Le Parlement veut redorer son blason
Depuis la promulgation de la Constitution de 2011, le Parlement peine visiblement à assurer pleinement toutes ses prérogatives qui ont été renforcées et diversifiées. Pour pouvoir surmonter certains obstacles, un projet de jumelage avec l’Assemblée nationale française a permis de renforcer les attributions de la chambre basse.
Comment rendre le Parlement proche des citoyens et répondre aux défis de la confiance, de la crédibilité et de la légitimité? Une question à laquelle tente de répondre la Chambre des représentants en œuvrant au renforcement de ses capacités grâce à l’appui de quelques partenaires. C’est dans ce cadre que s’inscrit le jumelage institutionnel, d’une durée de deux ans (2016/2018), entre la chambre basse marocaine et l’Assemblée nationale française, avec l’assistance de la Chambre des communes britannique et le soutien du Bundestag allemand, la Chambre des représentants belge et le Parlement hellénique. Un partenariat de la plus haute importance, visant à permettre à la Chambre des représentants d’assurer pleinement ses prérogatives, d’autant plus qu’elles ont été renforcées et diversifiées depuis la promulgation de la loi fondamentale en 2011.
La Constitution, rappelons-le, a élargi le domaine de la loi et rehaussé le rôle des parlementaires. Même la mission de contrôle s’est renforcée à travers nombre de nouveaux mécanismes. Il s’avère ainsi fondamental de donner un coup de fouet à l’action de l’institution législative dont l’image, qu’elle entend améliorer, est écornée depuis de longues années auprès de l’opinion publique. Le changement souhaité est tributaire de bon nombre de préalables dont la promotion de l’action parlementaire ainsi que le renforcement institutionnel et celui des capacités de la chambre des députés. Ce sont, d’ailleurs, les objectifs que s’assigne le projet de jumelage institutionnel avec l’Assemblée nationale, dont le bilan a été présenté hier, en présence du président de cette institution, François de Rugy, ainsi que l’ambassadrice en chef de la délégation de l’Union européenne au Maroc, Claudia Wiedey. Impliquant quelque 50 experts internationaux, ce partenariat est jugé exemplaire par les différentes parties. Le président de la Chambre des représentants, Habib El Malki, jubile et veut même partager l’expérience acquise avec les parlements des pays africains.
Durant des mois, l’échange des expériences a permis d’œuvrer à l’amélioration de la qualité rédactionnelle de la loi à travers l’analyse des techniques comparées de rédaction des textes et de mise au point d’un guide pratique de rédaction législative complétant les outils mis en place dans ce domaine. L’accent a été mis sur l’examen parlementaire des lois de Finances en élaborant, pour la première fois, un guide dédié à cette question. En ce qui concerne le contrôle de l’action gouvernementale, un guide pratique sur les méthodes de travail des commissions d’enquête parlementaire et d’information a été élaboré et publié. S’agissant du nouveau volet de l’évaluation des politiques publiques, la chambre basse, rappelons-le, a publié un référentiel. Les premières actions ont déjà été effectuées: évaluation du programme d’électrification rurale et du programme d’approvisionnement groupé en eau potable des populations rurales. Mais il faut dire qu’en dépit des efforts, les parlementaires pointent encore du doigt quelques lacunes qui les empêchent de mener leurs missions comme il se doit.
Par ailleurs, la promotion de l’action parlementaire passe aussi par le renforcement des capacités de l’administration parlementaire. À cet égard, un avant-projet d’arrêté portant organisation et fonctionnement budgétaire et financier de la chambre a été élaboré en vue de clarifier les dispositions applicables aux marchés publics du royaume ainsi que les compétences en matière de gestion budgétaire et décrire les procédures. Sur le plan des ressources humaines, un référentiel des métiers et des compétences a été édité en vue d’identifier les emplois et les compétences nécessaires pour permettre à la Chambre des députés de jouer pleinement ses différentes missions, ce qui va permettre de cibler les recrutements et d’adapter la politique de formation.
À ce titre, il faut dire que les besoins sont énormes, surtout en ce qui concerne l’assistance technique aux parlementaires, ces derniers se plaignant toujours de son manque criant dans le domaine. Alors que sous d’autres cieux, les parlementaires peuvent compter sur l’appui technique des experts mis à leur disposition, les députés au Maroc se sentent désarmés car livrés à eux-mêmes en exerçant leur mission de législation qui nécessite des compétences spécifiques et diversifiées. Il est on ne peut plus difficile de passer au crible les projets de loi, d’éditer des propositions de loi ou de décortiquer les grands dossiers d’ordre technique sans l’appui des experts. Les groupes parlementaires recourent à l’expertise des militants de leurs partis politiques pour pouvoir accomplir leur mission de contrôle et de législation, alors que l’espoir est de pouvoir disposer de spécialistes dédiés à l’action parlementaire. Ce vœu formulé au fil des législatures demeure pieux. Le budget des deux chambres du Parlement ne permettrait pas de recruter des experts de qualité. L’initiative, prise par le bureau de la Chambre des conseillers, de recruter des doctorants est pointée du doigt car nombreux sont les parlementaires qui estiment que les profils choisis ne permettent pas d’atteindre les objectifs escomptés. L’ouverture du Parlement sur l’université pourrait être une solution concrète pour résoudre la problématique du manque d’expertise, surtout en ce qui concerne l’évaluation des politiques et des finances publiques.