Étrangers résidant au Maroc : Quel emploi, dans quelles conditions?
Les Français arrivent en tête des étrangers ayant obtenu l’autorisation de travail du ministère de l’Emploi. Ils sont suivis de loin par les Chinois. Zoom sur la situation des salariés étrangers au Maroc qui ne peuvent pas bénéficier d’un CDI tant que le Code du travail n’est pas réformé.
Les salariés étrangers travaillant au Maroc ne peuvent pas bénéficier des avantages du contrat à durée indéterminée. Contrairement à ce que prévoit le Code du travail pour les Marocains, la jurisprudence marocaine considère que le «contrat de travail d’étranger» ne peut être qualifié de contrat à durée indéterminée (CDI) malgré des renouvellements successifs.
Pour le ministère de l’Emploi et des affaires sociales, cette situation doit changer, d’autant plus que les responsables marocains ne cessent de défendre les travailleurs marocains résidant à l’étranger. Des réunions ont ainsi été tenues avec le ministère de la Justice et les tribunaux pour pouvoir changer la donne, mais en vain. «Même la Cour de cassation a été saisie sans résultat», selon une source autorisée au ministère de l’Emploi et des affaires sociales qui estime que la balle est dans le camp des partenaires sociaux vu qu’il faut impérativement réformer le Code du travail. Or, les syndicats n’entendent pas lâcher du lest sur le dossier de la réforme du Code du travail qui devra toucher plusieurs volets qu’ils n’approuvent pas. En attendant la réforme escomptée, les salariés étrangers continuent de pointer du doigt la situation actuelle qui ne leur permet pas au moment d’un licenciement de recevoir des indemnités auxquelles peuvent prétendre tous les salariés.
Les Français en tête
Le ministère de l’Emploi a été saisi sur la question notamment par des députés français. Il faut dire que les Français sont les premiers concernés par cette question, étant en tête des étrangers salariés au Maroc. Jusqu’à fin septembre 2016, ils représentaient 26,28% du total des salariés ayant l’autorisation délivrée par l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences. Ils sont suivis par les Chinois (8,88%), les Philippins (5,32%), les Turcs (4,79%), lesSud-Coréens 4,57%) et les Indiens (3,41%). Les Espagnols, eux, arrivent en septième position (3,13%) suivis des Sénégalais, des Égyptiens, des Américains, des Algériens, des Tunisiens, des Italiens… Le nombre des contrats visés en faveur des salariés étrangers au Maroc est en net recul au fil des années. Il est passé de 8.311 en 2012 à 4.570 à fin septembre 2016. La grande majorité des étrangers travaillent dans le domaine des services (63,94%), devant le bâtiment et les travaux publics (19,58%), alors que l’Industrie emploie 14,97% des salariés étrangers au Maroc et l’agriculture capte 1,51%. Ces chiffres ne concernent pas l’ensemble des étrangers qui travaillent au Maroc. Rappelons que plus de 86.206 étrangers vivent au Maroc selon les derniers chiffres du recensement général de la population et de l’habitat du Haut-commissariat au plan. Certaines catégories sont dispensées de l’attestation délivrée par l’ANAPEC à commencer par les investisseurs et les gérants d’entreprise.
Migrants régularisés
Les personnes ayant bénéficié de l’opération de régularisation exceptionnelle en 2014 ne sont pas non plus concernés par l’octroi du permis de travail. Pour ces immigrés régularisés, le recensement est en cours pour connaître leur véritable situation en matière d’emploi. Menée par le ministère chargé des Affaires de la migration en partenariat avec l’Agence allemande de coopération, une étude pilote a été effectuée sur la sociologie et l’employabilité des migrants au niveau de l’axe Rabat-Casablanca. Il en ressort que quatre nationalités sont particulièrement représentées : ivoirienne, congolaise, nigérienne et camerounaise. 60% de la population a actuellement une activité professionnelle, pour la plupart informelle. Les principaux domaines de compétences sont la coiffure et l’esthétique, la couture, l’informatique et les télécommunications, la boulangerie et pâtisserie, la restauration, le commerce et la vente.
Difficulté du contrôle
À l’instar des citoyens nationaux, plusieurs étrangers travaillent au noir, notamment dans le bâtiment et le travail domestique. Contacté par les Inspirations ÉCO, le ministre de l’Emploi et des affaires sociales, Abdeslam Seddiki, reconnaît qu’il s’avère on ne peut plus difficile d’effectuer un contrôle minutieux et déterminer le nombre exact de travailleurs étrangers au Maroc, d’autant plus qu’il existe plus de 120.000 entreprises à travers le pays, outre celles opérant dans l’informel.
Concrètement, le contrôle de l’application des dispositions législatives et réglementaires concernant les droits des travailleurs étrangers est confié aux inspecteurs du travail qui sont chargés des observations, des mises en demeure, des procès-verbaux d’infraction, ainsi que du recours au juge des référés. Les salariés étrangers victimes d’abus ou de pratiques frauduleuses peuvent déposer des plaintes auprès des agents de l’inspection du travail. Le contrôle se fait soit dans le cadre de visites régulières d’inspection ou de campagnes de contrôle. La dernière campagne a eu lieu en 2015. «Il s’agit de plus d’un million d’entreprises. On ne peut pas tout contrôler. Le contrôle s’effectue soit sur la base d’une plainte ou dans le cadre de la mission régulière des inspecteurs qui procèdent à des contrôles au hasard», précise Seddiki.
Le principe de la préférence nationale
Les autorisations concernent toutes les personnes étrangères qui exercent une activité salariée et sont liées par un contrat de travail. La procédure d’octroi des autorisations de travail au profit des salariés étrangers est basée sur le principe de la préférence nationale, et vise un double objectif : la protection de la main-d’œuvre nationale contre toute concurrence que pourrait lui opposer la main-d’œuvre étrangère, à qualification égale ainsi que la satisfaction des besoins du pays en compétences étrangères nécessaires au développement de son économie. Ainsi, l’employeur qui désire recruter un salarié étranger est appelé à fournir une attestation d’activité délivrée par l’ANAPEC. La finalité de cette attestation est d’apporter la preuve que le candidat à l’embauche justifie de compétences particulières ou rares au Maroc et qu’il n’existe pas de profil national équivalent disponible sur le marché du travail.