Enseignement supérieur : Un traitement de choc annoncé

Amélioration de la gouvernance, promotion de l’enseignement dans les établissements à accès ouvert, qualification et recrutement des ressources humaines…Autant de chantiers ouverts pour réformer l’enseignement supérieur miné par des maux chroniques.
L’enseignement supérieurcompte quelque 895 .715 étudiants (dont 47.890 dans le privé). Plusieurs chantiers sont ouverts par le ministère de tutelle pour mettre fin aux dysfonctionnements qui plombent le secteur. La gouvernance est citée en tête des défis à relever par le ministre de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique Saïd Amzazi. Ce chantier passe, en premier lieu, par le renforcement de l’indépendance des universités à l’instar des modèles internationaux. Le principe de l’indépendance devra être basé sur la contractualisation pour lier la responsabilité à la reddition des comptes. Il faut ainsi institutionnaliser l’auto-évaluation chaque année ainsi que le bilan d’étape tous les deux ans et l’évaluation externe tous les quatre ans. Ces principes devront être inscrits noir sur blanc dans la loi, selon le ministre de tutelle. Sur le plan financier, Amzazi pointe du doigt le système actuel. Il tend à un nouveau modèle qui ne repose pas sur le contrôle préalable. À cet égard, des discussions sont en cours avec le ministère de l’Économie et des finances pour amender le système actuel.
«L’université ne doit plus être un établissement public à caractère administratif. Il faut changer son statut pour qu’elle soit productive», souligne le ministre qui propose plutôt un contrôle d’accompagnement. Même le modèle de gestion doit être révisé. Actuellement, les universités sont administrées par un conseil qui peut parfois atteindre jusqu’à 100 membres. Ce qui complique les prises de décision. Quant au conseil de gestion dont le nombre des membres est limité, il n’a aucun pouvoir décisionnel. À cela s’ajoute une autre aberration : l’absence d’organigramme. Amzazi estime, par ailleurs, nécessaire de revoir le système de nomination des présidents des universités et des établissements en vue de créer une bonne synergie entre les deux entités. Il appelle aussi à permettre aux universités de créer des fondations partenariales pour dépasser bon nombre de contraintes et donner un coup de fouet à l’innovation. «La fondation partenariale va créer les ponts entre l’entreprise et l’université», relève-t-il.
S’agissant des ressources humaines, il s’avère on ne peut plus nécessaire de mettre fin à la problématique du manque d’enseignants qui risque d’être exacerbée par les départs à la retraite et les retraites anticipées. Le dossier de la formation des enseignants et des recrutements est d’autant plus épineux dans les établissements à accès ouverts (les universités) qui accueillent plus de 80% des étudiants. Le taux d’encadrement varie d’un établissement à l’autre. Si dans les établissements à accès limité, on compte en moyenne un enseignant pour 19 étudiants, dans les universités, ce chiffre passe à 40 étudiants (facultés des sciences) voire 200 (facultés de droit). En 2019, les besoins en enseignants seront grands alors que l’expérience démontre que le nombre des postes budgétaires affectés à l’enseignement supérieur est resté très limité au cours des dernières années, ne dépassant pas 700. Le ministre critique vertement le recours aux postes transférés qui consiste à faire appel aux docteurs de l’administration pour l’enseignement dans les universités. Il estime plutôt nécessaire de procéder à la création de nouveaux postes au profit des jeunes docteurs. Le volet quantitatif à lui seul ne sera pas suffisant. La garantie de la qualité ne pourra se faire qu’à travers la professionnalisation des métiers de l’enseignement supérieur. Un programme national de formation des professeurs assistants est en cours d’élaboration. L’habilitation pédagogique et la révision du mode de titularisation sont aussi dans le pipe. S’ajoute à cela l’impératif d’adopter un système de promotion des enseignants chercheurs basé sur le rendement scientifique au lieu de l’ancienneté. Quant à la gestion des ressources humaines, elle devra être cédée progressivement aux universités, d’après Amzazi. Il faut mettre fin à plusieurs freins.
Ainsi, la révision de la loi s’impose pour permettre à la diaspora marocaine établie à l’étranger et aux étrangers d’enseigner dans les universités. Jusque-là, il est impossible d’établir un contrat avec les étrangers. Le ministre de tutelle semble être déterminé à faire sauter ce verrou en adoptant de nouveaux mécanismes. L’enjeu des différentes réformes envisagées est de rehausser la qualité de l’enseignement supérieur notamment dans les universités (surtout les facultés de droit) qui souffrent de la faiblesse de rendement tant interne qu’externe. Parmi les défis de taille se trouve l’amélioration de l’orientation après le baccalauréat. En ce qui concerne les établissements à accès limité, ils accueillent uniquement un taux de 12% des étudiants. Un pourcentage très modique par rapport aux besoins du Maroc en compétences qualifiées dans divers domaines. Cette année, la capacité d’accueil de ces établissements a été augmentée mais il reste encore de gros efforts à déployer.
Recherche scientifique : le Maroc veut briller en Afrique
La restructuration de la recherche scientifique est aussi un pilier important dans la réforme. Saïd Amzazi prône, entre autres, la mise en place du système post-doctorat et la création d’un nouveau type de bourse pour les étudiants chercheurs. La réflexion est en cours pour un nouveau modèle national basé sur le regroupement des laboratoires dans un grand centre en vue de disposer d’une masse critique tant pour les professeurs que les docteurs. Aujourd’hui, malgré son rythme de production scientifique, le Maroc arrive à la 6e place en Afrique, après l’Afrique du Sud, l’Égypte, la Tunisie, le Nigeria et l’Algérie. Selon Amzazi, il faut développer la production scientifique pour atteindre au moins la 3e place ; le rang que le Maroc occupait avant 2005. La dégringolade dans le classement est expliquée selon le ministre par d’une part les départs volontaires de 2005 et d’autre part la réforme doctorale de 1997.