Open sky africain : Pourquoi le Maroc tarde à y adhérer ?
Le Maroc ne fait toujours pas partie du Marché unique du transport aérien en Afrique (MUTAA) près de cinq mois après son lancement. Pour la compagnie nationale, cet open sky est une aubaine mais aussi une vraie source de concurrence. Décryptage d’un dilemme.
Prudence ou désintérêt ? Le Maroc tarde toujours à rejoindre le Marché unique du transport aérien en Afrique (MUTAA), près de cinq mois après son lancement. Et pourtant, le royaume, dont la compagnie nationale, Royal Air Maroc (RAM) est l’un des acteurs majeurs du ciel africain, a tout intérêt à rejoindre la vingtaine de pays qui ont dit «oui» à l’open sky continental. En tout cas, ces derniers viennent de se réunir à Lomé afin de dégager la piste pour un décollage réussi du MUTAA. Au terme de sa rencontre dans la capitale togolaise, le 28 mai dernier, le groupe de travail ministériel des pays signataires s’est s’engagé «à mettre en œuvre intégralement la décision de création du marché unique de transport aérien en Afrique» en harmonisant «tous les accords bilatéraux des services aériens pour assurer la levée de toutes les restrictions qui ne permettent pas de se conformer à la décision de Yamoussoukro». Cette décision de Yamoussoukro adoptée le 14 novembre 1999 ouvre la voie à la 5e liberté au profit des compagnies aériennes africaines. Autrement dit, ces transporteurs peuvent desservir des destinations africaines à partir d’aéroports autres que leurs hubs.
Du pain béni pour RAM
Du côté des officiels du royaume, aucun intérêt pour le MUTAA n’est détectable à ce jour. S’agirait-il d’une manière de bien cerner les contours de ce nouveau marché avant de se jeter à l’eau sachant que ce projet était bien avancé avant le retour du Maroc au sein de l’instance panafricaine ? Une chose est sûre, chez les pays africains disposant de grandes compagnies, on presse le pas pour la concrétisation effective du MUTAA. C’est notamment le cas de l’Éthiopie, de l’Égypte ou encore de l’Afrique du Sud qui y voit une véritable aubaine pour perpétuer leur domination sur le ciel africain. Pour RAM, dont le tiers des activités est porté par l’Afrique, l’open sky africain serait également du pain béni. La compagnie nationale qui dessert déjà une trentaine de destinations africaines pourrait considérablement améliorer ses performances grâce aux extensions offertes par la 5e liberté. À coup sûr, elle y gagnera pour beaucoup en termes de hausse de trafic et de nombre de passagers transportés sur l’Afrique. Cela d’autant plus que RAM fait partie des rares compagnies aériennes africaines à disposer d’une flotte (une cinquantaine d’avions) assez importante pour se déployer partout sur le continent.
Concurrence
Toutefois, il faut aussi souligner que si le Maroc rejoint le MUTAA, l’ensemble des compagnies des pays signataires auront droit d’atterrir sur les aéroports du royaume, ce qui constituera une concurrence redoutable à même de grignoter des parts de marché à RAM, sachant qu’elle opère actuellement sans concurrent sur l’écrasante majorité de ses lignes africaines. D’où le dilemme qui pousse encore à bien étudier les conséquences éventuelles d’une entrée dans le MUTAA.
MUTAA : trois nouvelles arrivées
Trois nouveaux pays ont rejoint le Marché unique du transport aérien en Afrique. Il s’agit de la Gambie, de la Centrafrique et du Tchad, portant ainsi à 26 le nombre d’États ayant adhéré à l’open sky africain. Lors de la rencontre de Lomé, un appel a été lancé «à tous les autres pays africains qui n’ont pas encore souscrit à l’engagement solennel et sont encouragés à le faire». Présent à Lomé lors de ces travaux, au côté du chef de l’État togolais, Faure Gnassingbé, le président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a insisté sur la nécessité d’atteindre une taille critique de pays signataire du MUTAA. Selon l’UA, ce marché aérien africain permettra d’améliorer les niveaux du service aérien, de renforcer la concurrence entre les itinéraires afin de rendre les tarifs plus compétitifs. L’objectif est également de stimuler le volume des trafics supplémentaires, favoriser le commerce intra-africain et les investissements. Côté emploi, le MUTAA devrait permettre de créer 300.000 emplois directs et 2 millions indirects, selon la Commission de l’UA.