Régularisation des migrants : Les socialistes tiendront-ils leur promesse ?
Le nouveau gouvernement espagnol ravive l’espoir des sans-papiers marocains de décrocher le sésame européen. Toutefois, les chiffres divergent sur le nombre des concitoyens marocains qui se trouvent dans cette situation irrégulière sur le sol espagnol.
L’arrivée des socialistes au pouvoir a mis du baume au cœur des sans-papiers présents en Espagne. Quelques jours après l’investiture du nouveau chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez, des médias, surtout ceux proches de la droite réactionnaire, commencent à parler de la régularisation des immigrés en situation irrégulière. Sur les réseaux sociaux, des vidéos circulent où l’on présente la mesure comme «imminente» alors qu’aucune annonce officielle n’était faite dans ce sens. Ces hypothèses se basent sur une déclaration formulée par Sanchez en juin 2016. Dans un entretien avec la radio SER, le chef de l’Exécutif espagnol alors secrétaire général du PSOE a affirmé, haut et fort, qu’il est partisan d’une régularisation des migrants irréguliers. Actuellement, il y a 773.478 marocains résidant en Espagne. Cependant, le flou entoure le nombre des personnes originaires du royaume se trouvant dans une situation irrégulière. Dans le tumulte de ce débat, l’agence EFE s’est empressée de livrer le nombre des Marocains sans-papiers présents sur le territoire ibérique. Ils seraient environ 250.000 dépourvus d’un titre de séjour et sont, de facto, dans une situation de clandestinité chez nos voisins ibériques.
Des sources diplomatiques marocaines à Madrid consultées par Les Inspirations ÉCO estiment que ce chiffre est démesuré. Un avis partagé par les connaisseurs de ce dossier. Aux yeux de Nessirn El Hachlaf Bensaïd, avocate au barreau de Madrid et spécialiste des affaires portant sur la migration, il est peu probable qu’il y ait autant de Marocains irréguliers en Espagne. «Selon mon expérience auprès de la communauté marocaine et des demandeurs de régularisation, le nombre des sans-papiers marocains est moindre», ajoute-t-elle. «Certes, il y a eu des arrivées massives durant la crise du Rif et les protestations sociales, mais les migrants subsahariens restent toujours en tête des arrivées», ajoute l’avocate d’origine marocaine.
Pour cette militante du PSOE, les dossiers présentés par les Marocains et traités en ce moment auprès du département espagnol sont essentiellement relatifs à un renouvellement du titre de séjour, une demande de nationalité et très peu à la régularisation de la situation d’un migrant. Pour l’auteur de l’article de l’agence EFE, ce chiffre élevé serait l’une des conséquences de la crise économique mais aussi le résultat de la montée en puissance des arrivées des Marocains à bord des pateras en 2016.
D’autres observateurs consultés par Les Inspirations ÉCO ne remettent pas en doute ce numéro, voire croient même qu’il peut être plus important. Leur argument ? La crise économique a frappé durement le collectif marocain, peu qualifié et se dédiant aux métiers les plus touchés par la récession, la construction et les services en l’occurrence car pour renouveler son titre de séjour, un contrat de travail est primordial pour les détenteurs d’un titre de séjour d’une durée de moins de 5 ans. Dans le cas contraire, le résident étranger tombe dans la clandestinité. Fausse rumeur ou pas, cette nouvelle a fait naître de l’espoir auprès des Marocains ayant perdu leur statut de résident légal. C’est le cas par exemple d’Amine M, 38 ans. Ayant débarqué en Espagne pour effectuer des études, il est aujourd’hui «migrant clandestin» à cause d’un mauvais concours de circonstances. Cela fait 9 ans qu’il n’a pas frôlé le sol marocain. Amine voit dans l’arrivée de Sanchez à la tête de l’Exécutif espagnol, sa planche de salut pour régulariser sa situation. «Je suis arrivé en Espagne pour poursuivre mes études mais ayant échoué à décrocher mon diplôme et n’arrivant pas à avoir un travail stable, je me suis converti en un sans-papiers. Je ne pouvais pas jeter l’éponge et rentrer bredouille, expulsé en sus. Avec ce nouveau gouvernement, je crois que mon cas sera résolu prochainement», déclare-t-il, confiant.
Cependant, Me Bensaïd croit savoir qu’il est peu probable qu’il y ait une vague de régularisation comme celle déclenchée par l’ex-président socialiste José Luis Zapatero et qui a permis à des milliers de Marocains de sortir de la clandestinité. «Je pense que l’accent sera mis sur les dossiers en relation avec les demandes d’asile», affirme cette proche du parti socialiste espagnol. Régularisation massive ou pas, pour Hassan Belarbi, professeur universitaire à Almeria et militant du PSOE, l’arrivée de ce parti est porteuse de bonnes nouvelles pour les Marocains résidents en Espagne. «La situation sociale s’améliore toujours avec un gouvernement socialiste aux commandes», conclut-il.
Aquarius : les craintes de Mélilia et Sebta
La décision du chef du gouvernement espagnol d’accueillir le bateau humanitaire Aquarius, transportant environ 629 migrants n’était pas du goût de tout le monde en Espagne. Une décision jugée «inconsciente» par les enclaves de Mélilia et Sebta. Les autorités des présides craignent que cette annonce ne motive les candidats à l’immigration régulière à prendre d’assaut les deux enclaves. Un constat partagé par le Parti populaire qui a alerté sur les dangers d’une telle position.