Régionalisation : Les finances et les ressources humaines en question
L’État allouera 7 MMDH aux régions pour l’année 2018, contre 5,7 milliards en 2017. Après la finalisation de l’arsenal juridique, la réforme de la fiscalité locale jouera un rôle clé dans le partage des pouvoir entre l’État centralisateur et ses démembrements. L’Exécutif veut accélérer le processus de déconcentration.
Interpellé successivement par les équipes parlementaires de la majorité, du Parti authenticité et modernité (PAM) et de l’Istiqlal sur les avancées de la politique de la régionalisation avancée, le chef de gouvernement a tenu lors de la séance mensuelle réservée à la politique du gouvernement, à la Chambre des représentants du lundi 30 octobre à faire le point sur les différents chantiers. «Au niveau du cadre réglementaire, l’Exécutif travaille à accélérer les procédures d’entrée en vigueur des différents textes», explique El Othmani. En effet, 62 décrets d’application des lois organiques ont été adoptés, 11 étant en cours de préparation dont 7 liés au patrimoine des Conseils préfectoraux. Au-delà des textes réglementaires, deux projets de lois – un premier régissant le patrimoine immobilier des collectivités territoriales et un second réformant le Code des taxes locales – sont en cours de préparation mais l’état de transition des ressources humaines ainsi que les ressources humaines demeurent les principales préoccupations actuellement. Le fait de doter les collectivités territoriales de nouvelles prérogatives ne saurait être une démarche suffisante pour améliorer la gestion locale. L’Exécutif prévoit ainsi de faciliter la mobilité du personnel commun, le détachement des fonctionnaires auprès des différentes collectivités territoriales pour une durée de 3 ans renouvelables, en plus de donner la possibilité aux présidents des conseils de recruter des contractuels.
Augmenter les recettes des taxes locales
Les projections financières ont été programmées dans les limites de la fin du mandat des conseils actuels, tout en respectant le plafond de 10 MMDH par an à transférer aux collectivités d’ici 2021. Dans ce contexte, le gouvernement a augmenté les allocations aux régions en augmentant la part des recettes de l’impôt sur les sociétés à 4% au lieu de 3% en 2017 et la même part du produit de l’impôt sur le revenu conformément aux dispositions de la loi 111.14 relative aux régions. Ainsi, les ressources allouées à celles-ci sont passées de 4 MDH en 2016 à 5,7 MMDH en 2017 pour atteindre 7 MMDH en 2018. Dans le volet du financement, la réforme de la fiscalité des collectivités locales demeure le gros chantier. En effet, la fiscalité jouera un rôle central dans le partage des pouvoirs entre l’État centralisateur et ses démembrements. Ainsi une région peut être dépendante ou pseudo-indépendante par rapport au pouvoir central et c’est le ratio de ses propres recettes par rapport à son budget global qui pourrait donner une idée sur le lien de dépendance. Elle permet de procurer aux régions des ressources financières nécessaires au bon fonctionnement et à l’achèvement de leurs projets. Néanmoins, un parallélisme entre contribution et rétribution devrait être observé pour que les recettes escomptées aient comme contrepartie une implication des instances régionales dans le fonctionnement des ports. Le cas de la taxe sur les services portuaires, perçue par les régions, est ainsi symptomatique. «À travers l’examen du mode de gouvernance actuellement en vigueur dans les ports marocains, on peut conclure que la région est quasi-absente», indique Hassan Bassidi, professeur à l’Université Mohammed V de Rabat. Par ailleurs, dans le projet de régionalisation avancée, les régions sont appelées à jouer un rôle catalyseur dans le développement des activités économiques et sociales. Elles sont invitées à se procurer et développer les ressources nécessaires à l’accomplissement des missions qui leurs sont confiées. C’est dans cette logique que la taxe sur les services portuaires au profit de la région devrait être perçue comme un produit à développer et non pas une recette à recouvrer. Ce changement de perception impliquerait un effort commercial à déployer par la région pour drainer davantage de trafics portuaires et développer les activités commerciales des ports qui en dépendent.
Après les instances élues, les instances nommées…
L’élargissement du champ des pouvoirs conférés aux régions ainsi que les ressources financières humaines mises à leurs dispositions interpellent les pouvoirs publics et les incitent à mettre en place une nouvelle vision de l’intervention de l’État au niveau territorial, par le biais de ces services déconcentrés, sous la supervision et la coordination du représentant de l’État au niveau local. «Pour atteindre cet objectif, il est devenu nécessaire de revoir le contexte actuel de la déconcentration administrative et de mettre en place un nouveau cadre d’une administration déconcentrée basée sur la notion de l’efficacité et l’efficience, permettant, in fine, d’aboutir au changement souhaité dans le cadre d’une politique volontariste, inclusive et harmonieuse», a indiqué El Othmani dans son intervention de lundi dernier. Ainsi, la réforme se donne pour objectif de clarifier le rôle des administrations centrales qui devront se limiter à la conception, la programmation, l’orientation, l’évaluation et le suivi de la performance des services déconcentrés, ainsi que la préparation des textes législatifs et réglementaires. La région deviendra ainsi l’instance d’harmonisation des politiques publiques. Les administrations provinciales s’acquitteront de la mission d’exécution des politiques publiques et de réalisation des projets et programmes, ainsi que de l’assistance et l’appui technique au profit des collectivités territoriales. Il s’agira surtout de «définir le champ d’intervention et les articulations entre les différents acteurs au niveau territorial (Administrations centrales et services déconcentrés, autorités locales…) et ceci par le biais de la délégation de pouvoirs de décision, en mettant l’accent sur la coordination des activités des services déconcentrés afin d’assurer l’unicité de l’action de l’État au niveau régional», conclut El Othmani. Cette clarification s’avère urgente puisque les politiques publiques en matière de développement régional relèvent, en grande partie, d’une approche sectorielle incluant la programmation d’équipements et de services sous forme de sélection de sites (Plan Azur, Plan Émergence, etc.), ou des schémas de déploiement des services publics (Carte sanitaire, Schéma d’armature autoroutier). Eu égard aux montants engagés dans ces politiques sectorielles, cette approche semble aujourd’hui la plus déterminante. La recherche de l’efficience et de la célérité dans la réalisation des programmes de développement explique le recours à la déconcentration des crédits budgétaires et des investissements correspondants, ce qui permet une plus grande proximité entre les décideurs et les bénéficiaires et favorise la rationalisation et l’efficience des dépenses. Cependant, uniquement 16% des investissements du Budget général de l’État ont été déconcentrés. De plus, la déconcentration ne semble pas pour l’instant produire les effets escomptés puisque le taux de consommation des crédits d’investissements déconcentrés est plus faible que celui des départements ministériels, soit 42% contre 73%. Les disparités régionales en la matière sont flagrantes et pourraient s’expliquer pour l’essentiel par des différences en termes de capacité managériale et de ressources humaines.