Pêche : «La commercialisation pose encore problème»
Les Inspirations ÉCO : Six ans après le lancement de la stratégie «Halieutis», en tant que professionnel, quel bilan dressez-vous de cette feuille de route ?
Abderrahmane Sarroud : On note avec satisfaction les résultats de la stratégie Halieutis, puisqu’avant son lancement, le secteur était en manque de visibilité avec un désordre sur le plan de la gestion des ports et pêcheries en plus de l’informel et bien d’autres. Aujourd’hui, la stratégie a apporté des solutions concrètes (aménagement de pêcheries, repos biologiques, quotas, VMS, caisses en plastique…) pour plusieurs volets en fonction des axes de la stratégie, notamment la compétitivité, la performance et la durabilité. Sur ce dernier point, la production est passée en 2011 de moins d’1 million de tonnes à 1,3 million de tonnes en 2016. Et ce, malgré l’instauration des arrêts biologiques et plans d’aménagement des pêcheries, réalisés actuellement à hauteur de 95%. Pour les mesures de contrôle, notamment le VMS, l’ensemble des professionnels respectent les plans d’aménagement. Par contre, les amendes enregistrées ne sont pas liées à la pêche dans les zones interdites, mais à des problèmes techniques liés aux appareils ou à des cas exceptionnels liés à la pêche de juvéniles.
Qu’en est-il des autres indicateurs ?
En plus de l’évolution de la production, le volet de la compétitivité s’est également amélioré. L’export est passé de 370.000 tonnes en 2011 à 600.000 tonnes en 2016. De plus, le coût ou le capital de l’outil de production qui est le bateau est passé de 3 MDH à 8 MDH, à cause de ce climat de confiance. Pour le système de quotas, qui est lancé, cette année, en faveur des navires des sardiniers, à Dakhla, c’est un dispositif approprié, à condition de l’assimiler. En effet, cette mesure permet de valoriser le prix des captures et sauvegarder la ressource.
Quels sont les volets auxquels il faut encore accorder plus d’attention ?
C’est la question de la commercialisation qui pose encore problème. Il faut revoir le système de façon à donner aux professionnels la liberté, de commercialiser, leurs captures, en dehors des halles, avec bien sûr le paiement des taxes et autres redevances.
Il y a quelques jours, les sardiniers ont pris une décision d’arrêter l’activité, réclamant une augmentation de prix. Est-ce que c’est l’instauration de quota qui a motivé cette grève ou s’agit-il d’autres facteurs ?
La grève a été motivée par deux facteurs. Il y avait un manque de marins pêcheurs à cause de la procédure complexe de livraison des fascicules. Aujourd’hui, on a fait face à cette contrainte, mais c’est le problème de la valorisation de captures qui a essentiellement entraîné cette grève. En effet, la sardine est vendue à 2,20 DH le kilo. C’est pourquoi, les industriels ont compris cette revendication et ils ont accepté l’augmentation, à hauteur de 15 centimes par kilo.
Le renouvellement de la flotte est une question inévitable face au dépassement de l’âge moyen des navires. Ne pensez-vous pas que la stratégie a donné moins d’importance à ce volet, malgré le lancement du programme Ibhar axé sur la modernisation ?
Le renouvellement de la flotte a été pris en considération puisque le programme Ibhar a donné l’importance à la mise à niveau des navires et le renouvellement à travers la modernisation de la flotte. Rien qu’au niveau de l’Atlantique-Centre, nous avions traité 180 dossiers appartenant à la pêche côtière, soit 80% de la flotte régionale, avec un budget global de subventions qui a dépassé 180 MDH et la création de 5.000 nouveaux emplois. C’est grâce aux commandes du chantier naval, étalées sur l’année 2020 et qui émanent de toutes les régions que ces postes seront créés. La moyenne de fabrication est de 60 bateaux en bois chaque année, dont 30 à Agadir et 30 à Tan-Tan. Cependant, le problème du renouvellement se pose essentiellement pour la pêche hauturière qui n’a pas manifesté auparavant son intérêt pour ce programme.
La question des rejets de poissons non conformes aux captures autorisées et aux quotas fixés lors des sorties en mer constituent toujours problème. Comment peut-on résoudre ce problème ?
Il faut être clair. Quand le capitaine de pêche effectue des sorties en mer, il connaît le type de poisson dans les zones grâce aux technologies utilisées. Ces dernières (dont les sonars) permettent d’identifier les volumes de poissons, les espèces, mais aussi les dimensions. C’est pourquoi, les raisons avancées sont de faux arguments. D’autant plus que cette problématique concerne essentiellement la zone de Dakhla. C’est pourquoi, il faut sensibiliser les professionnels et procéder également à des sanctions.