L’Espagne va taxer l’énergie marocaine
Le commissaire européen a encouragé le gouvernement espagnol à taxer les importations électriques en provenance du Maroc et a appelé les deux pays à explorer de nouvelles pistes pour promouvoir les énergies propres.
Le verdict est tombé. La commission européenne a donné son feu vert au gouvernement espagnol pour «sanctionner» les importations espagnoles d’électricité marocaine provenant de centrales à charbon. Le journal spécialisé www.elperiodicodelaenergia com a publié la réponse du commissaire européen remise au gouvernement espagnol à propos de cette affaire. Dans une lettre de deux pages mandatées par Miguel Arias Canete, le commissaire européen au climat et à l’énergie, à la ministre espagnole de l’Énergie et de l’environnement, Teresa Ribera, celui-ci autorise l’Exécutif espagnol à imposer une taxe sur les exportations électriques marocaines destinées au marché espagnol. Dans cette missive où le commissaire indique qu’il s’agit d’une réponse à la requête envoyée par la ministre le 19 février 2019, Canete reconnaît que la commission européenne est au fait de ce changement de tendances dans la balance énergétique entre le Maroc et l’Espagne où celle-ci était un «exportateur net». Mais d’emblée, Canete admet que la requête du département ministériel espagnol soulève «une question délicate et importante : la protection de la concurrence et de l’environnement au sein du marché international de l’électricité».
Dans cette optique, le commissaire espagnol ajoute que le système européen d’échange de quotas d’émission mis en place par la CE ne concerne que les pays communautaires, plus l’Islande, la Norvège et le Lichtenstein. Et de facto, il ne peut être appliqué à des pays tiers sauf si un accord préalable existe entre les deux parties, met en garde le haut responsable européen. Un peu plus bas dans la lettre, il ajoute que la mise en place d’une taxe carbone aux frontières «requiert une décision unanime de l’ensemble des États membres», a-t-il précisé.
Cette même condition d’unanimité s’applique aussi sur «une éventuelle révision de la directive portant sur la taxation des énergies permettant une harmonisation entre les objectifs énergétiques et climatiques de l’Union et les objectifs en matière de protection de l’environnement et de la santé», poursuit-il.
Face à ce dilemme, Canete propose en guise de solution provisoire la mise en place d’une «clause passerelle». De quoi s’agit-il exactement ? Il s’agit d’une clause prévue dans le traité sur le fonctionnement de l’UE et qui permet de faire appel à la procédure législative ordinaire quand il est question de dispositions à caractère fiscal dans le domaine de la protection de l’environnement. Le commissaire ne manque pas de «souffler» à la ministre espagnole quelques pistes pour affronter cette question. C’est de la sorte qu’il fait référence, dans son écrit, au mémorandum d’entente signé entre le Maroc et l’Espagne relatif à la construction d’une troisième interconnexion électrique. À ce propos, l’ex-ministre de l’Agriculture et de la pêche a proposé au gouvernement de son pays, sur un ton qui frôle le reproche, la possibilité «d’explorer les systèmes des certificats d’origine avec le Maroc pour promouvoir les énergies renouvelables ». À cet effet, il a rappelé que l’UE et le Maroc partagent l’objectif commun d’une transition énergétique propre et juste. Canete n’a pas manqué de souligner les efforts du Maroc pour réduire les émissions de CO2 et basculer progressivement vers un modèle énergétique plus propre d’ici 2030.
À ce propos, Canete a promis de soulever cette question avec les autorités marocaines lors des rencontres et forums dédiés à la question de la transition énergétique et a cité à ce titre la prochaine rencontre de Marseille, le 24 juin. En tout cas, la lettre du commissaire européen provoque une confusion au sein du club communautaire. Interpellé par le média espagnol, le département de tutelle reconnaît que la lettre n’a pas permis d’éclairer toutes les zones d’ombre. Principalement si la question de la mise en place de certificats verts est du ressort de Bruxelles ou du gouvernement espagnol. Celui-ci attend d’ailleurs un rapport de la Commission des marchés et de la concurrence sur l’impact de cette troisième interconnexion entre le Maroc et l’Espagne et ses répercussions sur les tarifs de l’électricité en Espagne ainsi que sur la concurrence entre les deux pays dans ce secteur.