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Gazoduc Afrique-Europe : Pourquoi le Maroc et pas l’Algérie ?

Un business modèle fiable et une adhésion de plusieurs pays ont tranché en faveur de Rabat pour co-piloter ce méga-projet. Néanmoins, pourquoi ce projet n’a-t-il pas marché avec l’Algérie ? Décryptage.

En 2002, l’Algérie et le Nigeria ont signé un mémorandum d’entente pour un gazoduc entre les deux pays. Des difficultés de financement et l’insécurité dans le tracé prévu ont voué ce projet à l’échec. En 2016, le Maroc garantit le financement et l’adhésion des pays de l’Afrique de l’Ouest, loin des foyers de tension, en plus du principe win-win pour l’ensemble des pays concernés, mettant de son côté plusieurs facteurs de succès.

Les raisons du flop
Voulant renforcer l’axe Alger-Pretoria via Abuja, les autorités algériennes avaient proposé à leurs homologues nigérians, en 2002, un pipeline transportant le gaz du Nigeria vers les marchés européens. Les experts savaient déjà que le mémorandum signé entre le géant algérien des hydrocarbures Sonatrach et Nigal Pipeline du côté du Nigeria, était mort-né car guidé plus par des visées politiques que par un intérêt économique. D’ailleurs, les deux parties ont attendu trois années avant de signer en 2005 un contrat avec un cabinet d’études. Pendant ce temps là, rien n’a été fait pour fixer le tracé du pipeline et il a fallu attendre l’année 2009 pour signer un autre mémorandum d’entente en alignant le Niger au projet. Plombé par des lenteurs administratives, ledit projet est resté dans les tiroirs sans pouvoir sortir de la théorie et passer à la pratique. Néanmoins en 2013, son sort aura été définitivement scellé avec un attentat terroriste contre la centrale gazière Ain Aminas en Algérie, qui a vu plusieurs partenaires étrangers d’Alger quitter le pays avec plusieurs morts sur la conscience. C’est pourquoi, en Algérie la pilule du rapprochement Rabat-Abuja passe très mal. Mediapart estime que la «diplomatie des contrats» prônée par Rabat exacerbe une Algérie qui voit son influence en Afrique voler en éclat. Le média ajoute que si le projet du retour du Maroc à l’Union africaine et l’éventuel revirement du Nigeria sur le dossier du Sahara inquiètent l’Algérie, c’est le projet du gazoduc qui fait mal car il incarne l’échec d’Alger à le réaliser. D’autant plus que ce projet peut être le pont qui balisera les relations politiques entre Rabat et Abuja.

Des atouts de taille
La taille et la grandeur du projet de gazoduc Afrique-Europe n’est pas de nature à faire hésiter le Maroc de par sa taille et son coût budgétivore. Le royaume a aussi de l’expérience en Afrique à travers une forte présence sur le continent des secteurs privés comme publics marocains et ceci depuis au moins une vingtaine d’années. De son côté, Reuters a estimé que l’omniprésence marocaine en Afrique, menée par le souverain, commence à donner ses fruits, reposant sur l’efficacité de ses entreprises, notamment du privé et de rappeler que le Maroc est désormais le premier investisseur en Afrique en y orientant 64% de l’ensemble de ses investissements sur le continent. En outre, les différents périples du roi Mohammed VI qui lui ont permis de nouer des relations privilégiées avec l’Afrique de l’Ouest seront décisifs pour la mise en place du tracé du pipeline. Reste à savoir si la Mauritanie va privilégier ses intérêts économiques pour une meilleure intégration sud-sud ou s’inscrire en porte-à faux-par rapport à ce projet continental. En tout état de cause, même en cas de refus de Nouakchott, cela ne remettrait pas en cause la faisabilité du projet quitte à faire un détour du côté de Las Palmas ou au fond des eaux internationales.

Causes du revers et clés de réussite

LES RAISONS DE L’ÉCHEC

1. Lenteur, incompétence et inefficacité de l’administration algérienne qui a mis des années pour sortir le projet des cartons…en vain !

2. Un business modèle intenable car reposant plus sur des estimations que sur des études scientifiques, lancées sans jamais voir le jour. Les 19 milliards de dollars de coût du projet sont estimés par les experts de budget comme étant largement surdimensionnés.

3. Le tracé imaginé par les Algériens a occulté les problèmes majeurs de sécurité sur pratiquement les 4.000 kilomètres prévus avant que l’attentat de 2013 sur le site gazier Ain Aminas ne remette tout en question.

LES CHANCES DE SUCCÈs

1. Stabilité du régime politique au Maroc incarnée par une monarchie de plus en plus ancrée dans l’espace africain et garante de la pérennité de ce genre de projet.

2. Fiabilité de la sécurité et efficacité des services de renseignements marocains, reconnus par les superpuissances à travers leurs coopérations avec leurs homologues en Europe et en Amérique.

3. Expertise et efficacité des entreprises marocaines, aussi bien du secteur privé que du public, incarnée par une omniprésence sur différents secteurs d’activité depuis au moins une vingtaine d’année.


La presse algérienne sort de ses gonds
Le projet du gazoduc Afrique-Europe passe très mal chez les autorités et  la presse algériennes. «Al Khabar» est allé loin en qualifiant ce projet de «fictif» tout en se contredisant en titrant que «Le Maroc part en guerre énergétique contre l’Algérie» ! La presse digitale est de son côté divisée entre ceux qui y voient une offensive marocaine sur «un terrain algérien» et ceux qui considèrent que «l’offensive marocaine est une claque à Alger qui s’est endormie sur ses lauriers». L’échec du Forum des investissements en Afrique organisé à Alger et le succès du périple royal dans plusieurs pays africains ont été, en revanche, largement relayés par les réseaux algériens qui pointent le gouvernement Sellal du doigt et renvoient vers «la paralysie du pays causée par l’état de santé du président de la République».


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