Beni-Mellal-Khénifra. L’économie solidaire pour combattre la précarité
Le deuxième édition du Salon de l’économie sociale et solidaire de la Région Béni Mellal-Khénifra qui a pris fin dimanche dernier a connu la participation de 360 exposants. Les visiteurs étaient également au rendez-vous.
C’est dimanche dernier que la deuxième édition du Salon de l’économie sociale et solidaire de la Région Béni Mellal-Khénifra a pris fin. Cette édition a connu la participation de 360 exposants représentant des coopératives agricoles artisanales et même des mutuelles à l’instar de MGPAP (Mutuelle générale du personnel des administrations publiques). La plupart de ces exposants ont compris que le salon est plus une plateforme pour se faire connaître que pour vendre. D’autres étaient là pour vendre tout simplement mais le point commun de tous ces acteurs de l’économie solidaire est leur situation socioéconomique très compliquée et précaire et la difficulté à commercialiser leurs produits notamment dans la Région de Béni-Mellal-Khénifra où les consommateurs n’ont pas les mêmes revenus et les mêmes habitudes de consommation que ceux des grandes villes comme Casablanca, Marrakech, Tanger et Rabat. C’est le cas par exemple des membres de la coopérative Mouha Ouhamou qui s’activent dans l’apiculture. Cette coopérative qui a été constituée il y a près d’un an a du mal à joindre les deux bouts et participe pour la première fois à un salon. «L’expérience est difficile car nous n’arrivons même pas à couvrir nos charges. Cela est dû aux problèmes que nous rencontrons pour la commercialisation de nos produits en dehors de la ville de Béni Mellal. Il y a aussi l’autre problème lié aux clichés selon lesquels tous les producteurs de miel trichent. Ces deux raisons font que nous sommes obligés de vendre à des prix très bas malgré la qualité de nos produits, ce qui ne nous permet pas de tenir. Nous subsistons grâce à la solidarité et l’entraide entre les 5 membres de la coopérative», explique un membre de la coopérative. Au salon, il y avait aussi une coopérative de broderie et d’habits traditionnels qui vient d’être créée en mai 2019 par une femme divorcée ayant à sa charge deux enfants. La plupart des membres de cette coopérative (coopérative Hounaida) sont dans la même situation socioéconomique que la fondatrice. Selon cette dernière qui reste confiante et nourrit de grandes ambitions, «la commercialisation des produits de leur structure se fait dans un cadre encore très limité et les revenus couvrent à peine les charges et laissent une petite marge de subsistance pour les membres». Plus loin, une dame sympathique âgée de 80 ans était assise dans le stand de la coopérative Boutaounine pour le textile et la broderie à attendre la visite des clients tout en espérant que ces derniers leur achètent leurs produits.
«Nous avons du mal à écouler nos tapis dans la région. D’autres coopératives qui font la même activité arrivent à trouver un marché à Marrakech. Nous avons eu recours à un intermédiaire qui nous prend nos marchandises à crédit mais le paiement traîne toujours», souligne la gentille vendeuse.
Désespérée, la dame nous demande de lui dire comment faire pour vendre directement et nous tend un téléphone où elle a noté le nom de sa fille qui s’occupe de ce volet. Et lorsqu’un des organisateurs lui demande sa carte de visite, elle sort sa carte d’identité nationale. Ce dernier, sourire aux lèvres, lui promet de la faire entrer dans le réseau. Analysant ces différents problèmes, Abdellah Jamal, membre du réseau «Économie sociale et solidaire Région Béni Mellal», estime que «la plupart des coopératives sont lésées par l’intervention des intermédiaires. Aussi, il faut s’organiser pour que la commercialisation des produits se fasse sans eux. Ceci passe entre autres par le commerce équitable». Il y a aussi le problème de la présentation des produits et de l’absence de marketing lors de la commercialisation. D’ailleurs, la plupart des exposants au salon ont commis ces erreurs. Certains qui avaient même le label «ONSSA» garantissant la qualité de leurs produits ne le faisaient pas valoir. «L’agrément ONSSA est malheureusement considéré par ces exposants comme une simple assurance à montrer lors d’un contrôle», précise Jamal. Ce dernier intervenait lors d’une conférence organisée en marge du salon qui a aussi prévu des ateliers de formation pour les coopératives.
Pus de 1.200 coopératives
«Ce salon est l’application de la stratégie conseil de la Région Beni Mellal-Khénifra visant à encourager et soutenir le développement des activités entrant dans le cadre de l’économie sociale et solidaire. Dans ce sens, un cahier des charges a été signé pour accorder des subventions aux coopératives de la région», note Hanaa Chahboun, vice-président de la Région Béni-Mellal-Khénifra et présidente du salon. La stratégie comprend entre autre l’organisation des foires…Le but étant d’élargir la base de ces coopératives. «Nous avons d’ailleurs constaté que tous les acteurs de l’ESS, que ce soient les autorités locales, les chambres d’agriculture, le ministère de tutelle, les coopératives ont une grande volonté d’aller de l’avant. Bien entendu, ce développement est désormais possible avec les nouvelles lois qui permettent entre autres aux coopératives et aux auto-entrepreneurs de soumissionner aux marchés publics», souligne Chahboun. Cela dit, le modèle de l’ESS est une solution parmi d’autres pour faire face à la précarité socioéconomique notamment dans la région connue pour son taux de pauvreté dû entre autres aux problèmes d’enclavement des populations et du taux de ruralisation très élevé mais la région ne baisse pas les bras et travaille au quotidien sur le désenclavement des régions éloignées. Aujourd’hui dans la Région de Béni Mellal-Khénifra, on recense plus de 1.200 coopératives qui comptent plus de 50.000 membres et font travailler plus de 1.500 salariés. Et au regard de la spécificité de la région, la majorité de ces structures sont des coopératives agricoles.