Maroc-USA : Le grand malentendu
C’est par un communiqué virulent que le ministère de l’Intérieur a répondu au rapport 2016 du département d’État américain sur les droits de l’Homme. «Ce rapport est véritablement scandaleux», fustige le ministère de l’Intérieur. Et de renchérir : «Ce document passe de l’approximation de l’information à son invention pure et simple et de l’appréciation erronée au mensonge caractérisé». Le royaume, par la voie du ministère de l’Intérieur, annonce que «le Maroc se trouve contraint d’explorer toutes les voies possibles pour dévoiler les dérapages de ce rapport».
Méthodologie en question
Le 13 avril dernier, le rapport annuel du ministère des Affaires étrangères américain sur les droits de l’Homme dans le monde est publié. Un mois plus tard, le ministère de l’Intérieur choisit d’apporter sa réponse à ce document. Ce n’est pas la première fois que le Maroc exprime son désaccord au sujet de la méthodologie de préparation de ce rapport. «Depuis quelques années, le gouvernement marocain n’a cessé d’attirer l’attention des autorités américaines sur le manque de rigueur et le caractère biaisé et décalé des réalités de ce rapport», fait remarquer l’Intérieur. Le ministère pointe du doigt les sources «exclusives» utilisées de ce rapport car «peu fiables et politiquement hostiles». Ce qui mène les rédacteurs dudit rapport à «des informations approximatives et des appréciations infondées», ainsi qu’à «des conclusions générales hâtives et des extrapolations abusives tirées de quelques cas individuels isolés». Dans son communiqué, le ministère de l’Intérieur hausse le ton : «Le Maroc n’accepte de leçons de personne et n’a jamais été allergique à la critique constructive ni au reproche fondé et objectif». Néanmoins, ce qui est inacceptable pour le royaume, c’est «que l’on fabrique des faits, que l’on monte de toute pièce des cas et que l’on fomente de fausses allégations pour des motivations politiques obscures»
Une série de réunions
Pour répondre officiellement au contenu du rapport, le ministre de l’Intérieur Mohamed Hassad, a tenu des réunions ces dernières semaines avec Dwight Bush, l’ambassadeur des États-Unis au Maroc. Ces réunions «politiques» ont été prolongées par des séances de travail techniques entre les départements marocains concernés et des membres de l’ambassade américaine. Ces réunions ont permis de passer en revue les cas mentionnés dans le rapport. Le gouvernement marocain a présenté ses arguments pour «souligner le caractère complètement infondé de ces cas».
Lors de ces réunions, «des preuves tangibles ont été fournies pour démontrer le caractère fallacieux des allégations avancées dans le rapport». Parmi les griefs du gouvernement marocain, le «recyclage d’allégations obsolètes», «de bourrage, d’approximation et de contre-vérités» et «d’une démarche d’inquisition gratuitement et foncièrement anti-marocaine».
L’Intérieur reproche également au département d’État de rédiger le rapport depuis ses bureaux à Washington «en total décalage avec les réalités du Maroc». Le Maroc rappelle qu’il a été disposé à l’ouverture du dialogue depuis 2006. «Ce processus permet de répondre de manière rapide et durant toute l’année aux questions posées, fournir des informations complètes sur les cas soulevés et mettre à disposition toute la documentation demandée. Il est aujourd’hui légitime de s’interroger sur la pertinence et l’utilité d’un tel dialogue», relève le communiqué. Le Maroc ne souhaite plus de réponses évasives, mais des réponses précises au cas par cas et menace de saisir «les plus hautes autorités dans les différentes institutions nationales américaines», pour protester contre le contenu dudit rapport.
L’Ambassade américaine réagit
Après la publication du communiqué de l’Intérieur, l ’Ambassade américaine s’exprime. Dans une courte déclaration reçue par Les Inspirations ÉCO, on peut lire : «Nous accordons une grande valeur à l’excellente coopération entre le ministère de l’Intérieur et les agences américaines en matière sécuritaire et juridique. Une coopération qui revêt un aspect fondamental pour notre partenariat stratégique avec le Maroc. C’est grâce à ce partenariat que nous avons participé à des discussions franches ces dernières semaines avec le ministère. Nous apprécions ces échanges et nous espérons qu’ils se poursuivront tout au long de l’année afin de mieux apporter notre contribution au rapport annuel sur les droits de l’Homme au Maroc. Dans la même veine, nous nous réjouissons à l’idée de poursuivre notre étroite coopération avec le ministère de l’Intérieur dans notre intérêt commun pour la sécurité et les droits de l’Homme».
Que reproche ce rapport au Maroc ?
Parmi les griefs du département d’État américain, on cite :
• La corruption
• Les violations des droits de l’Homme par les forces de sécurité
• Des cas de tortures
• Les conditions insalubres de détention dans les prisons
• Un système judiciaire manquant d’indépendance
• Une détention provisoire dépassant ce que permet la loi
• Une violation de la liberté d’expression et de la presse
• Une limitation de la liberté de réunion et d’associations
• Le travail des enfants dans le secteur informel