Projet de loi organique sur la grève. Les syndicats listent leurs « préalables »
Le projet de loi organique régissant le droit de grève devra être discuté lors du prochain round du dialogue social. Les syndicats aiguisent déjà leurs armes pour amender ce texte jugé trop restrictif à ce droit. Plusieurs préalables sont exigés pour que ledit texte puisse enfin poursuivre son parcours d’adoption.
Le prochain round du dialogue social sera axé sur les projets de loi à caractère social qui sont en suspens. C’est du moins l’objectif du gouvernement qui entend passer à la vitesse supérieure pour accorder ses violons avec les partenaires sociaux et économiques sur la législation de leur discorde, à commencer par le projet de loi organique sur le droit de grève qui est au point mort depuis son transfert en octobre 2016 à la Chambre des représentants. La mission du gouvernement s’annonce compliquée. Les centrales syndicales appellent à amender ce texte qui «restreint le droit à la grève voire l’interdit», pour reprendre l’expression de Khalid Houir Alami, secrétaire général adjoint de la Confédération démocratique du travail (CDT). Ce responsable syndical et ancien parlementaire estime que l’ouverture de ce dossier dans le cadre du dialogue social est tributaire de nombre de préalables. Le gouvernement est appelé en premier lieu à ouvrir des négociations avec les partenaires sociaux car les syndicats ne vont pas se contenter de simples consultations formelles. En outre, il faut s’atteler en amont à régler quelques questions d’ordre juridique avant de mettre sur les rails le projet de loi organique relatif au droit de grève.
Le prochain round s’annonce chaud
La ratification de la convention internationale 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical est l’un des préalables essentiels à l’adoption de la loi organique. «On ne peut pas discuter une loi organique de la grève alors que le Maroc n’a pas encore adopté la convention internationale n°87», souligne Houir Alami. L’Organisation internationale du travail appelle toujours le Maroc à ratifier cette convention internationale qui est une référence en matière de droit de grève. Le royaume n’a pas encore franchi ce pas en raison des dispositions constitutionnelles. L’article 111 de la loi fondamentale interdit aux magistrats d’adhérer à des partis politiques ou à des organisations syndicales. Les partenaires sociaux accusent l’Exécutif de manquer de volonté car ces dispositions auraient pu être amendées avant l’adoption de la Constitution en juillet 2011 et peuvent toujours être rectifiées pour que le Maroc puisse se conformer aux normes internationales. Outre la ratification de cette convention qui fait partie du cahier revendicatif des syndicats depuis des années, l’abrogation de l’article 288 du Code pénal fait également partie des doléances syndicales dans le cadre de la discussion du texte relatif à la grève. Cet article qui est en effet jugé trop restrictif à ce droit stipule qu’«est puni de l’emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 200 à 5.000 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque, à l’aide de violences, voies de fait, menaces ou manoeuvres frauduleuses, a amené ou maintenu, tenté d’amener ou de maintenir une cessation concertée du travail dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l’industrie ou du travail ». On s’attend à des discussions animées lors du prochain round du dialogue social sur cette question. Les syndicats ont toujours plaidé pour la résolution des causes qui déclenchent les appels à la grève y compris et à leur tête le non-respect des dispositions du Code de travail. En outre, les partenaires sociaux critiquent vertement les ponctions sur les salaires des grévistes avant même de conclure un accord entre les différentes parties concernées. Ce sera l’un des points fondamentaux que les syndicats comptent défendre. Les propositions d’amendements vont porter, entre autres, sur le délai de préavis fixé à 15 jours (la CGEM avait proposé 10 jours dans sa mouture). Les syndicats pèseront de tout leur poids pour garantir la souplesse dans l’observation des grèves.
Les obligations des grévistes
Dans la mouture gouvernementale, les salariés ne peuvent observer une grève qu’après des négociations avec l’employeur sur le dossier revendicatif en vue de trouver des solutions consensuelles dans un délai ne dépassant pas trente jours. La décision du déclenchement de la grève doit être notifiée à l’employeur et aux autorités gouvernementales et locales. Les grévistes sont tenus de veiller au respect du service minimum au sein de l’entreprise. En cas de non-respect de cette disposition, l’employeur peut recourir à des moyens et à des ressources externes mais uniquement pour assurer le service minimum durant la grève. Suite à un accord conclu entre les parties en conflit, tout recours à la grève pour les mêmes motifs ne peut avoir lieu qu’après expiration d’une année. Sur décision du juge, la grève peut être suspendue si son observation risque de porter atteinte à l’ordre public ou à des services vitaux conformément à une demande du chef de gouvernement ou de l’autorité gouvernementale chargée de l’Intérieur. La grève peut être interdite par le chef de gouvernement par une décision motivée en cas de catastrophe naturelle, fléau ou crise nationale grave. Ces dispositions ne vont pas passer comme une lettre à la poste. Sans l’accord des syndicats, le projet restera bloqué au Parlement.