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Ligne de précaution et de liquidité (LPL) : Une 3e ligne, pour quoi faire ?

Le Maroc va bel et bien recourir à une 3e Ligne de précaution et de liquidité (LPL) auprès du FMI afin de poursuivre la mise en œuvre des réformes notamment celle des retraites. Les termes du nouvel accord sont en train d’être finalisés par les deux parties en attendant la validation de l’éligibilité du Maroc par le Conseil d’administration du FMI, le 23 juillet prochain. La nouvelle LPL est de 3,55 milliards de dollars sur deux ans, un montant revu à la baisse par rapport aux deux premières lignes, même si le Maroc ne compte pas encore utiliser cette couverture.

Il va falloir accélérer le rythme des réformes, car en dépit de l’amélioration de certains indicateurs macroéconomiques et le début de la mise en œuvre de certaines réformes, beaucoup reste encore à faire. Ce sont là, en substance, les principales raisons qui ont conduit le gouvernement  à recourir à une 3e Ligne de précaution et de liquidité (LPL) dont on en connait désormais quelques détails du nouveau programme. Le gouverneur de la Banque centrale, Abdelatif Jouahri, a donné quelques détails de cette nouvelle souscription qui entrera en vigueur à partir de juillet prochain, période à laquelle la 2e ligne en cours va arriver à échéance.

C’est le 23 juillet prochain d’ailleurs que le Conseil d’administration du FMI va adopter l’éligibilité du Maroc. En attendant, et selon les explications de Jouahri, le staff du Fonds prépare une note au Conseil pour expliquer si le Maroc est éligible ou pas à cette ligne. «Cette note a été présentée en mai dernier et le Conseil a décidé à l’unanimité l’éligibilité du Maroc». Il ne reste plus que des questions de procédures et de formalités dont, entre autres, la signature par le ministre de l’Économie et des finances et le gouverneur de la Banque centrale, de la lettre d’intention au titre de la LPL, laquelle lettre sera adressée au Conseil d’administration du Fonds. La nouvelle ligne sera d’un montant de 3,55 milliards de dollars, soit 220% de la quote part du Maroc. En Droit de tirages spéciaux (DTS), la monnaie du FMI, c’est 2,5 milliards de DTS.

Le montant de la nouvelle LPL a donc été revu à la baisse par rapport aux deux premières lignes, même si elle va également s’étalonner sur deux années. Selon le gouverneur de BAM, comme pour les autres lignes, cinq critères sont pris en compte pour la nouvelle LPL. Il s’agit notamment de la supervision bancaire, la politique monétaire, le système de paiement et le niveau du déficit public. «Le Maroc a réussi sur tous les points sauf une légère amélioration concernant le déficit public à cause de la réforme de la retraite qui n’a pas tout à fait abouti». Voilà donc les principaux motifs pour lesquels le gouvernement a décidé de recourir encore à cette facilité en dépit de la nette amélioration des indicateurs macroéconomiques ces dernières années. C’est d’ailleurs ce qui a engendré des critiques et interrogations sur l’utilité d’un nouveau recours à la LPL alors que le Maroc n’a pas jusqu’à présent estimé nécessaire d’utiliser le montant mis à sa disposition et qui lui sert d’assurance en dépit de son coût.

Nouveaux critères
Le Maroc devra donc se soumettre, deux années durant, à la surveillance du FMI pour mener à terme les réformes structurelles destinées à mieux assainir sa situation économique. Selon le gouverneur de la Banque centrale, en définitive, l’objectif du FMI est que le pays sorte de la LPL. Pour ce qui est des critères qui sont retenus, il s’agit notamment du niveau des réserves de changes et du déficit du trésor. Ce dernier point a été du reste remplacé dans le cadre de la nouvelle LPL par le niveau de la dette publique du trésor et une revue semestrielle est prévue pour statuer régulièrement sur ces points essentiels. D’autres critères constituent une priorité pour le fonds, comme la réforme de la Caisse de compensation et celle des retraites.

Sur ce sujet, Jouahri a fait savoir que «le FMI ne comprend pas ce retard, dix ans d’études et trois ans de dialogue sans résultat. D’ailleurs, nous aussi, on ne cesse de le dire, plus on attend plus les choses se dégradent». Jusque-là, en effet, le Fonds s’est montré satisfait des efforts fournis par le gouvernement, depuis 2012 même si certains domaines ont accusé du retard.

