Maroc

Syndicats. La réglementation s’impose

Le projet de loi sur les syndicats est en cours de préparation par le gouvernement. Les centrales syndicales sont divisées sur l’utilité de l’adoption de ce texte qui tarde à voir le jour depuis 2009. La loi s’impose pour mettre fin aux dysfonctionnements qui minent l’échiquier syndical, notamment sur le volet de la démocratie interne et celui du contrôle des finances des syndicats.

Le gouvernement réussira-t-il à accoucher du projet de loi sur les syndicats, dont une première version a été élaborée il y a dix ans, mais sans pour autant qu’elle soit introduite dans le circuit législatif à cause des réticences syndicales ? En tout cas, de plus en plus de voix, même sur l’échiquier syndical, appellent à ouvrir les consultations autour de ce texte mentionné dans les dispositions de l’article 8 de la loi fondamentale: «La loi détermine les règles relatives notamment à la constitution des organisations syndicales, aux activités et aux critères d’octroi du soutien financier de l’État, ainsi qu’aux modalités de contrôle de leur financement».

Le chef de gouvernement, Saâd Dine El Otmani, a souligné, à plusieurs reprises, la nécessité de faire sortir cette législation. Un premier draft qui est en cours d’examen par les différents départements ministériels sera bientôt transformé en projet de loi qui fera l’objet de consultations avec les centrales syndicales.

C’est ce que vient d’assurer, au sein de l’hémicycle, le ministre du Travail et de l’insertion professionnelle, Mohamed Yatim, qui a été interpellé par le parlementaire de la Fédération démocratique du travail (FDT), Mohamed Fatihi, sur le retard pris dans la préparation de ce texte. Les syndicats, précisons-le, ne parlent pas de la même voix sur ce dossier. Ils sont en effet divisés sur l’utilité de la promulgation d’une telle réglementation. À titre d’exemple, l’Union marocaine du travail (UMT), entrale la plus représentative, n’a pas hésité, à plusieurs reprises, par la voix de ses dirigeants, à rejeter l’idée de la mise en place de cette législation qu’elle considère comme «une ingérence dans les affaires internes des syndicats». Certains syndicalistes estiment que ce n’est pas une priorité car l’action syndicale est déjà régie par le Code du travail et le dahir de 1957. Un avis que ne partagent pas nombre de dirigeants syndicalistes qui pointent du doigt les dysfonctionnements qui minent l’action syndicale et portent préjudice à la crédibilité des syndicats. Il faut dire que la démocratie interne dans certaines centrales est de plus en plus mise à rude épreuve.

À l’instar de ce qui se passe sur l’échiquier politique, le pouvoir au sein des syndicats est très largement confisqué par les aînés. Le système est globalement gérontocratique alors que d’aucuns soulignent la nécessité d’insuffler une nouvelle dynamique à la vie syndicale pour rétablir la confiance et régler la crise de médiation qui risque d’avoir des conséquences dangereuses sur la paix sociale. Les chiffres témoignent de l’ampleur de la désaffection des travailleurs pour le syndicalisme. Seuls 3,4 % des actifs occupés sont affiliés à une organisation syndicale ou professionnelle (6% en milieu urbain et 1% en milieu rural), selon le Haut-Commissariat au plan. La réglementation de l’échiquier syndical, pour garantir la transparence financière, instaurer la démocratie interne et favoriser le renouvellement de l’élite, est l’un des préalables pour lutter contre la défiance des travailleurs.

Limitation d’âge ?
La première version du texte prévoyait les mêmes modalités que la loi sur les partis politiques. Quelques dispositions faisant l’objet de discordes ont été supprimées par le précédent gouvernement pour faire adhérer les syndicats à ce projet vertement critiqué. On peut citer, entre autres, la limitation d’âge pour les chefs de file des syndicats, rejetée par quelques syndicalistes, mais approuvées par d’autres qui brandissent l’importance de la légitimité morale des responsables syndicaux et du renouvellement des élites, contrairement aux pratiques d’aujourd’hui. La nouvelle mouture en cours de préparation va-t-elle s’attaquer au volet de la limitation d’âge pour les dirigeants syndicalistes? Cette disposition risquerait de bloquer les négociations avec les syndicats qui sont dirigés par des retraités.

La subvention annuelle n’est pas contrôlée
S’agissant du contrôle financier, l’un des points les plus importants du texte, il est temps d’instaurer la transparence. Actuellement, uniquement les dépenses relatives aux élections sont assujetties au contrôle de la Cour des comptes. La subvention publique annuelle n’est soumise à aucun contrôle bien que, théoriquement, la Cour des comptes soit habilitée à assurer cette mission nécessaire à la garantie de la transparence et la crédibilité du champ syndical. Le Code du travail prévoit un contrôle sur les subventions publiques octroyées aux organisations syndicales qui ne se fait pas. Il est à préciser que le soutien financier aux syndicats varie en fonction de leur représentativité. En gros, la subvention étatique est jugée dérisoire par les syndicats car elle ne permet de couvrir qu’une partie des dépenses. Les centrales syndicales qui ont du mal à recruter ne peuvent pas compter, pour leur financement, sur les adhésions.

Immunisation de l’action syndicale
Le gouvernement peut miser sur la divergence des points de vue entre les centrales syndicales sur ce projet de loi pour tirer son épingle du jeu. L’Exécutif compte convaincre les syndicats d’accepter la loi régissant le champ syndical en s’appuyant sur un argument de taille: l’immunisation de l’action syndicale contre les coordinations qui ont pullulé au cours des dernières années. Ces organisations deviennent de plus en plus fortes dans quelques secteurs, au point qu’elles arrivent à mobiliser en masse les salariés. Les coordinations qui n’ont aucune représentativité auprès du gouvernement sont parvenues à couper l’herbe sous le pied des centrales syndicales. La réglementation devra permettre d’appuyer les syndicats pour qu’ils soient l’unique relais en matière de formulation des doléances sociales des salariés. Pour y arriver, il faut dire que la loi à elle seule ne sera pas suffisante. Une action en profondeur devra être lancée pour faire renaître la confiance perdue dans les syndicats qui sont en perte de vitesse. La démocratie a en effet besoin de syndicats forts et transparents. 


Abdessamad Marimi
Parlementaire et SG adjoint de l’UNTM

Le projet de loi sur les syndicats doit en premier lieu régler la question de la représentativité qui n’est pas unifiée et équilibrée au niveau des secteurs public et privé et des établissements publics. La législation actuelle est en effet lacunaire. En outre, la transparence, la démocratie et le contrôle financier s’imposent pour la crédibilité du champ syndical.

Abdelhamid Fatihi
Parlementaire et SG de la FDT

Il fallait commencer par le projet de loi sur les syndicats, avant celui de la grève. Ce texte s’impose. Les subventions annuelles accordées aux syndicats ne sont soumises à aucun contrôle. En tant que secrétaire général d’un syndicat, personne ne me demande des comptes sur les dépenses de la subvention annuelle que je reçois.



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