Bank Al-Maghrib : Jouahri opte pour le statu quo
À l’issue de sa dernière réunion trimestrielle, le Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM) a décidé de maintenir inchangé le taux directeur à 2,25%. L’économie nationale continue à évoluer dans une conjoncture difficile en dépit de quelques signes de reprise et la Banque centrale a revu légèrement ses prévisions à la hausse.
Sans surprise, le Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM), qui a tenu hier à Rabat sa troisième réunion trimestrielle de l’année, a décidé de maintenir le taux directeur à 2,25%. Selon les explications détaillées par le gouverneur, Abdellatif Jouahri, à l’issue de la rencontre, c’est en «tenant compte d’une prévision d’inflation en ligne avec l’objectif de stabilité des prix et au vu de l’évolution récente et prévue à moyen terme des conditions monétaires et économiques» que le Conseil a «jugé approprié le niveau de 2,25% du taux directeur et a décidé de le maintenir inchangé».
La Banque centrale a donc opté pour le statu quo, ce qui est du reste attendu par les opérateurs et les analystes. En plus du contexte électoral qui est traditionnellement de nature à engendrer un certain optimisme, les tendances macroéconomiques n’ont pas enregistré de grands changements depuis la dernière réunion du Conseil. Le Conseil de BAM a d’ailleurs passé en revue l’évolution de la conjoncture économique et a rendu publiques ses projections macroéconomiques pour les huit prochains trimestres. Selon le communiqué publié par la Banque centrale à l’issue de sa réunion, il ressort que l’inflation, mesurée par la variation de l’indice des prix à la consommation, est revenue de 1,9% au deuxième trimestre à 1,6% en moyenne en juillet et août, avec une hausse de sa composante sous-jacente de 0,2 point de pourcentage à 0,7%. Les projections établies par l’institution tablent qu’elle terminera l’année avec une moyenne de 1,6% avant de revenir à 1,2% en 2017, «sous l’effet essentiellement de la dissipation des chocs temporaires sur les prix des produits alimentaires à prix volatils qui devraient plus que compenser la hausse prévue de l’inflation sous-jacente».
Légère hausse de la croissance
Il convient de relever que cette session du Conseil intervient à la veille de la publication par le gouvernement du projet de loi de Finances 2017, dont les grandes orientations ont été adoptées lundi soir en Conseil des ministres. Il va donc falloir attendre l’adoption de cette loi et la feuille de route du nouveau gouvernement, qui sera mise en place à l’issue des élections législatives, pour apprécier et intégrer les nouveaux éléments qui pourraient avoir un impact sur la dynamique actuelle. En attendant, le rythme de croissance du PIB reste morose et d’après BAM, il a ralenti à 1,7% au premier trimestre, avec une nette contraction de la valeur ajoutée agricole et une décélération du PIB non agricole.
Du côté de la demande, la consommation des ménages a également enregistré un ralentissement et la contribution des exportations nettes à la croissance est ressortie négative, alors que l’investissement a connu un important rebond. Ainsi, pour l’ensemble de l’année 2016, Bank Al-Maghrib a légèrement ajusté à la hausse sa prévision de croissance qui passe de 1,2% à 1,4%. Il s’agit d’un bémol pour le gouvernement qui vise l’objectif de la barre des 2% même si jusque-là, les scénarii les plus optimistes la projettent aux alentours d’1,5%. Pour ce qui est de l’année en cours, les prévisions de BAM tablent sur une contraction de la valeur ajoutée agricole à hauteur de 9% alors que la croissance non agricole se situerait à 2,9%. En 2017, cette dernière devrait s’accélérer à 3,2% et, sous l’hypothèse d’une campagne agricole normale, la valeur ajoutée agricole devrait rebondir de 10%, portant ainsi la croissance globale à 4%.
Légère diminution du taux de chômage
Sur le marché du travail, la Banque centrale a fait cas de la perte par l’économie nationale de 26.000 emplois au deuxième trimestre comparativement à la même période de 2015, recouvrant une contraction de 175.000 emplois agricoles et des hausses de 70.000 postes dans les services, de 41.000 dans le BTP et de 38.000 dans l’industrie y compris l’artisanat. En conséquence, souligne BAM, qui a également tenu compte d’une baisse du taux d’activité de 0,8 point, le taux de chômage a légèrement diminué de 0,1 point pour s’établir désormais à 8,6%.
S’agissant des comptes extérieurs, le Conseil a relevé que le déficit commercial s’est accentué de 13% sur les huit premiers mois de l’année, reflétant une hausse importante des importations, notamment celles des biens d’équipement de 22,5%. En parallèle, relève la même source, malgré la baisse des ventes de phosphates et dérivés, les exportations se sont accrues de 1,7%, tirées essentiellement par la progression des ventes de la construction automobile et de l’industrie alimentaire. Pour leur part, les recettes de voyages ont progressé de 4,5% et les transferts des MRE de 4,8%. «Dans ces conditions et sous l’hypothèse d’une entrée annuelle de dons de 8 MMDH en 2016 et 2017, le compte courant devrait terminer l’année 2016 avec un déficit d’1,9% du PIB qui s’atténuerait davantage à 1,2% du PIB en 2017». En tenant compte également des flux nets d’IDE prévus en baisse, les réserves de change devraient continuer à se renforcer, bien qu’à un rythme moins rapide que prévu en juin, pour s’établir à l’équivalent de 7 mois et 6 jours d’importations de biens et services à fin 2016 et de 7 mois et 20 jours au terme de 2017.
Conditions monétaires stables
Pour ce qui est des conditions monétaires, la Banque centrale relève que la hausse en juin du taux de la réserve monétaire de 2% à 4% s’est traduite par un alignement du taux interbancaire sur le taux directeur et un ajustement des taux sur les différents marchés. L’encours du crédit bancaire au secteur non financier a poursuivi son amélioration, avec un accroissement de 3,2% à fin juillet, résultat essentiellement de la relative reprise des prêts aux entreprises. Compte tenu de ces évolutions et de la légère révision de la croissance non agricole, sa prévision a été légèrement ajustée à la hausse de 0,3 point à 3% pour 2016 et maintenue inchangée à 4% pour 2017. Le Conseil de BAM a également examiné l’exécution de la loi des Finances et a estimé que l’ajustement budgétaire se poursuit. Sur les huit premiers mois de l’année, l’exécution budgétaire s’est traduite par un solde des dépenses publiques qui s’est alourdi de 5,2% des dépenses globales, résultant «en grande partie de la hausse de l’investissement et des dépenses de biens et services». En revanche, relève BAM, la charge de compensation a accusé une baisse de 22,1% à 7,5 milliards, soit un taux d’exécution de 48,5% par rapport à la programmation de la loi de Finances. Les recettes se sont également améliorées de 5,8%, conséquence des augmentations des recettes des impôts directs, de la TVA à l’importation et des TIC. Au total, le déficit budgétaire s’est quasiment stabilisé à 30,5 milliards et a été couvert principalement par des financements intérieurs. Il devrait s’établir à 3,8% du PIB au terme de 2016 et à 3,2% du PIB en 2017.