Énergies renouvelables : Le Maroc est désormais compétitif
L’annonce a été faite par Mustapha Bakkoury, le président de Masen, lors de la 3e édition du salon Photovoltaïca. Pour la première fois, le Maroc va construire une centrale photovoltaïque à un coût défiant toute concurrence. Noor IV a été négocié par Masen à un coût de 0,44 DH le kilowattheure, contre 1,35 DH pour Noor II, soit une baisse de plus de 67% en l’espace de moins d’une année.
«Je me suis gardé jusque-là à le dire. Mais aujourd’hui grâce aux éléments dont je dispose je peux l’affirmer : le Maroc est désormais compétitif dans le solaire». Cette déclaration a été faite par Mustapha Bakkoury, le président de l’Agence marocaine de l’énergie durable (Masen), lors de la cérémonie d’ouverture de la 3e édition du salon Photovoltaïca, tenue la semaine dernière à Marrakech. Lâchée comme ça devant un parterre de professionnels venus des quatre coins du monde pour participer à la grand-messe du PV, cette annonce en dit long sur la fierté de son auteur qui s’est vu confier cette mission il y a huit ans par la plus haute autorité de l’État marocain. En effet, pour la première fois, le Maroc va construire une centrale photovoltaïque à un coût défiant toute concurrence. Noor IV, qui entrera en service en mai-juin prochains, a été négocié par Masen à un coût de 0,44 DH le kilowattheure, contre 1,35 DH pour Noor II, soit une baisse de plus de 67% en l’espace de moins d’une année. Comment est-ce possible ? C’est parce que deux facteurs se sont combinés.
Conjoncture favorable
Le premier, intervenu au niveau externe, est lié à la conjoncture internationale qui est marquée depuis 2010 par une baisse continue des coûts de production des énergies renouvelables. Dans son rapport sur le coût des renouvelables en 2017, publié en fin janvier dernier, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena), qui compte plus de 145 États membres, explique que la baisse «rapide» des coûts de production des énergies renouvelables, entre 2010 et 2017, est liée à plusieurs facteurs. Parmi ces derniers, il y a notamment : des «procédés de fabrication améliorés» ; des innovations technologiques continues ; des chaînes d’approvisionnement de plus en plus compétitives ; une concurrence accrue entre les fournisseurs de produits et des développeurs de projets internationaux de plus en plus expérimentés. L’Irena évoque aussi l’existence d’un cadre réglementaire et institutionnel favorable, une forte ingénierie locale, des régimes fiscaux incitatifs, des coûts faibles de développement de projet et d’excellentes ressources. Autant de facteurs qui ont permis de réduire le «coût actualisé de l’énergie» (Levelised cost of electricity, LCOE) des projets d’énergies renouvelables menés à travers le monde.
15.000 projets analysés par l’Irena
En janvier dernier, l’Irena a également publié son rapport sur les coûts de production des énergies renouvelables (Renewable Power Generation Costs in 2017), afin de sensibiliser sur le «vrai coût des énergies renouvelables». Les données présentées dans le rapport sont tirées de la base de données des coûts des renouvelables de l’Irena (Irena Renewable Cost Database) qui contient des détails sur près de 15.000 projets de production d’électricité à travers le monde. La base de données prend en compte de grands projets hydroélectriques tout comme des systèmes solaires domestiques sur les toits des maisons dans le secteur résidentiel et de plus grands systèmes sur les toits dans le secteur commercial (en dessous de 1 MW) ; avec une agrégation de résultats provenant de plus d’un million de systèmes installés au sein des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les chiffres proviennent également de la base de données des enchères de l’Irena (Irena Auctions Database). Selon l’institution intergouvernementale, cette base de données contient un total de 293 GW de projets recensés à travers le monde. Il est à noter que 92 GW (soit 32% du total) sont localisés au Brésil ; 78 GW aux États-Unis (26% du total) ; 48 GW en Inde (16%) ; 10 GW au Chili (3%) ; 6,5 GW en Argentine et en Afrique du Sud (2% chacun) ; 5,5 GW au Royaume-Uni (2%) ; environ 5 GW en Chine et en Allemagne (2% chacun). En termes de technologies, l’Irena précise que les éoliennes terrestres constituent le plus grand contributeur avec des données sur des projets totalisant 114 GW (39%) par jour. Le solaire photovoltaïque constitue le second plus grand contributeur avec 85 GW (29%) ; suivi de l’hydroélectricité avec 44 GW (15%) ; la biomasse et les éoliennes en mer avec 9 GW chacun (3%) ; les centrales solaires thermodynamiques à concentration (CSP) avec 4 GW et la géothermie avec 0,1 GW.
Un modèle marocain unique en son genre
Au niveau interne, l’autre facteur qui a fortement contribué à la compétitivité du Maroc dans les énergies renouvelables est lié à la singularité du modèle marocain et à l’expertise développée, depuis, par Masen. En effet, cela fait 8 ans que les contours de la stratégie nationale du renouvelable ont été dessinés dans le cadre d’une vision basée sur le triptyque : contrainte, volonté, opportunités. Le Maroc a compris qu’il lui faut sortir de sa situation de «grande dépendance» vis-à-vis des énergies fossiles en diminuant progressivement ses importations qui pèsent lourdement sur son budget. Pour se faire, il lui fallait d’abord bien connaître sa situation de dépendance énergétique, s’inspirer de son existant et éviter à tout prix la logique de la subvention. C’est ainsi que les promoteurs de la stratégie ont compris que 5% de croissance économique génèrent un besoin d’électrification supplémentaire de 6 à 7%, ce qui veut dire qu’il faut doubler la capacité installée chaque dix ans. Ensuite, en s’inspirant de la série de stratégies sectorielles, lancées à partir de 2008 pour créer des leviers de croissance économique, la dimension intégration/compensation a été introduite dans la stratégie basée sur la vérité des prix, loin de toute subvention. Ensuite, il a suffi qu’il y ait l’implication de la plus haute autorité de l’État, qui a vigoureusement indiqué la voie, pour que la stratégie de production d’énergies renouvelables soit mise en place. Pour rappel, celle-ci consiste à porter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national à 42% à l’horizon 2020 puis à 52% à l’horizon 2030. Le solaire, l’éolien et l’hydraulique devront globalement produire 6.000 MW à l’horizon 2020, avec une contribution respective de 2.000 MW chacun. Elle est très bien engagée et selon les premières prévisions, «la production prévue à fin 2020 sera dépassée».
Des champions pour éclairer l’Afrique
L’autre ingrédient qui a conduit à la compétitivité du Maroc dans les ENR, c’est l’expertise acquise au fil du temps par l’équipe de Masen. En effet, depuis Noor I, l’équipe de l’Agence de l’énergie durable a beaucoup évolué et mûri. Selon Mustapha Bakkoury, le patron de l’agence qui a reçu dernièrement la presse, «nous avons compris très tôt qu’il faut faire du solaire pour répondre à des besoins concrets du pays. Aussi, nous développons nos projets avec un esprit de veille permanente sur les best practices et les meilleurs rapports qualité/coût et nous les implantons là où les ressources sont les plus abondantes et là où ils ont un impact réel sur les territoires». «Notre souci est de réussir une phase de transition de ce qui se fera après. Pour cela nous devons aller au-delà de l’objectif de produire de l’électricité en créant des écosystèmes pour dynamiser l’économie marocaine», explique Bakkoury dont l’ambition est de créer des champions nationaux dans les ENR. Des champions capables de s’engager dans les batailles commerciales pour éclairer l’Afrique où près de 650 millions de personnes vivent encore sans électricité.