Clôture du Forum Crans Montana : L’Afrique plaide pour un nouvel ordre maritime mondial
Les participants à la troisième édition du Forum Crans Montana appellent les États à soutenir les armements nationaux et à développer une gouvernance communautaire afin d’accélérer la renaissance de la marine marchande en Afrique.
Le rideau est tombé hier sur la troisième édition du Forum Crans Montana. Rhapsody, l’hôtel flottant du transporteur italien GNV, a accosté au petit matin dans le port de Casablanca. Durant cette croisière de plus de 40 heures au large de la côte atlantique, les débats se sont poursuivis malgré le mal de mer fragilisant certains intervenants, mais globalement les participants sont unanimes à dire que l’édition 2017 de Crans Montana a tenu toutes ses promesses, de par la qualité des échanges et des réflexions qui l’ont marquées depuis l’étape de Dakhla.
Marine sinistrée
Le débat sur le transport maritime en Afrique, organisé lundi après-midi à l’Agora (une salle de conférences de 300 places, située à la proue du navire), a permis de focaliser l’intérêt sur un secteur jusqu’ici délaissé par les politiques. Les orateurs s’y sont montrés nostalgiques de «l’âge d’or» de la marine marchande africaine, au milieu des années 70 du siècle dernier, où chaque pays disposait d’une compagnie nationale, y compris ceux n’ayant pas accès direct à la mer comme le Mali et la Centrafrique.
À cette époque, l’Afrique était appuyée par le Code de conduite des conférences maritimes de Genève qui autorisait les pays à contribuer à hauteur de 40% à leur trafic maritime national, mais la libéralisation intervenue en 1995 a tout bouleversé en précipitant la disparition de pratiquement l’ensemble des armements nationaux. «Une volonté politique s’impose si nous voulons promouvoir le transport maritime», souligne Serigne Thiam Diop, secrétaire général de l’Union des conseils des chargeurs africains. Ce dernier propose, en guise de solutions, l’idée d’un soutien gouvernemental aux transporteurs existants, la mise en œuvre de l’armement communautaire, le développement du trafic intérieur. On retient également la proposition de l’Amiral Peter Brady, directeur général de l’autorité portuaire de la Jamaïque, qui a insisté sur la nécessité de faciliter le commerce en développant une économie intégrée autour des ports, avec des chaînes logistiques appropriées et des zones franches attractives. Face à la situation sinistrée du secteur en Afrique, les participants à la troisième édition du Forum Crans Montana plaident pour une libéralisation organisée, et non pas sauvage du transport maritime, voir un nouvel ordre maritime mondial favorisant la renaissance de la marine marchande africaine. Une gouvernance communautaire de la chose maritime s’avère inéluctable.
Les invités du Forum saluent les quelques initiatives lancées dans ce sens, à l’image de la Stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans à l’horizon 2050, adoptée par les Chefs d’États et de gouvernement de l’Union africaine, à Addis-Abeba, en janvier 2014. En matière de gouvernance, ils citent l’exemple réussi de l’Association de gestion des ports d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Parfois, la coopération devient même indispensable, surtout quand il s’agit de lutter contre le phénomène de la piraterie maritime. Plus de 40 pays membres de l’UA ont signé, en août 2016, une charte pour une meilleure sécurité des côtes. En plus de créer un Fonds spécial, les États signataires devraient faciliter «l’accès aux informations». Il se trouve que le manque de coopération, notamment d’échange d’informations entre les différents pays est perçu comme un grand avantage pour les pirates et les contrebandiers qui peuvent passer d’une zone territoriale à l’autre sans être inquiétés. Seulement voilà, les pays signataires de ladite charte n’ont aucune obligation de laisser filtrer des informations si cela n’est pas dans l’intérêt de leur sécurité nationale !