Plage d’Agadir. Comment lutter contre la pollution ?
Tant que les causes de pollution et de nuisance continuent d’altérer la qualité des eaux de baignade à Agadir, il sera difficile de labelliser la plage «pavillon bleu» pour les prochaines années…
Durant la période estivale, la plage d’Agadir attire jusqu’à 70.000 estivants par jour. Mais une fois que cette population franchit les 29 accès menant vers la zone de baignade étalée sur une longueur de 9 km de sables, les plus avertis s’interrogent sur les raisons qui n’ont pas permis à la plage d’Agadir de ne pas hisser pour la seconde fois consécutive le drapeau du pavillon bleu. En filigrane, durant cette dernière décennie, la station balnéaire d’Agadir est parvenue à labelliser sa plage «pavillon bleu» uniquement durant quatre années alors qu’elle a raté le coche six années. En cause, la baisse de la qualité des eaux qui sont tout à fait propres à la baignade mais pas assez pour le pavillon bleu qui exige une qualité excellente (la norme marocaine 03.7.199, directement issue de la directive européenne de 2006). Devant cet état de fait, quelles sont les causes qui altèrent la qualité des eaux de baignade de la plage d’Agadir ? Qu’en est-il des différents indicateurs de vulnérabilité de cette zone ? La réponse à ces questions est beaucoup plus complexe comme en témoigne la multiplicité des sources de pollution à traiter et les différentes nuisances dans cet espace. En se référant au profil de vulnérabilité des eaux de baignade de la plage d’Agadir, réalisé par le Secrétariat d’État chargé du développement durable (SEDD), le niveau de vulnérabilité de la zone de baignade d’Agadir est qualifié de fort sous l’influence principalement des déversements industriels de la zone d’Anza.
Les effluents d’Anza emportés par les courants
Ladite zone continue de subir l’impact de plusieurs rejets en mer déversés en majorité par les unités industrielles de la conserve de poisson, la fabrication de farine de poisson et l’industrie de l’huilerie. Et bien que la zone de baignade d’Agadir soit située en un milieu ouvert qui favorise la circulation et le renouvellement des eaux, toutefois la vitesse et la direction du vent ont un effet direct sur le déplacement de ces polluants vers la plage d’Agadir en raison des effets du vent dont la fréquence provient du nord-ouest. C’est pourquoi les déversements d’Anza qui sont chargés en matières organiques, en matières en suspension et en sel atteignent facilement cette zone de baignade et altèrent de facto la qualité des eaux de baignade.
Quid de l’activité portuaire et plaisancière ?
La plage d’Agadir est menacée aussi par les activités portuaires, notamment de l’enceinte portuaire d’Agadir et du port de plaisance qui disposent pourtant de leurs stations de traitement et rejettent leurs eaux dans le réseau d’assainissement, ce qui laisse présager qu’il s’agit de rejets et de vidanges d’hydrocarbures liquides en raison de la concentration de bateaux dans les deux ports. Par ailleurs, les eaux usées d’une partie du port ne sont pas reliées selon le profil de vulnérabilité des eaux de baignade de la plage d’Agadir au réseau et sont déversées directement au niveau de la jetée du port de commerce. De plus, des travaux de recherche menés par le Laboratoire de recherche écosystèmes aquatiques (voir leseco.ma) relevant du Département de biologie à la Faculté des sciences d’Agadir ont déjà montré que la plage d’Agadir voit sa contamination par les hydrocarbures augmenter sensiblement en raison de la concentration de bateaux dans le port de pêche lors de la période du repos biologique. Il s’agit essentiellement des huiles usées, des boues mazoutées et eaux de cales de bateaux. Selon les estimations mentionnées dans le profil des eaux de baignade d’Agadir, la flottille de pêche d’Agadir avec ses trois segments (hauturier, côtier et artisanal) rejette annuellement environ 4.500 tonnes de déchets d’hydrocarbures et d’huiles usées dont une faible quantité était jusqu’à présent récupérée. À cet égard, au niveau de la plage d’Agadir, des traces d’hydrocarbures ont été déjà détectées selon le dernier rapport national de la surveillance de la qualité du sable des plages du royaume (édition 2019) sans pour autant dépasser le seuil de référence. Toujours est-il que le classement de la qualité pour l’eau de mer, selon la norme marocaine NM 03.7.199 pour l’évaluation de la qualité microbiologique de l’eau de baignade se base essentiellement sur deux paramètres analysés, à savoir la présence d’Escherichia coli (E. coli), coliformes fécaux ou entérocoques dans l’eau qui indique qu’elle est contaminée par des selles. Par contre, elle ne prend pas en considération dans ses analyses le seuil des hydrocarbures et leur concentration dans l’eau. Le constat est le même (d’altération) pour le port de plaisance où l’activité des croisières touristiques en bateau s’est multipliée dernièrement avec l’octroi aussi d’autorisation pour jets ski sur la plage d’Agadir alors qu’il serait judicieux d’opter pour des activités sportives moins polluantes pour l’environnement marin. S’agissant du port de plaisance, lieu de cale des plaisanciers, dont certains restent occupés pendant tout leur séjour, celui-ci est aussi sujet à des pollutions ménagères, auxquelles s’ajoutent des rejets par l’ouverture des buses menant au bassin où normalement devaient circuler les eaux pluviales mais leur écoulement est continue à cause des branchements illicites. De surcroît, avec l’existence de dépôts de conteneurs poubelles près de la digue du port, ces dépôts participent à accentuer le degré de pollution après le ruissellement de lixiviat vers la mer du côté nord de la plage.
Des écoulements en temps sec à la plage
D’autres sources sont également identifiées comme l’une des sources polluantes de la plage, notamment les rejets d’oueds durant les périodes de pluie. Parallèlement, le réseau d’eaux pluviales, de par la présence d’un exutoire au niveau de la zone de baignade, peut être responsable d’apports de pollutions bactériologiques lors d’événements pluvieux. Néanmoins, cet exutoire présente des écoulements par temps sec (absence de pluie) dont l’origine et le débit sont inconnus, ce qui provoque périodiquement le mécontentement des estivants. À cela s’ajoutent les rejets d’eaux usées véhiculées par les cours d’eau débouchant sur la plage d’Agadir et leur impact sur la qualité de l’eau de baignade. Il s’agit au total de 5 cours d’eau, notamment Oued EL Ghazoua, Oued Tildi et Oued Tildi qui sont plus ou moins des petits cours d’eau alors qu’Oued Lahouar et Oued Souss sont de grands cours d’eau qui se jettent sur la plage en cas de précipitations et de fortes crues.
Stations de refoulement et de relevage… des dysfonctionnements
L’autre source de pollution et non des moindres est l’impact engendré lors du dysfonctionnement des stations de refoulement et de relevage dans la zone touristique et balnéaire mais aussi dans le Grand Agadir en plus des rejets des eaux usées non totalement traitées par la STEP de M’Zar dans la mer, au sud de l’embouchure d’oued Souss. Par ailleurs, d’autres activités nuisibles affectent la qualité des eaux de baignade, notamment la présence d’animaux, notamment les chiens et les chameaux avec les balades à dos de dromadaires en plus de l’inadaptation des ouvertures des blocs sanitaires avec les activités ludiques et sportives des usagers sur la plage d’Agadir. Partant de ce constat, le profil des eaux de baignade d’Agadir avait déjà nécessité plusieurs actions (des mesures prioritaires et complémentaires) mais les sources identifiées de dégradation continuent toujours d’altérer la qualité des eaux de baignade en l’absence d’un plan de gestion intégré pour traiter l’ensemble des problématiques.