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L’officialisation de l’amazigh devra attendre

À quelques semaines de la fin du mandat gouvernemental, l’officialisation effective de l’amazigh n’a pas encore été mise sur les rails. Les textes viennent à peine d’être finalisés et seront bientôt mis dans le circuit législatif, mais il s’avère difficile de les adopter avant les élections. Ce sera manifestement au prochain gouvernement de mettre en œuvre ce chantier.

La mise en œuvre de l’officialisation de l’amazigh doit visiblement  attendre. Certes, le projet de loi organique sur la mise en œuvre du caractère officiel de l’amazigh et celui sur le Conseil national des langues et de la culture marocaine entrevoient enfin le bout de tunnel, mais leur finalisation n’interviendra qu’à la fin de cette législature. Ces textes ne sont pas encore soumis à l’approbation du Conseil de gouvernement et du Conseil des ministres. Il devrait être très difficile de les faire adopter par le Parlement au cours de ce mandat, sauf en cas d’accélération de la cadence de leur examen et de la tenue d’une session parlementaire extraordinaire avant les élections. Mais ce scénario est pour le moment écarté. L’ancien ministre au gouvernement de Benkirane et chef de file du Mouvement populaire, Mohand Laenser, qui pointe du doigt le retard accusé dans la mise en œuvre du caractère officiel de l’amazigh, estime que ces projets de loi organique doivent être soumis au débat approfondi avant leur adoption finale.

Le président de la région Fès-Meknès explique le retard législatif par les tergiversations dues à la nécessité de trouver un consensus au sein non seulement de la population, mais aussi du gouvernement. «On aurait pu aller plus vite, mais qu’aurait pu faire le Mouvement populaire, claquer la porte et sortir? Je ne pense pas que ce soit la bonne solution pour faire avancer les choses», relève-t-il dans une déclaration aux Inspirations ÉCO. Le sujet a, semble-t-il, été longuement discuté par les alliés gouvernementaux qui se sont accordés à rejeter toute proposition de loi émanant d’un groupe parlementaire en la matière. Rappelons à cet égard que le groupe parlementaire de l’alliance du centre a présenté en 2012 une proposition de loi sur l’amazigh à la Commission de l’enseignement, de la culture et de la communication de la chambre des représentants. Et en janvier 2013, le groupe parlementaire du Rassemblement national des indépendants (RNI) lui a emboîté le pas.

Cependant, l’Exécutif a brandi son niet face à ces deux initiatives législatives parlementaires en relevant le caractère prioritaire de ce dossier, qui nécessite de larges consultations avec les différentes parties prenantes. «Il ne fallait pas traiter ce dossier avec la logique de la majorité et de l’opposition», précise Laenser qui a révélé lors d’une rencontre organisée, jeudi, par l’Institut royal de la culture amazighe, certaines inquiétudes ayant marqué les débats gouvernementaux autour des deux projets de loi organique. À titre d’exemple, l’Exécutif était face à un dilemme: quel est le ministère habilité à s’atteler à la préparation des textes organiques relatifs à l’officialisation de l’amazigh? À l’heure actuelle, l’objectif est de mettre en place des lois applicables à court et moyen termes. Les dispositions juridiques à elles seules ne sont pas suffisantes. Nombreux sont ceux qui soulignent l’importance de l’effectivité des lois. La concrétisation de cet objectif devrait passer par la création d’un mécanisme de suivi de la mise en œuvre du caractère officiel de l’amazighe et la promulgation des textes d’application.

