Dialogue social : Un premier round sans conviction !

Le chef de gouvernement réussira-t-il enfin à trouver un terrain d’entente avec les syndicats et le patronat ? Le pari est loin d’être gagné au vu des réactions virulentes de certains patrons des syndicats qui fourbissent déjà leurs armes pour défendre leurs doléances relatives aux augmentations salariales, au gel de la réforme paramétrique de la retraite, à la sauvegarde des acquis des travailleurs dans le Code du travail…Le gouvernement est très attendu sur le premier test du projet de budget 2018.
C’est une journée décisive pour le dialogue social qui devrait démarrer concrètement cet après-midi. La mission ne s’annonce pas de tout repos pour le gouvernement, bien que les centrales syndicales les plus représentatives entament cette nouvelle étape en rangs dispersés contrairement au dernier round du dialogue social, lors du précédent mandat gouvernemental qui s’est soldé par un échec cuisant. Cette fois-ci, le nouveau chef de l’Exécutif est attendu de pied ferme aussi bien par les syndicats que par le patronat. Certains chefs de file de syndicats sont en colère et le font savoir avant même le démarrage officiel des négociations. Il faut dire qu’après un quinquennat gouvernemental considéré comme blanc, le scepticisme règne dans l’échiquier syndical en dépit des propos rassurants du chef de l’Exécutif.
Les premières réunions, tenues avec El Othmani, sont jugées protocolaires et n’ont pas permis de faire évoluer le dialogue social. Certains syndicalistes n’excluent pas la possibilité de recourir à toutes les formes de militantisme pour amener le gouvernement à répondre à leurs doléances en suspens depuis quelques années. Ils appellent à l’accélération de la cadence des réunions au cours de cette semaine pour boucler les négociations le plus tôt possible. La première réunion du dialogue social sera axée sur le projet de budget 2018 et «l’écoute des propositions». D’emblée, l’ordre du jour fait grincer les dents de certains partenaires sociaux. Contacté par les Inspirations ÉCO, Abdelkader Zair, secrétaire général adjoint de la Confédération démocratique du travail (CDT), ne cache pas son mécontentement.
Les syndicats divisés
Les syndicats auraient souhaité se concerter avec le gouvernement avant l’élaboration du projet de loi de finances et la présentation de ses grandes lignes au Conseil des ministres. À ce titre, la position de Abdessamad Marimi, secrétaire général adjoint de l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM), bras syndical du PJD, est plutôt nuancée. Il estime, en effet, que rien n’est gravé dans le marbre et que le projet de loi de finances pourrait être amendé au sein de l’institution législative où siègent les représentants des syndicats. Visiblement, l’Exécutif pourrait compter sur le soutien de l’UNTM aussi bien dans le cadre du dialogue social qu’au sein de la Chambre haute. Pour Marimi, son syndicat prend ses propres décisions en toute indépendance en se basant sur la logique et l’intérêt des travailleurs. Pour le moment, il ne veut pas se prononcer sur le projet de loi de finances tant que les détails du texte ne leur sont pas encore présentés. L’espoir, dit-il, est que ce projet contiendra les points qui avaient été proposés en 2016 aux syndicats par le gouvernement de Benkirane (sans aboutir à un accord) et «dont l’impact pourra être très significatif sur le pouvoir d’achat des salariés aussi bien dans le secteur public que privé».
Rappelons à cet égard, que le gouvernement avait proposé en mai 2016 d’augmenter l’Impôt sur le revenu de 2% pour toutes les tranches et de ramener le seuil d’exonération à 36.000 DH au lieu de 48.000 DH, comme le réclamaient les syndicats. Une offre rejetée par la CDT et jugée insuffisante par l’UMT et l’UGTM, alors que l’UNTM avait salué la proposition gouvernementale tout en estimant qu’elle pourrait être améliorée. Benkirane avait proposé d’autres mesures, comme la prise en charge des quatre points d’augmentation de la cotisation de la retraite, l’augmentation des allocations familiales à 300 DH pour les trois premiers enfants et 136 DH à partir du quatrième enfant. Rappelons à cet égard que les centrales syndicales tendent à élever ces allocations familiales à au moins 400 dirhams ou à généraliser les 300 DH à tous les enfants.
Le gouvernement s’était engagé aussi à porter la prime de naissance à 1.000 DH au lieu de la proposition initiale de 500 DH. Ces points seront-ils pris en considération dans le PLF 2018 ? Si la réponse à cette question est importante pour l’UNTM, elle ne semble pas la principale préoccupation des autres syndicats qui insistent toujours sur l’augmentation salariale. De l’avis de Marimi, ces mesures sont susceptibles de renforcer le pouvoir d’achat des salariés, notamment du secteur privé. Mais Zair n’abonde pas dans la même veine précisant que le gouvernement se doit d’augmenter les salaires et de ne pas se contenter de mesurettes. Pour le parlementaire de l’UNTM, le gouvernement pourrait éventuellement présenter ces différents points sous forme d’augmentation salariale en fonction du contexte économique actuel. Du côté de l’Exécutif, le porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, a affiché, jeudi dernier, la disposition du gouvernement à discuter les propositions des syndicats pour étudier la possibilité de les inscrire dans le projet de budget. «Nous espérons que le projet de loi de finances comportera des dispositions qui résulteront du dialogue social», a signalé le responsable gouvernemental.
Bras de fer serré
D’autres dossiers risquent de faire l’objet d’un bras de fer serré. Il s’agit particulièrement de la réforme du Code de travail sur lequel s’était engagé le gouvernement et qui est très attendu par le patronat. Quelques syndicalistes affichent un niet catégorique sur l’ouverture des négociations sur ce dossier, alors que d’autres se disent prêts à le discuter. «Uniquement 8% des entreprises appliquent les dispositions du code. Le marché du travail est, ainsi, déjà très souple», souligne Zair. La tension risque de monter, aussi particulièrement, en ce qui concerne l’épineux dossier de la réforme de la retraite. Hormis l’UNTM, les trois autres syndicats les plus représentatifs souhaitent geler la réforme paramétrique que le gouvernement de Benkirane avait réussi à adopter au forceps l’année dernière. Un avis qui n’est pas partagé par Marimi : «Il faut aujourd’hui discuter la réforme globale. Celle de la CMR n’était qu’une première étape pour pouvoir discuter la résolution de la problématique de manière générale».