Chaîne parlementaire. Une proposition de loi lacunaire
L’avant-proposition de loi portant sur la création de la chaîne parlementaire, en cours de discussion à la chambre basse, reste perfectible. Des voix internes plaident pour la nécessité de respecter le principe d’indépendance du Parlement et de séparation des pouvoirs. Le volet de l’interactivité est aussi un élément-clé à introduire dans la mouture initiale.
Au point mort depuis plus de 14 ans, le projet de création de la chaîne parlementaire commence enfin à entrevoir le bout du tunnel. Le problème financier qui bloquait le projet semble en effet dépassé. Les pourparlers entre l’institution législative et le ministère de l’Économie et des finances sont manifestement sur la bonne voie. Le financement devra être prévu dans le cadre du projet de Budget de 2020, selon une source interne à la Chambre des représentants. Aucun détail ne filtre encore sur le montant prévu pour que la chaîne puisse voir le jour. Rappelons qu’en 2005, le gouvernement de Driss Jettou avait ficelé un projet qu’il avait présenté aux deux chambres de l’institution législative avec une estimation financière de 15 MDH. le coût financier prévisionnel devrait sûrement être beaucoup plus élevé que l’estimation initiale. En tout cas, le gouvernement devra débloquer le budget nécessaire aux deux chambres du Parlement qui géreront cette chaîne. L’avant-proposition de loi en cours de discussion par les différentes composantes de la Chambre des représentants a arrêté la forme juridique de la chaîne qui sera régie par la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes. Le texte prévoit un contrôle assuré par la Haute autorité de la communication audiovisuelle. Une disposition contestée par certaines voies internes qui plaident pour la nécessité de respecter la séparation des pouvoirs.
À cet égard, la Cour des comptes a déjà souligné que le cadre juridique de la chaîne devra être «respectueux de l’autonomie du Parlement et de la spécificité de chacune des deux chambres» et «déterminer les conditions de sa création ainsi que les aspects techniques, financiers et organisationnels, en vertu des principes de la séparation des pouvoirs et de l’autonomie administrative et financière du Parlement ». Le contrôle devra être assuré au niveau interne, selon un député. C’est le Conseil d’administration de la chaîne qui devra veiller au respect des différentes règles pour que le Parlement puisse garder son indépendance vis-à-vis des autres institutions. La Cour des comptes estime que seul le Parlement devra assurer le contrôle, la programmation et la gestion de la production de la chaîne. La partie relative à la diffusion technique pourra être confiée à la SNRT. Au niveau de l’organisation, la chaîne sera à l’image de la chaîne parlementaire française. Les deux chambres du Parlement qui auront chacune leur budget doivent se partager le temps d’antenne. Elles devront aussi collaborer dans le cadre d’une commission de coordination commune chargée notamment des volets administratif et logistique. L’avant-proposition de loi prévoit, entre autres, la transmission des travaux des commissions après accord des instances décisionnelles du Parlement.
À ce titre, plusieurs voix s’élèvent pour attirer l’attention sur la nécessité d’éviter des diffusions «fleuve» et insipides qui n’intéresserait pas les citoyens et appellent plutôt à miser sur l’interaction. Un impératif qui doit être inscrit noir sur blanc dans le texte alors que la mouture actuelle ne prévoit pas clairement cette disposition. La chaîne parlementaire devra apporter une véritable valeur ajoutée en ouvrant des débats d’actualité. Il ne s’agit pas uniquement d’axer la programmation sur le Parlement mais aussi de s’ouvrir à toutes les potentialités et sensibilités au sein de la société marocaine notamment les experts politiques, économiques et sociaux, à l’instar des chaînes parlementaires internationales. On s’attend à ce que ce projet contribue largement à l’amélioration de l’image écornée du Parlement auprès de l’opinion publique. La chaîne parlementaire est en effet considérée comme un outil pédagogique très important au profit des citoyens visant à combler le déficit en informations sur l’activité parlementaire. Elle permettra d’assurer une couverture élargie des activités parlementaires et d’approfondir le débat politique. Les parlementaires s’attendent à la création d’une véritable dynamique dans la vie de l’institution législative et à la promotion du rayonnement de l’institution parlementaire.
Parallèlement à la création de la chaîne, d’autres chantiers sont à ouvrir pour dynamiser l’action parlementaire. On peut notamment citer le dispositif des séances des questions orales, qui doit être révisé. Le projet de réforme de ce système est en cours, du moins du côté de la chambre basse qui entend dynamiser les séances plénières dédiées aux questions orales en vue d’atteindre l’efficacité escomptée. Cette réforme devra bientôt voir le jour. La Chambre des conseillers est appelée, elle aussi, à s’inscrire dans cette dynamique. Un autre défi de taille: l’éradication du fléau de l’absentéisme qui ronge les travaux parlementaires, particulièrement dans la chambre haute, qui rechigne encore à appliquer les dispositions de son règlement intérieur pour sanctionner les absentéistes. Il ne suffit pas d’édicter des règles; encore faut-il les respecter et les appliquer. Le nouveau règlement intérieur insiste beaucoup sur la nécessité de lutter contre l’absence injustifiée des parlementaires. Le bureau de la Chambre des conseillers est très attendu sur ce dossier.