À ce titre, le secrétaire général du ministère de la Culture, Lotfi Mohamed Mrini, se veut rassurant: les projets de loi organiques finalisées ne prévoient pas de textes réglementaires. Les projets de loi organiques stipulent la création d’une commission interministérielle de suivi de l’exécution des nouvelles dispositions juridiques. Par ailleurs, il est à noter que le projet de loi organique sur l’officialisation de l’amazigh vient de sortir cette semaine des tiroirs du Secrétariat général du gouvernement. Il définit le cadre général de l’officialisation de cette langue ainsi que la manière de l’intégrer dans les divers secteurs: l’enseignement, le Parlement, la législation, les médias, la culture, l’administration, les collectivités territoriales ou encore les espaces publics. Le texte vise le renforcement de la communication en langue amazighe dans tous les domaines publics prioritaires selon le principe de progressivité: court terme (5 ans), moyen terme (10 ans) et long terme (15 ans). Le projet de loi instaure l’obligation de la généralisation de l’enseignement de la langue amazighe dans le cycle fondamental aussi bien dans le secteur public que dans le privé et au niveau des programmes de l’alphabétisation dans un délai de cinq ans. La généralisation de l’enseignement de l’amazigh dans le cycle secondaire collégial et qualifiant devra se faire sur dix ans.

Au niveau du Parlement, le projet de loi stipule la mise en place de l’interprétation en direct aussi bien au sein de l’hémicycle que pour la transmission des séances plénières. L’administration est appelée également à mettre en œuvre le caractère officiel de l’amazigh qui sera également renforcé dans les médias. Les textes législatifs et réglementaires à caractère public devront être publiés en langue amazighe dans le bulletin officiel (d’ici 15 ans).   


 

Ahmed Boukous
Recteur de l’IRCAM

«Le retard dans la promulgation des lois a conduit à des dysfonctionnements»

Les Inspirations ÉCO: Quel regard portez-vous sur le retard en matière de mise en œuvre du caractère officiel de l’amazigh?  
Ahmed Boukous: L’Institut royal de la culture amazighe a toujours insisté pour que la promulgation des différentes lois intervienne le plus tôt possible pour une raison évidente: ce retard a conduit à des dysfonctionnements au niveau de certaines institutions concernées par l’amazigh. Dans le domaine de l’éducation, les responsables ont toujours souligné qu’il fallait attendre la loi pour savoir ce qu’il va advenir de l’enseignement de l’amazigh. La même chose est constatée dans les autres domaines. Pour nous, l’effectivité de ces lois est érigée en priorité ainsi que les textes d’application qui vont accompagner les lois organiques.

Comment vous évaluez l’enseignement de l’amazigh au Maroc?
L’enseignement de l’amazigh est pratiquement bloqué surtout depuis l’année dernière avec la vision stratégique du Conseil supérieur de l’éducation et de la formation qui a relevé la nécessité d’attendre les lois pour pouvoir généraliser l’enseignement de l’amazigh. La décision, en elle-même, d’enseigner l’amazigh est très importante. Nous disposons de tout ce qui concerne les curricula, les programmes, les manuels ainsi que des enseignants formés. Cependant, la généralisation peine à avancer. Parmi les causes figure le manque d’enseignants. Il faut aller de l’avant, alors que nous notons une stagnation depuis 2012. Aujourd’hui, l’amazigh est enseigné dans seulement 17% des écoles primaires. Seuls 11% des élèves marocains bénéficient de l’enseignement de l’amazigh et 2,6% des enseignants se chargent de l’enseignement de l’amazigh. Le bilan est donc très modeste. Le rythme d’enseignement de la langue amazighe est très long. Le problème fondamental de former le nombre nécessaire d’enseignants n’a pas été réglé. Au niveau de l’enseignement supérieur, seules quatre ou cinq universités ont mis en place des études en amazigh au niveau de certaines branches. Une seule université, celle d’Agadir, dispose d’une branche d’études amazighes.

Qu’en est-il des concertations?
Nous avons remis en 2012 notre point de vue aux différentes instances. L’IRCAM a été représenté au sein de la commission qui s’est penchée sur le Conseil national des langues et de la culture marocaine. Il faut se poser la question sur l’après-adoption des lois et la mise en œuvre positive et immédiate des dispositions juridiques tout en classant les priorités selon les attentes.


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