Maroc

Khadija, une autre victime du circuit législatif ?

La jeune fille a été séquestrée, violée, torturée… pendant deux mois. Alors que le début du procès de ses présumés bourreaux est attendu en septembre, la loi sur la violence à l’égard des femmes tarde encore à venir, et son contenu est loin de faire l’unanimité…

Le cas de la jeune Khadija a choqué l’opinion publique nationale. Séquestrée pendant deux mois, elle a subi viols, tortures et mutilations par une dizaine de bourreaux. Alors que l’affaire est en cours d’instruction, le procès a été annoncé pour le 6 septembre 2018, et connaîtra la mobilisation d’une large frange de la société civile, qui réclame des sanctions exemplaires contre le «gang des barbares». Mais sur quelle base les juges vont-ils se prononcer ? Le code pénal dispose bien entendu d’un arsenal répressif sanctionnant le viol et la séquestration, mais une bonne partie des observateurs regrettent toujours l’absence d’une loi spécifique, qui tarde à venir.

En effet, le 14 février 2018, le parlement marocain a définitivement adopté le projet de loi contre les violences à l’égard des femmes, promis depuis 2006 et en négociation depuis cinq ans. Le texte prévoit «la création de mécanismes institutionnels et intégrés de prise en charge, (…) une meilleure orientation vers les différents services disponibles et l’accès à ces services, avec le souci d’assurer la rapidité et l’efficacité des interventions des différentes parties concernées par son application». Concernant le contenu du texte, celui-ci porte essentiellement sur «la mise en place d’un cadre conceptuel défini et précis pour aider les intervenants à identifier et répertorier les comportements qui entrent dans le cadre des violences faites aux femmes», et sur «la création d’un mécanisme de prise en charge des femmes et enfants victimes de violence, l’instauration de mécanismes de coordination entre les intervenants dans le domaine de la lutte contre la violence à l’égard des femmes, leur protection et la criminalisation de certains actes constituant une violence entraînant un dommage». Mais les défaillances dans le processus d’adoption ont eu des conséquences inévitables sur le contenu de la loi. Le texte ne prend pas en compte les standards internationaux relatifs à la définition des violences à l’égard des femmes et n’est pas conforme aux engagements internationaux pris par le Maroc sur l’égalité de genre. Il se réfère à des concepts conservateurs tels que  l’«atteinte à la pudeur publique» ou à la «morale».

Les organisations de défense des droits de l’Homme faisaient campagne depuis des années pour le retrait de ce projet de loi considéré comme insuffisant, tout en menant parallèlement un plaidoyer pour une véritable loi intégrale conforme aux normes internationales des droits humains en matière de lutte contre la violence basée sur le genre et reflétant les revendications de la société civile en charge de ces questions ainsi que celles émises en 2016 par le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH).

À plusieurs reprises, les organisations de la société civile ont dénoncé les failles du processus de consultation par les autorités, l’absence de prise en compte de leurs préoccupations, le manque d’approche globale dans la stratégie de lutte contre les violences faites aux femmes, et le caractère expéditif de la fin du processus législatif. Les militants associatifs réclament une réforme en profondeur. Il s’agira de qualifier et ériger, d’une manière précise, en infraction pénale les actes intentionnels de violences à l’égard des femmes et filles perpétrés y compris par les conjoints, notamment les actes qui ne sont pas incriminés et/ou clairement qualifiés dans la législation pénale actuelle et redéfinir le viol en tant qu’acte de pénétration sexuelle non consenti, de quelque nature qu’il soit (vaginale, anale ou orale), du corps d’autrui avec toute partie du corps ou avec un objet et prévoir des peines aggravées pour le viol commis sur une personne mineure, incapable, handicapée, sur une personne connue par ses facultés mentales faibles, sur une femme enceinte, ainsi que le viol par le conjoint de la victime. D’un point de vue procédural, la société civile exige de conférer la responsabilité de l’initiation de l’action publique au Ministère public et non obligatoirement à la victime (action publique d’office) et ce, dès le dépôt de la plainte par la plaignante ou, le cas échéant, par la cellule chargée de la prise en charge des victimes, par l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discriminations, par les centres et associations d’écoute et de soutien aux femmes victimes de violence et par les individus. 



Gouvernance des EEP : une réforme en profondeur se prépare


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