Bilan du gouvernement. El Othmani sauvé par la hausse des salaires

Le dernier accord avec les syndicats est une bouée de sauvetage pour le chef de gouvernement affaibli par sa majorité. Déficits dans le secteur de la santé, grève des enseignants contractuels, plafonnement des marges bénéficiaires de pétroliers, secteurs sociaux… les «casse-têtes» du mi-mandat.
C’est ce lundi, devant les deux chambres du Parlement réunies, que Saâd-Eddine El Othmani défendra son bilan de mi-mandat. Contrairement à son précédent grand oral en novembre 2018 sur les chaînes nationales, le chef de gouvernement se trouve ragaillardi par le tout récent accord avec les syndicats. L’augmentation généralisée des salaires sert toujours d’argument pour bétonner son plaidoyer et contrer les critiques qui fusent de partout. Il ne manquera pas de mettre en avant la tendance à la baisse des taux d’imposition relevée durant les dernières Assises de la fiscalité.
La dégaine lente
Mais en matière de gestion de crise, El Othmani s’est avéré plus lent que ses prédécesseurs. Grèves des enseignants contractuels et des étudiants en médecine, chapelet de débrayages dans le secteur de la santé, démissions par centaines des médecins du public… sans oublier le bilan peu convaincant de l’heure d’été. Le gouvernail tremble entre les mains du chef de l’Exécutif. Il doit apporter les bonnes réponses avant la fin de son mandat. Pour fignoler ses réponses, il a présidé, mercredi à Rabat, la 2e réunion de la commission interministérielle de suivi de la mise en oeuvre du programme gouvernemental.
Plafonnement ou coup d’épée dans l’eau ?
Le plafonnement des marges bénéficiaires des sociétés de distribution des hydrocarbures figure parmi les sujets très attendus. Lahcen Daoudi, en charge du dossier, n’a pas été très convaincant en brandissant cette carte face au lobby des pétroliers. En effet, le ministre des Affaires générales et de la gouvernance s’est rétracté après une petite bataille que l’on savait perdue d’avance. Mais ce dénouement n’exempt pas El Othmani d’apporter l’éclairage que l’économie attend autant que les consommateurs de ce produit vital. Aujourd’hui, le Maroc entame un tournant décisif qui le pousse à adopter un nouveau modèle de développement pour maintenir son attractivité économique et répondre aux attentes des citoyens et des contribuables. Toutefois, au lieu que la majorité gouvernementale accorde ses violons pour une réflexion constructive sur le sujet, elle s’empêtre dans des guéguerres à coloration électoraliste. À deux ans et demi des législatives de 2021, les partis qui composent le gouvernement ont les yeux rivés sur cette échéance. En atteste le croisement de fer entre ces derniers autour de l’article 47 de la Constitution, qui stipule que le chef de gouvernement est choisi au sein de la formation qui arrive en tête des législatives.
L’opposition aux abonnés absents
Le plus étonnant, c’est la faiblesse -voire l’absence- de l’opposition dans un contexte qui lui est pourtant propice. Le PAM, comme le Parti de l’Istiqlal, a perdu un temps précieux à faire le ménage au sein de ses instances. Et si le dernier s’est rattrapé depuis l’élection de Nizar Baraka au poste de secrétaire général, le parti du tracteur est toujours pris dans le tourbillon des candidatures pour le même poste en perspective de son 4e congrès national. Les deux partis n’ont, par exemple, pas réussi à travailler de concert pour faire aboutir une motion de censure et faire tomber le gouvernement qui montrait plusieurs signes de faiblesses. En effet, dans les secteurs sociaux (éducation, santé…) qui pompent plus de la moitié du Budget, les réformes peinent à prendre forme. En d’autres termes, les hausses budgétaires sont loin de représenter la solution, en l’absence d’une gouvernance qui instaure réellement le principe de reddition des comptes.
Augmenter les budgets, peine perdue
Il y a aussi cette question des chiffres qui ne reflètent pas toujours la réalité telle que perçue par les Marocains. On aura beau augmenter de 10,5% le budget de la santé (16,3 MMDH en 2019) et injecter 300 MDH supplémentaires au Ramed (1,6 MMDH), le secteur a du plomb dans l’aile. Les CHU souffrent d’un déficit chronique en moyens humains et logistiques et le Ramed montre de sérieux signes d’essouffl ement. L’éducation n’est pas mieux lotie, bien qu’elle accapare 20% du Budget global. Le contraste est criant entre les moyens financiers mis à sa disposition et les résultats récoltés. Toutefois, pour la réforme du secteur à l’horizon 2030, le ministre de l’Éducation nationale a estimé qu’elle nécessitera 10 MMDH supplémentaires chaque année. Pas besoin d’être un expert en équilibre macro pour comprendre qu’il s’agit d’un voeu pieux. En 2018, le budget de l’enseignement a été augmenté de 5 MMDH sans que l’on ne ressente d’impact sur la qualité. Le fameux programme d’urgence 2009-2012, qui a nécessité 43 MMDH, est un vrai fiasco de l’avis même de la Cour des comptes, qui a relevé un taux de paiement de seulement 58%. Dernier impair de ce gouvernement, son incapacité à imaginer une formation professionnelle capable de booster l’attractivité du pays et de créer les passerelles nécessaires à une intégration des élèves à tous les niveaux d’enseignement. Mais tant qu’il n’y a pas de volonté politique claire en matière d’innovation, le Maroc restera à la merci de l’investisseur étranger, étant incapable de libérer une dynamique interne de création de la valeur ajoutée.