cela, il faut que le citoyen puisse voir se concrétiser des projets structurants.

À quoi pensez-vous exactement?
Aujourd’hui, le système du duo-pôle entre Fès et Meknès est dépassé pour laisser place à une grande métropole incorporant les deux villes, sachant que l’espace qui les sépare n’est pas grand, et qu’il est en train d’être occupé. Quand vous voyez une usine comme celle de Yazaki qui a été inaugurée le 15 mars à Meknès et celle de Delphi qui va s’installer dans la même ville, c’est dans cet espace-là entre les deux villes que cette dynamique s’installe. Nous pensons à un grand palais des congrès et à un parc d’exposition digne de l’aura du Salon international de l’agriculture qui se tient maintenant tous les ans à Meknès, mais que l’on peut également faire tourner durant toute l’année. Cette région, qui se trouve au centre du pays, ne doit pas être considérée comme éloignée. Elle doit être rattachée à Tanger Med, au nouveau port de Kénitra Atlantique… Je pense notamment à l’industrie automobile dans la mesure où les voies de communication seront là. Nous pensons aussi que la région doit garder sa vocation de lieu de passage vers l’Est, notamment la Tunisie, la Libye ou l’Égypte. Par ailleurs, sachant que parmi les nouvelles attributions des régions figurent la défense de l’emploi et l’attraction des investissements, nous serons en concurrence avec d’autres régions du pays. Tout cela demande du temps et des compétences humaines.

Mais en termes de budget, avez-vous les moyens de vos ambitions?
Vous savez, c’est l’un des aspects sur lesquels il y a beaucoup d’incompréhension. En tant que président de l’association des régions, mon souhait est d’avoir des budgets conséquents tout de suite. Il faut être honnête.

Même si cela pouvait se faire, il faut savoir que les régions sont toujours en train de préparer leurs programmes d’investissement et de développement. S’ajoute à cela le principe de progressivité. Les prérogatives des régions ont été divisées en trois, à savoir les compétences propres qu’elles peuvent utiliser avec les ressources dont elles disposent. Viennent ensuite les compétences partagées, à cheval entre la région et le centre, et enfin les compétences transférables qui pourront quitter le centre avec leurs ressources, quand les régions seront prêtes.

Par ailleurs, les ressources financières elles-mêmes sont dans ce schéma de progressivité. Le passage de 1 à 5% de l’IS et de l’IR au profit des régions se fera aussi de manière progressive. La région Fès-Meknès, avec toutes ses composantes, recevait un budget entre 150 et 200 MDH; cette année, il tourne autour de 460 MDH. Même s’il s’agit d’un doublement, cela reste insuffisant. Cependant, il ne faut pas oublier que la région joue aussi sur un effet de levier pour drainer des ressources supplémentaires.

Qu’en est-il des hommes et femmes qui devront porter cet idéal de régions fortes et agissantes?
En ce qui concerne les ressources humaines des régions, ce n’est pas le quantitatif qui compte, mais plutôt la qualité des profils. C’est une administration de mission, du fait que la région n’a pas réellement de territoire. Les territoires appartiennent aux communes, aux villes, etc. Ceci dit, il faut aujourd’hui que les ressources humaines intériorisent cette nouvelle manière d’agir. Or, depuis 1997, les régions ont vécu selon un train-train classique. Il faudra du temps pour que les choses changent. Il faut aussi savoir qu’il y a une concurrence forte sur les compétences humaines et qu’il va bien falloir les payer. Nous sommes en train de négocier avec les services centraux des statuts spécifiques, notamment par le biais de contrats pour des missions pointues.

Fès traîne une réputation de ville où l’insécurité atteint des sommets. Comment changer cette image?
Effectivement, Fès se voit affubler d’images qui sont souvent fausses. Il ne faut pas oublier que jusqu’à la fin des années 1970, elle a été la deuxième ville industrielle du Maroc. Elle a chuté pour des raisons de situation géographique et de dessertes. Malgré le Code des investissements et les avantages qui vont avec, on n’a pas réussi, depuis le temps, à convaincre les investisseurs d’aller au centre du pays. Fès a aussi souffert d’une syndicalisation très forte, et beaucoup d’unités en subi les contrecoups et ont fini par quitter la ville.

Aujourd’hui, elle remonte la pente assez difficilement. Quant à l’insécurité, on parle de la Médina de Fès où il y a quelques agressions, je ne le nie pas, mais malheureusement, là aussi, il y a une image très fausse accolée à la ville. Statistiquement parlant, en termes de criminalité, Fès est loin derrière des villes dont on n’entend pas parler. Aujourd’hui, il y a plus de 100 riads tenus par des étrangers au sein de la Médina. N’oublions pas non plus que Fès est le réceptacle de toutes les migrations et, de ce fait, s’est beaucoup agrandie.


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