Il convient de rappeler que la LPL a été, dans un premier temps, accordée au Maroc en août 2012 avant d’être par la suite renouvelée en juillet 2014, pour une durée de 2 ans pour des montants respectifs de 6 et 5 milliards de dollars. Si le Maroc a pu se prémunir contre les chocs exogènes, le bénéfice de cette couverture du FMI a permis au gouvernement d’entamer le début de la mise en œuvre d’une série de réformes notamment en matière de subventions publiques ou dans le domaine fiscal, sans toutefois avoir à recourir à l’assurance qu’elle offre. Lors des différentes évaluations, il est finement ressorti que le Maroc était sur la bonne voie. La dernière évaluation en date remonte à la fin de l’année précédente et dans ses conclusions, publiées en janvier dernier, aux termes de la 3e et dernière revue de la performance économique du Maroc dans le cadre LPL, le FMI a laissé entendre que le Maroc répondait toujours aux critères nécessaires pour accéder aux ressources de cet instrument financier.

Vulnérabilités modérées
Selon le FMI, «même si de très bons résultats sont exigés dans la plupart de ces domaines, l’admissibilité à la LPL n’est pas remise en cause si un pays membre présente des vulnérabilités modérées dans un ou deux d’entre eux, mais des fragilités considérables dans un seul des cinq domaines empêcheraient de considérer un pays comme admissible». À une certaine époque, le gouvernement s’était montré catégorique en annonçant sa volonté de ne pas recourir à une 3e LPL, comme l’avait confirmé le ministre des Affaires générales et de la gouvernance, Mohamed Elouafa (voir leseco.ma).

La situation macroéconomique du pays s’était, en effet, nettement améliorée et les perspectives étaient des plus prometteuses surtout avec la baisse des cours des matières premières qui ont permis au pays de réaliser d’énormes économies et d’améliorer significativement sa position extérieure. C’est pour cette raison, d’ailleurs, que personne n’a trouvé beaucoup à dire lorsque le gouvernement a décidé de divorcer avec le FMI, surtout que la LPL a, en évidence, coûté plus qu’elle en a rapporté.

En dépit, donc, de certains indicateurs au vert, l’économie nationale n’est pas sortie de l’auberge et aura encore besoin d’accompagnement pour se remettre sur les rails. Les causes profondes de la décélération du rythme d’évolution du PIB, attendu cette année, en sont certainement pour quelques choses puisqu’elles ont mis à nu, et au-delà de la contribution du PIB agricole, les lacunes de l’économie nationale dont certains relais de croissance peinent à prendre leur envol. Plus que jamais donc, il va falloir accélérer le rythme des réformes. Ce qui est sûr, en matière d’assurance, prudence est mère de sûreté et c’est à tout point de vue la stratégie optée par les autorités en recourant à une nouvelle couverture contre les risques.


 

La LPL, une notation souveraine signée FMI
La LPL a deux utilités, dixit Jouahri pour qui en premier lieu, «elle est regardée par les agences de notation» et en second lieu, «en cas de sortie sur le marché international, le Trésor et les EPP peuvent bénéficier de conditions de prêts intéressantes». Au-delà de l’assurance qu’elle offre pour un pays qualifié pour en bénéficier, la LPL constitue également une sorte de notation souveraine décernée par le FMI pour les économies candidates. «L’admission d’un pays, à bénéficier de la LPL, témoigne de la solidité foncière de son économie et de la politique économique menée par les autorités, ce qui contribue à raffermir la confiance des marchés à l’égard des mesures qu’elles envisagent», détaille ainsi le FMI pour ce qui est de la LPL. D’après le FMI, l’évaluation visant à déterminer si un pays peut être admis à bénéficier de la LPL cherche, avant tout, à établir que son économie et son cadre institutionnel sont foncièrement solides, qu’il mène une politique économique avisée et qu’il a déjà fait ses preuves à cet égard. Dans le même cadre, le pays devrait maintenir la ferme intention de poursuivre une politique économique avisée à l’avenir. Avec cette 3e LPL, le gouvernement peut donc se targuer d’avoir réussi un test grandeur nature en faisant confirmer par le FMI, la bonne santé de l’économie nationale en cette fin de mandat et en dépit du ralentissement de la croissance.



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