Comment mieux financer le système de santé
Amélioration de la gouvernance, généralisation de la couverture médicale, développement des partenariats public-privé, promotion de financements innovants, extension géographique de l’investissement privé…Autant de pistes à explorer pour améliorer le financement du secteur de la santé dont la moitié des dépenses est prise en charge par les ménages.
Le gouvernement ouvre un dossier épineux : le financement de la santé. Certes des efforts considérables ont été déployés au cours des dernières années en la matière mais le chemin reste encore long pour atteindre les objectifs escomptés au vu de l’ampleur des insuffisances, comme en témoignent les chiffres officiels : 50% des dépenses de la santé continuent à être assurés par les ménages alors que les recommandations de l’OMS stipulent une charge inférieure à 30% voire 25%, ce qui constitue un lourd fardeau notamment pour la population vulnérable, comme le reconnaît le ministre de la Santé, Anas Doukkali. L’assurance maladie finance uniquement 22% des dépenses. Le Maroc gagnerait à explorer toutes les pistes pour donner un véritable coup de fouet au système. C’est d’ailleurs l’objectif de la conférence nationale sur le financement de la couverture sanitaire universelle dont les travaux se poursuivent aujourd’hui à Salé en présence des représentants de tous les acteurs concernés. Le défi, d’après le ministre de tutelle, est d’identifier les opportunités potentielles (financement innovant, alternatif) et des actions opérationnelles pour orienter les décisions sur le court, moyen et long termes vers une mise en commun des ressources optimisées au Maroc et de définir le modèle à adopter pour la fonction achat des services de soins en vue de la centrer sur l’efficacité et la performance.
Quelles sont les principales pistes à explorer ?
L’amélioration de la gouvernance est un élément clé dans la vision gouvernementale. Le chef du gouvernement, Saad Dine El Otmani est on ne peut plus catégorique sur cette question : «on ne peut pas assurer un bon financement sans une bonne gouvernance». C’est d’ailleurs l’un des piliers fondamentaux de la stratégie de réforme du secteur qui mise sur la rigueur et la bonne gouvernance pour pallier les contraintes budgétaires et s’adapter aux carences et insuffisances à travers l’instauration de plusieurs mesures de contrôle de gestion, l’efficacité budgétaire, l’amélioration du rendement des ressources humaines… Néanmoins, ce point, à lui seul, ne permettra pas de relever le défidu financement.
La vision du ministère de tutelle qui a été présentée par le secrétaire général de ce département, Hicham Najmi, prend en considération plusieurs pistes. Il faut en premier lieu généraliser la couverture sanitaire universelle. Ce chantier en cours de réalisation est appelé à s’accélérer dans les prochaines années. Actuellement, le taux de couverture médicale ne dépasse pas 62%. Le gouvernement ambitionne de faire passer ce chiffre à 90% grâce à l’extension de la couverture aux travailleurs indépendants mais cette mission s’avère compliquée comme en attestent les négociations ardues et le présent marathon avec les professionnels. Les premiers bénéficiaires devraient être annoncés dès la fin de cette année. La génération de la couverture médicale permettra d’assurer une base solide pour la solvabilité du système ainsi qu’une meilleure accessibilité et une qualité de soins optimale.
En outre, l’amélioration de l’investissement dans le système de la santé est une condition sine qua non dans la promotion du financement du secteur. La concrétisation de cet objectif passe, entre autres, par le développement du partenariat public-privé dans plusieurs domaines comme la gestion déléguée, les constructions, le fonctionnement, l’industrie pharmaceutique et biomédicale… L’État entend miser sur d’autres financements alternatifs comme la réduction de la TVA sur certains médicaments chers, l’augmentation de la taxation sur certains produits. En ce qui concerne le secteur privé qui bénéficie de 90% du financement mobilisé par l’assurance maladie obligatoire car il est plus attractif que le secteur public, il est appelé à investir dans le secteur en dehors de l’axe Tanger-El Jadida. Il ne s’agit pas uniquement d’investir dans l’offre de soins mais aussi dans d’autres domaines comme l’innovation et l’industrie pharmaceutique et biomédicale, encore faut-il renforcer le contrôle pour éviter que les factures soient salées et que les citoyens en assument les conséquences.
À cet égard, le SG du département de la Santé estime qu’il «faut qu’il y ait une bonne régulation du système, une concertation sur la tarification nationale de référence à appliquer pour tout le monde, l’amélioration de la remboursabilité des soins par les organismes gestionnaires de l’assurance maladie et la traçabilité». À cela s’ajoutent la nécessité de la révision de la tarification nationale de référence qui doit être adaptée au prix du marché et l’amélioration du remboursement des médicaments. Pour sa part, le secteur public se doit d’être attractif pour attirer davantage de patients solvables. Un autre élément de taille : la nécessité de disposer d’un système d’information généralisé, global, intégré et interopérable entre tous les intervenants (public, privé et organismes gestionnaires et de régulation).
Les sources de financement
Il existe toujours un écart entre le Maroc et les pays similaires en termes de dépenses en santé. Nombreuses sont les sources de financement du secteur : les recettes fiscales (24,4%), les ménages (50,7%), l’assurance maladie (22,4%), les employeurs (1,2%), la coopération internationale et autres (1,3%). Le financement collectif (budget de l’État et assurance maladie sociale) et du secteur de la santé représentent près de 46,8% des dépenses totales de santé. Ce financement collectif est constitué des ressources allouées par l’État et des ressources mises en commun par les fonds d’assurance maladie sociale. 88% des dépenses totales de santé sont consacrées à la consommation médicale.