Maroc

Communication de crise au Maroc, où en est-on ?

Pour faire un diagnostic de la communication de crise au Maroc, «Les Inspirations ÉCO» et Leseco.ma ont invité trois experts. Les moments forts de cet échange.

Le mouvement du boycott, la grève des pilotes de RAM ou récemment l’accident tragique du train ONCF à Bouknadel posent la question de la communication de crise au sein des entités privées et publiques. Pour faire un diagnostic de la communication de crise au Maroc, Les Inspirations ÉCO et Leseco.ma ont invité trois experts du domaine. Il s’agit de Mouna Yaqoubi, experte en communication, Ouadih Madih, secrétair général  de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Maroc et Marouane Harmach, consultant dans la gestion des réseaux sociaux. Ce débat-live a été diffusé sur les réseaux sociaux le 24 octobre dernier. Extraits de moments forts de ces échanges :

Le mouvement du boycott constitue-t-il un moment de rupture en matière de communication de crise ?
Mouna Yaqoubi : Sans avoir eu à partager directement avec les entreprises concernées, il est impossible qu’ils n’aient pas pris conscience de cette rupture. Quand ça fait mal au porte-monnaie, on se pose des questions.

Ouadih Madih : Depuis avril dernier, on sent un intérêt pour le consommateur et ses droits. À titre d’exemple, l’université d’été de la CGEM a pour la première fois invitée une organisation des consommateurs. Dans le cas des trois entreprises boycottées, elles n’ont pas su gérer leur communication de crise. Dans un deuxième temps, une seule entreprise parmi les trois a pu redresser la situation grâce à ses ressources internationales.

L’absence d’une com’ de crise adaptée au Maroc s’expliquerait-elle par des facteurs culturels ?
Mouna Yaqoubi : Je ne partage pas cette lecture. Effectivement, les multinationales ont des process pour déployer une communication de crise. Ceci étant, je ne suis pas sûre que la multinationale avait compris plus vite que les autres qu’il s’agissait d’une crise, d’une grosse crise. Par contre, une multinationale dispose de référentiels et d’expertises plus importants peut-être que les entreprises nationales.

Marouane Harmach : À posteriori, il y a un avant et après boycott. Les chefs d’entreprises ont constaté la force du digital et sa capacité de nuisance et d’action. La piqûre a fait mal. Ceci dit, des actions opérationnelles tardent à se mettre en place mais la prise de conscience est là.

Dans le cas des entreprises qui desservent un service public, comme l’ONCF. Pourquoi leur communication de crise fait-elle défaut ?

Ouadih Madih : L’ONCF ignore complètement le client ou les représentants des consommateurs. En 2015, nous les avons saisi suite à des doléances de consommateurs. Cette demande est restée sans réponse jusqu’à aujourd’hui. Ces comportements ne peuvent améliorer la communication d’un établissement.

Mouna Yaqoubi : Le secteur public est un marché captif. Et quand on est en zone de confort, on ne fait pas beaucoup d’efforts. Le citoyen usager doit être respecté. Il faut qu’on le considère avec empathie et qu’il en ait pour son argent et ses impôts. Les réseaux sociaux expriment le refus de cette «hogra». Parlons du cas de l’ONCF, qui a fait l’actualité malheureusement ces derniers jours. Le passager est «mahgour» (méprisé) profondément. Ce type d’entreprises ne construit pas une relation de sympathie et de lien avec leurs clients. Ce lien permet de traverser les crises et de les canaliser.

Marouane Harmach : Ce qui m’a choqué dans cette affaire, c’est un des communiqués de cette institution qui est venu répondre à de prétendues «Fake News». L’ONCF menaçait de poursuites un média. Je trouve scandaleux qu’on soit dans un drame national avec une réaction populaire extrêmement bienveillante et un esprit de solidarité et de bénévolat des Marocains et pendant ce temps cet établissement menace un journaliste. Ici la communication de l’ONCF était en décalage avec l’ambiance générale dans le pays.

Quelles sont vos recommandations pour améliorer la com’ de crise au Maroc ?
Mouna Yaqoubi : Sortir de la communication qui sert à éteindre un incident. La meilleure communication est celle qui anticipe, qui s’inscrit dans la durée, jour après jour, et même seconde après seconde pour être dans le tempo des réseaux sociaux. Ainsi construire l’image de l’entreprise, son capital sympathie et sa réputation.

Marouane Harmach : Il faut une communication continue et ne pas se limiter à une communication produit. Il faut travailler davantage sur une communication institutionnelle et RSE. Par rapport à la communication de crise avec une vue de la cartographie des risques existants, il est nécessaire que toute entité dispose d’un dispositif de gestion de crise avec les référentiels et les moyens pour les déployer.

Ouadih Madih : L’idéal pour nous est de ne pas avoir à gérer une crise entre consommateurs et entreprises. Pour y arriver, il faut communiquer avec le consommateur en amont et en faire un partenaire. La grande leçon à retenir de ces événements, c’est que nos entreprises nationales doivent écouter davantage les consommateurs. 



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