Soclav Plus : Le 1er antibiotique marocain bientôt sur le marché

Le chercheur Adnane Remmal explique la réalité de la recherche au Maroc et raconte aux jeunes étudiants et chercheurs de la ville de Fès les détails de sa réussite. Le premier antibiotique marocain, «Soclav Plus», sera sur le marché d’ici la fin de l’année.
Plus de 200 étudiants et chercheurs de la ville de Fès ont pu assister à l’une des plus belles «Success stories» si nous ne disons pas l’unique en son genre qu’a connue la région de Fès-Meknès. C’est le parcours du pionnier de la recherche appliquée au Maroc. Initiée par l’Université privée de Fès (UPF), une conférence sur «L’Innovation et la recherche & développement au cœur de la compétitivité et de la différenciation» était animée par le Pr Adnane Remmal, lauréat du Prix de l’inventeur européen 2017 de l’Office européen des brevets et du Prix de l’innovation pour l’Afrique 2015. Lors de cette rencontre, le chercheur voulait passer un message clair, c’est que la recherche et l’innovation ne sont jamais conditionnées à l’existence de moyens ou de matériels de dernières technologies. «C’est la volonté et l’innovation qui comptent le plus», précise Remmal. Le chercheur a expliqué qu’après de nombreuses rencontres avec des étudiants de l’université au Maroc, il a constaté qu’il n’y avait pas de recherche au Maroc. «On se contente seulement de faire de la constatation qu’il y a tant de maladies au Maroc et puis c’est tout. On montre qu’il y a un problème sans jamais essayer de trouver une solution ou même de contribuer à la recherche d’une solution», regrette le chercheur dont le souhait «est de de créer pour tous ces jeunes étudiants et chercheurs un institut de recherche et développement privé qui saurait les contenir et renforcer leurs compétences».
L’invention du chercheur
Au cours de ses recherches à l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, Adnane Remmal s’est attaqué à un des problèmes majeurs auxquels se heurte la médecine moderne, à savoir le nombre croissant de bactéries devenues résistantes aux antibiotiques. Selon lui, une solution pourrait venir de la tradition régionale consistant à distiller des fleurs et d’autres organes végétaux pour en extraire des arômes et des infusions. Développée par Remmal depuis le milieu des années 1990 et brevetée par l’OEB en 2014, l’invention a débouché sur un médicament nouveau actuellement au stade des derniers essais cliniques. Ce médicament, dont la mise sur le marché est prévue pour fin 2017, utilise une double approche basée sur les huiles essentielles pour contrer les multirésistances. En plus de son médicament qui intensifie de façon naturelle l’action des antibiotiques, Remmal a inventé un supplément tiré d’huiles essentielles qui remplace les antibiotiques et les autres produits chimiques dans l’alimentation animale.
L’impact économique et social de cette recherche
Pour planter le décor, il faut noter que plusieurs recherches ont été menées pour montrer la gravité des antibiotiques. En effet, la Commission européenne estime à 1,5 milliard d’euros au moins le surcoût annuel et la perte de productivité résultant des infections causées par les bactéries résistantes. Selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2016, l’impact annuel de l’antibiorésistance sur le budget sanitaire mondial d’ici 2050 pourrait osciller entre 283 milliards et plus de 984 milliards d’euros. Une partie du problème vient du fait que chaque antibiotique nouvellement synthétisé coûte à la communauté entre 500 millions d’euros et 1 milliard d’euros et comporte ses propres possibilités de résistances, d’effets secondaires et de toxicité, sans compter le risque que des investissements réalisés dans un nouveau médicament ne soient pas suivis de résultats et sans oublier que les infections réfractaires aux traitements médicamenteux tuent chaque année quelque 700.000 personnes à travers le monde, hécatombe qui pourrait atteindre les 10 millions d’ici 2050 faute d’une nouvelle génération d’antibiotiques.
Tenir le projet jusqu’au bout
En 2004, le chercheur a pris contact avec Ahmed Reda Chami à l’époque président de Microsoft en Asie du Sud-Est. Intéressé par l’idée de Remmal, l’ancien ministre de l’Industrie rencontre le biologiste. Le courant passe et une société est créée, c’est Advanced Scientific Developments (ASD). Par la suite, Adnane Remmal a commencé à contacter les boîtes pharmaceutiques marocaines, c’est Sothema qui a été convaincue par son projet. Aujourd’hui, en partenariat avec le ministère de la Santé, les dernières retouches sont apportées au dossier et le premier antibiotique marocain, «Soclav Plus» sera sur le marché d’ici la fin de l’année. Le médicament anti-cancéreux devrait suivre et pourra être mis sur le marché à son tour début 2019 si les travaux commencent début 2018. Il faut savoir que le professeur Adnane Remmal travaillait principalement sur les antibiotiques et les antifongiques, mais connaissait déjà les déclinaisons que pouvait induire sa méthode sur les antiviraux, les anti-cancéreux et les médicaments contre la malaria. À la demande de son nouvel associé, la recherche a été poussée afin de déposer 4 brevets.