Culture

Hassan Laârouss ressuscite la médina

L’auteur a présenté, jeudi dernier, son livre «L’Ancienne médina de Casablanca, mémoire et patrimoine». Publié par la Fondation de la Mosquée Hassan II, en partenariat avec l’Association Casablanca Carrières Centrale, cet ouvrage explore des pages de l’histoire de cette médina, de ces hommes et de ces monuments.

Au milieu du bloc de béton grisâtre qu’est la métropole casablancaise, et de ses boulevards congestionnés, l’ancienne médina, quoique délaissée et négligée, cache dans le dédale de ses ruelles une âme que seule une poignée de Casablancais s’efforce de redécouvrir. Cette démarche, vouée à l’échec sans une replongée dans l’histoire de la ville, est ce qui a motivé l’écrivain, Hassan Laârouss qui, jeudi 14 décembre, a présenté à la médiathèque de la Mosquée Hassan II son livre «L’Ancienne médina de Casablanca, mémoire et patrimoine». La mission qu’il s’est fixée ? Redonner à la médina son lustre d’antan. Celui, entre autres, d’une «convivencia» perdue après l’exil de ses habitants, qui vers l’extérieur des remparts, qui, comme les Marocains de confession juive et les Espagnols, loin du Maroc. Celui, aussi, d’un passé teint de patriotisme et de lutte acharnée pour l’indépendance du pays.

Mémoire vivante
Il est difficile de rendre compte, à chaud, de ce livre qui vient d’être publié par la Fondation de la Mosquée Hassan II, en partenariat avec l’Association Casablanca Carrières Centrales. Il est aussi risqué d’en cerner la portée en quelques paragraphes, tellement il regorge d’informations sur cette zone de la ville au passé si riche. En tout cas, l’auteur adopte une approche simple mais efficace. Laârouss choisit en effet de recenser les quartiers de l’ancienne ville, ses portes, celles détruites et celles qui existent toujours, ses lieux de prières, ses mausolées, ses jardins et ses places publiques, ses cimetières, ses cinémas et, même, ses anciennes maisons closes. C’est ainsi qu’on découvre des noms des portes comme Bab El Guebbasse et Bab Kouz, toujours debout mais anonymes pour la plupart des Casablancais. C’est ainsi, aussi, que les six plus grandes mosquées de la médina (Jamaâ Chlouh, Jamaâ Essouk, Jamaâ Elkebir, etc,) sont mises en exergue. Si ces mosquées sont toujours fréquentées, à l’image de Jamaâ Ould Elhamra, qui a été rénovée dans le cadre du projet de réhabilitation de la médina, de certains monuments ne subsiste que le nom. C’est le cas notamment de plusieurs fontaines de la ville, dont une source (âouina) qui était située à proximité de Bab Jdid, une des nombreuses portes de la ville. De ce monument, il ne reste que le mur sur lequel elle reposait jadis, une perte documentée par l’auteur grâce à deux photographies, une ancienne de la source, et une autre récente du mur en question.

Les cinémas et les maisons closes, ou du moins leur mémoire, témoignent de la période coloniale qui a bouleversé les mœurs à Casablanca pendant l’occupation française. Une image du cinéma Médina montre ce qui reste de ce lieu qui n’existe que dans les souvenirs des anciens. Sur une autre photographie, on peut voir la façade incolore du cinéma Imperial qui a fermé ses portes aux années soixante-dix.

Figures de proue
Au début du livre une image attire l’attention. Elle montre les résistants Ahmed Rachidi, sans bandeau sur les yeux, et Moulay Taher sur le peloton d’exécution, avant leur fin inéluctable. L’histoire de ces deux combattants de liberté, que Hassan Laârouss choisit d’explorer est représentative d’une «élite» composée essentiellement d’anciens habitants de la médina, ayant sacrifié leur vie pour l’amour de la patrie. Quand l’auteur choisit de rendre ainsi hommage aux Bidaouis, il n’omet pas de faire le tour de tous les domaines de la vie. Musiciens connus, comme le Maréchal Kibo, Ahmed Elbidaoui, son homonyme Bouchaib; sportifs, à l’image de la perle noire, Larbi Ben Mbarek, les boxeurs Marcel Cerdan et Bouhboute ou figures de proue de la ville, comme le fondateur du WAC, Mohamed Benjelloun, tout le monde y est. Même le premier moniteur de conduite casablancais, Mustapha Rais n’est pas oublié. Hassan Laârouss se veut exhaustif.

Chants, traditions et mémoire
Le chant et la mémoire des peuples. Dans un chapitre du livre, consacré aux chants des anciens, l’auteur évoque des chansons qui soulignent des faits marquants de l’histoire de Casablanca. Parmi ceux-ci, le bombardement de la médina par les avions américains en 1942 a été immortalisé par un hymne populaire mélangeant langue française et arabe dialectal. Ce chant a vu le jour de manière spontanée après le débarquement des forces armées américaines (Opération Torch), un événement qui a inspiré un des chants les plus connus de Houcine Slaoui. Même le fameux chant populaire (Achta ta tata), que les enfants chantaient et chantent toujours à l’avènement de la saison pluviale, n’échappe pas à la nomenclature de l’auteur. Un moyen, semble-t-il, de lier passé et présent. La quintessence même de tout le livre.



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