Absentéisme. Les parlementaires rappelés à l’ordre

Les conseillers ne sont pas parvenus, comme convenu, à faire passer la réforme du règlement intérieur de leur chambre avant la fin de la session automnale. Il reste encore quelques points de discorde à régler. Le plus grand défi est celui de la lutte contre l’absentéisme. Benchamach est pointé du doigt pour son laxisme.
La réforme du règlement intérieur de la chambre des conseillers tarde à voir le bout du tunnel. Pourtant, cela fait plus d’un an que les différentes composantes au sein de la chambre essaient d’aplanir les divergences. Il est grand temps de passer à l’acte car les défis sont de taille pour la chambre haute qui doit rehausser le rendement parlementaire et améliorer son image écornée auprès de l’opinion publique. En tête des points noirs auxquels il faut s’attaquer en urgence figure l’épineuse question de l’absentéisme. Le nouveau règlement intérieur en cours d’examen tend à «la rationalisation des demandes d’absence des travaux des commissions et des séances plénières et la prise des mesures disciplinaires à l’égard des absentéistes», selon une source interne. Mais, au-delà de l’instauration des règles, l’enjeu est de parvenir à les mettre en œuvre. En effet, même le règlement intérieur actuel contient des dispositions sanctionnant l’absence injustifiée des parlementaires sauf qu’elles sont lettres mortes contrairement à la chambre basse qui applique depuis des mois les mesures prévues par la loi à l’égard des absentéistes.
Une poignée de parlementaires mobilisés
Le fléau frappe de plein fouet la chambre des conseillers. Certaines lois de la plus haute importance ont été discutées et votées par une poignée de parlementaires. Le ras-le-bol est à son comble même au niveau interne. «Est-il logique qu’on vote un projet de loi par uniquement 10 voix ? Parfois en commission, quatre parlementaires discutent et votent un texte », s’exclame avec indignation le président du groupe parlementaire de l’Istiqlal Abdesselam Lebbar. Même le projet de loi de finances qui fixe les orientations du pays pendant toute une année n’a été voté en plénière qu’avec 56 % des conseillers. Les exemples illustrant le désengagement des parlementaires de la seconde chambre ne manquent pas. On peut citer, entre autres, le projet de loi sur le service militaire qui, malgré son importance, a été voté par 44 conseillers soit un taux de 36, 6 %. La loi portant sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes, qui a suscité des débats animés et qui a été vertement critiquée par le mouvement féminin qui s’attendait à des amendements de fond au parlement, a été adoptée en commission par cinq conseillers (3 pour et 2 contre) et en plénière par 38 conseillers (31,6 %). Qu’attend Benchamach pour sanctionner les parlementaires absentéistes et limiter le fléau qui ronge l’institution qu’il préside ? Le laxisme dans le traitement de cette question est injustifiable et déteint considérablement sur la crédibilité du parlement. Ce point a été enfin discuté lors de la dernière réunion de la conférence des présidents juste avant la clôture de la session automnale. Et il a été décidé de s’attaquer à ce fléau. La session printanière sera un véritable test pour Benchamach qui est appelé à s’inspirer de Habib El Malki. Le président de la chambre des représentants n’a pas certes réussi à juguler totalement le fléau, mais il est parvenu à limiter son ampleur dans la chambre basse grâce à l’application du règlement intérieur et à l’implication des présidents des groupes parlementaires. Il s’agit désormais d’une urgence d’autant plus que la politique d’incitation n’a pas donné ses fruits. Les conseillers, précisons-le, bénéficient de l’hébergement dans l’hôtel lors des travaux parlementaires ainsi que des cartes de gasoil (allant de 1000 à 3000 dirhams par mois selon la position géographique), des cartes de train ou des billets d’avion «subventionnés» (pour les parlementaires des provinces du Sud). Une grande responsabilité incombe aux présidents des groupes parlementaires pour mobiliser leurs troupes et les inciter à respecter la déontologie. Mais, d’après Lebbar, un président de groupe n’a aucun moyen pour imposer aux parlementaires d’être présents aux travaux du parlement. La balle est dans le camp du président et du bureau de la chambre.
Points de discorde
Outre la question de lutte contre l’absentéisme, d’autres points sont à améliorer dans le règlement intérieur pour dépasser les multiples dysfonctionnements dans l’exercice des missions parlementaires. Mais si certains points réunissent l’unanimité des composantes de la chambre, d’autres risquent de bloquer encore la réforme, à commencer par la répartition du temps de prise de parole. La CDT plaide pour l’annulation de la représentativité proportionnelle dans le calcul du temps de prise de parole accordé aux parlementaires car les syndicats ne peuvent pas avoir plus de 20 sièges au sein de la chambre haute. Le même raisonnement s’applique au groupe de la CGEM. Mais il est peu probable d’adopter cette proposition face à la réticence des groupes parlementaires. Pour certains conseillers, même si ce point est validé au niveau de la chambre, la cour constitutionnelle va certainement rejeter la réforme en raison de l’inconstitutionnalité de cette disposition. Il est à noter que le nombre des amendements proposés par la sous-commission qui a étudié de fond en comble le règlement intérieur de la chambre des conseillers s’élève à 103. Les principales propositions d’amendement portent sur le renforcement du rôle de l’opposition dans les instances de la chambre, la promotion de la représentativité féminine, le respect des principes de pluralisme, de la démocratie participative et de la liberté d’expression. Jusque-là, la commission de la législation s’est arrêtée à l’article 63 du règlement intérieur sur un total de 400 articles. La reprise des discussions n’est prévue qu’en avril. Il s’avère difficile de réunir les parlementaires lors de la période entre les deux sessions pendant laquelle les commissions permanentes doivent poursuivre leurs travaux..
Consensus autour de la parité
L’introduction des mesures de promotion de la parité au sein des instances internes de la chambre des conseillers est l’un des points qui recueillent visiblement le consensus des différentes composantes de la chambre. Il est en effet temps de booster la représentativité féminine qui reste quasi-nulle dans les postes de responsabilité.Aucune femme, rappelons-le, n’est actuellement représentée au bureau de la chambre et aucune non plus n’est à la tête d’une commission permanente. Cette situation n’est pas due uniquement à la faible représentativité féminine à la chambre des conseillers (11,6 %) mais aussi à l’absence d’un mécanisme juridique dans le règlement intérieur garantissant une représentation féminine au sein des instances décisionnelles de la chambre. Il est aussi proposé de créer une commission thématique de la parité à l’instar de ce qui a été fait dans la chambre des représentants.