Les élus se penchent sur le droit de pétition
Un atelier d’échanges a permis de mettre sur la table plusieurs sujets à élucider. Comment reconnaître qu’une pétition n’est pas à caractère politique ? Un guide de procédure laisse-t-il une marge de manœuvre pour les conseils élus ? Comment savoir si l’activité d’une association est en harmonie avec la pétition qu’elle soumet ?…Les questions sont nombreuses.
Après l’expérience pilote en matière de droit de pétition initiée en début de l’année 2017 dans six communes (Fès, Tétouan, Témara, Safi, Drarga/Agadir et Marrakech-Safi), Counterpart International, avec l’appui de l’USAID, a jeté l’ancre hier à Kénitra. Cette étape qui rentre dans le cadre du programme de renforcement de la société civile (CSSP) vise l’accompagnement des collectivités territoriales pour tout ce qui a trait à la réception et au traitement des pétitions émanant des citoyens et/ou de la société civile. À la préfecture de Kénitra, plusieurs responsables communaux et représentants de la direction générale des collectivités locales ainsi que des experts, ont répondu présent à cet atelier d’information et de sensibilisation à l’un des moyens de mise en œuvre de la démocratie participative.
En effet, grâce à la pétition, les citoyens et associations peuvent agir directement sur l’ordre du jour des sessions ordinaires des collectivités territoriales en proposant des pistes de réformes. Ils se trouvent ainsi au cœur de la gestion de la chose locale. L’objectif in fine est de sortir avec un guide des procédures approuvé par tous, tout en laissant une marge de manœuvre pour les conseils élus en matière d’approbation et de traitement des pétitions. Durant cette journée, donc, les interrogations des élus ont permis de mettre la lumière sur les difficultés que cet exercice démocratique est susceptible de rencontrer.
Depuis sa publication au B.O en août 2016, la loi organique sur les pétitions comme d’ailleurs celle sur les motions, fait l’objet d’un intérêt particulier de la part des élus et des ONG. Par ailleurs, les dispositions relatives à l’exercice du droit de présenter des pétitions telles que prévues par les lois organiques relatives aux collectivités territoriales et par le décret pris pour leur application, met l’accent sur l’importance de faciliter cet exercice participatif. Toutefois, comme relaté par les participants à l’atelier de Kénitra, certaines zones d’ombre méritent d’être dégagées. À titre d’exemple, si parmi les critères pour déposer une pétition aux conseils des provinces et préfectures, une association doit avoir plus de 100 inscrits, ce nombre n’est pas indiqué pour les conseils communaux. Ce qui laisse un vide quant à l’appréciation de la taille à partir de laquelle une ONG peut saisir une commune. Doit-on laisser cet aspect à l’appréciation du conseil communal ou se rattraper par le biais d’un guide ? Le débat n’est pas encore clos à ce niveau.
Dans son intervention, Abdellah Harsi, expert en gouvernance territoriale et démocratie participative, a expliqué que c’est le rôle de ce genre d’atelier que d’enrichir les guides de procédures dédiés aux élus. D’autres guides devront aussi être mis à la disposition des associations. Plusieurs questions ont porté également sur le risque de politisation des pétitions par des associations qui ont un agenda plus politique que civil. L’on remarque à ce propos une réelle préoccupation des conseils élus quant à l’impact négatif que certaines pétitions dévoyées peuvent avoir sur le cours normal de gestion de la chose publique. Toutefois, comme l’a souligné Harsi, la loi n’est pas en mesure de réguler les intentions humaines dans ce sens. Il y a aussi un réel souci quant à la manière de déterminer si l’activité d’une association est effectivement en relation avec le sujet de la pétition. Car, il y a des associations avec un statut qui ratisse un large spectre d’activités et qui peuvent en profiter pour formuler des pétitions à tout-va. Cela nécessite que le conseil communal ou provincial dispose d’une structure dédiée et dûment formée pour recevoir et traiter les pétitions. Loin de toute considération politique, les associations ou les groupes de citoyens peuvent soumettre des pétitions qui répondent à des attentes réelles. Citons, parmi les exemples rencontrés, une pétition portant sur l’urgence d’aménagement d’un espace vert délaissé, une autre sur les accessibilités des personnes à mobilité réduite, une troisième sur une décharge sauvage qui s’est avérée polluante pour la nappe phréatique. C’est ce genre d’initiatives, portées par ce droit de pétition reconnu par la Constitution et les lois organiques, qui donne du sens au travail de proximité et à la démocratie participative.
Renforcer les capacités d’organisation
Le programme de renforcement de la société civile (CSSP- Maroc) vise à renforcer les capacités des organisations de la société civile au Maroc afin qu’elles participent à l’élaboration et au suivi de mise en œuvre des politiques publiques tant au niveau national qu’aux niveaux régional et communal. En tant que plateforme de dialogue et d’échange, le programme encourage, également, une plus grande collaboration entre les organisations de la société civile et les différents acteurs gouvernementaux et institutions publiques. CSSP-Maroc, mis en œuvre par Counterpart International, en collaboration avec International Center for Not-for-Profit Law (ICNL) et financé par l’USAID sur 4 années (2015-2018), soutient les organisations de la société civile, en vue de développer leurs capacités organisationnelles et techniques et assurer leur viabilité. Ce programme s’inscrit dans le cadre de l’accord-programme signé entre le gouvernement marocain et l’USAID en 2014.