Projet de loi de finances 2017 : L’optimisme débordant des patrons
Les différentes fédérations sectorielles de la CGEM viennent de dévoiler les versions actualisées de leurs doléances fiscales, alors que l’élaboration du projet de loi des Finances 2017 est entrée dans sa dernière ligne droite. En pleine campagne électorale, le patronat sort le grand jeu pour faire aboutir certaines revendications restées longtemps lettre morte. Il va falloir cependant tenir compte de la conjoncture actuelle qui n’offre pas beaucoup de marges pour le prochain gouvernement.
Comme dans les paris sportifs où, en règle générale, il faut miser beaucoup pour gagner peu, le patronat a sorti le grand jeu en matière de revendications fiscales. La publication de certaines doléances, soumises par les fédérations sectorielles de la CGEM, en dit long sur leurs prétentions dans le cadre de l’élaboration du projet de loi de finances pour l’exercice 2017. La procédure est, en effet, entrée dans sa dernière ligne droite puisque le texte devrait atterrir au Parlement avant le 20 octobre prochain, c’est-à-dire quelques jours seulement après les législatives du 7 octobre. Le contexte politique actuel est donc des plus propices pour faire monter les enchères surtout que, pour la campagne électorale qui s’ouvre dans les prochains jours, l’économie sera au centre des programmes que voudront vendre les différents partis politiques. Il convient de rappeler que plusieurs formations politiques ont récemment fait les yeux doux au patronat à travers des rencontres destinées à recueillir leurs doléances, afin de les prendre en compte dans les programmes en cours de validation. Des engagements qui ont souvent fini par passer à la trappe. C’est ce qui pourrait expliquer certainement que pour cette fois, les patrons mettent la pression sur le gouvernement en rappelant leurs doléances notamment en matière fiscale. Pour l’heure, il ne s’agit certes que de propositions formulées par les différentes fédérations sectorielles de la CGEM, en attendant la validation définitive des revendications fiscales du patronat d’ici la fin du mois en cours. D’ici là, les concertations vont certes se poursuivre, comme c’est le cas par le passé, avec le ministère de l’Économie et des finances.
Le poids de la conjoncture
Il faudrait le reconnaître, les doléances exprimées par les différentes fédérations sectorielles de la CGEM laissent entendre que ces derniers ont placé la barre haut. Dans l’ensemble, d’ailleurs, il s’agit de revendications maintes fois exprimées, mais que le gouvernement a su à chaque fois rejeter en prétextant la conjoncture économique du pays de ces dernières années. La donne a-telle alors changé ? Il est vrai que la situation macroéconomique est plus reluisante et le gouvernement a pu se construire une certaine marge de manœuvre grâce à la mise en œuvre de certaines réformes structurelles mais aussi en bénéficiant d’une accalmie sur les cours internationaux des matières premières. De là à faire preuve de plus de générosité pour satisfaire aux exigences du patronat, il y a loin de la coupe aux lèvres. Cela, d’autant que l’évolution des recettes fiscales connaît une évolution mitigée cette année en plus de l’incertitude qui plane sur les perspectives de croissance et donc sur l’activité économique. Il convient de noter, d’ailleurs, que la lettre de cadrage du chef de gouvernement pour l’élaboration de la loi des Finances 2017 est restée dans les généralités en matière de réforme fiscale. Autant dire que même si la poursuite de la mise en œuvre des recommandations des Assises de la fiscalité pourra se traduire par de nouvelles règles, comme en 2016 pour ce qui est de la TVA ou de l’IS, le patronat risque encore de rester sur sa faim au vu de l’ampleur de ses doléances.
Le gouvernement a toujours mis en avant le fait que la refonte du système fiscale se fera de manière progressive, ce qui contraste avec la panoplie des mesures que préconisent les fédérations sectorielles relevant de la CGEM. Certaines ressemblent plus à des exonérations fiscales et à ce niveau, le gouvernement semble plus séduit par d’autres leviers comme les aides directes afin d’encourager les secteurs et activités économiques. C’est en tout cas, ce qu’a plaidé le ministre de l’Économie et des finances, Mohamed Boussaid, qui a clairement souligné, la semaine dernière lors d’une conférence sur les dépenses fiscales, que «l’un des objectifs de la politique fiscale marocaine est de soutenir les secteurs et les activités économiques à travers plusieurs formes d’aides publiques». Ces dernières se sont élevées à plus de 32 milliards de dirhams en 2015, et pour les années à venir, l’idée est que l’aide directe aux secteurs économiques devrait se substituer progressivement aux différentes exonérations, à l’exception de celles qui concernent les produits de base.
Le gouvernement en lieu et place du Parlement
Les doléances que viennent de formuler les fédérations sectorielles de la CGEM vont être compilées par la suite en une plateforme succincte qui servira de base de négociations entre le gouvernement et le patronat. Par la suite, la CGEM pourra compter sur ses représentants au niveau de la seconde Chambre du Parlement pour proposer les amendements au PLF que le patronat estimera prioritaires. Cela ne garantit point leur adoption car, comme on l’a vu en 2015 pour l’adoption du Budget, le groupe parlementaire de la CGEM avait déposé pas moins de 30 amendements qui sont presque passés au final à la trappe. D’où l’intérêt, cette fois, de miser plus sur la procédure d’élaboration du PLF au gouvernement afin de s’assurer de la prise en compte de certaines doléances. En ces temps d’élections, il y a plus de chance pour le patronat de trouver une oreille plus attentive auprès de l’Exécutif.