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«Je souhaite que les investissements des MRE se développent davantage»

Anis Birou : Ministre chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration

À quelques mois des législatives, le rassemblement national des indépendants (RNI) n’affiche pas la couleur sur ses alliances post-électorales. Dans une interview accordée aux «Inspirations ÉCO», Anis Birou s’exprime sur cette question ainsi que sur la participation politique de la communauté marocaine résidant à l’étranger, les investissements des MRE et leur accompagnement socio-économique, l’intégration des migrants au Maroc…

Les Inspirations ÉCO : Depuis des années, les MRE revendiquent leur participation politique dans toutes les institutions du pays en tant que citoyens à part entière. Quels sont les freins retardant la satisfaction de cette requête ?
Anis Birou :   Il est légitime et important que la voix des Marocains résidant à l’étranger se fasse entendre et qu’ils puissent s’exprimer. C’est au niveau de la forme que la différence de vision se pose. Le côté technique et le volet politique qu’il va falloir gérer ne sont pas simples. Il faut éviter à tout prix la politique politicienne autour de cette question. Les MRE sont aussi Marocains que les citoyens de l’intérieur et sont très attachés à leurs pays. Je crois que le Maroc est le seul pays au monde où sa communauté vivant à l’étranger bénéficie d’une sollicitude au plus haut niveau.

Les MRE sont, en effet, au centre des préoccupations de sa majesté le roi. Et ils le ressentent à travers plusieurs signaux. Il va falloir arriver à un consensus. La question de porter une voix nécessite un débat, une discussion, un consensus qu’il va falloir mener. Il faut continuer le débat et l’élargir davantage. Vous voulez orienter les transferts des MRE vers l’investissement productif qui ne représente que 7% du volume de ces transferts. La cellule en charge de l’investissement ayant pour mission d’orienter et d’informer les investisseurs dans les différents segments de l’économie nationale est-elle suffisante à elle seule pour atteindre cet objectif ? Il faut lier l’investissement au changement de cette communauté qui est en train de s’opérer. Au départ, quand les Marocains ont immigré, ils avaient toujours l’intention de revenir au Maroc, ce qui explique leurs investissements dans l’immobilier. Les choses ont évolué avec la deuxième et la troisième générations qui investissent dans l’immobilier pour passer des vacances. Beaucoup sont intéressés par l’investissement dans d’autres secteurs.

Ceux qui veulent investir vont opter pour le Maroc car ils remarquent que le pays se caractérise par sa stabilité politique, une dynamique économique et la clarté de ses choix et de ses priorités. Le Maroc est un pays attractif au niveau des investissements. Au niveau du ministère, une cellule a été mise en place mais elle n’est pas suffisante à elle seule. C’est une cellule d’orientation, d’accompagnement et d’information. D’autres mesures sont mises en place. Un site est dédié aux MRE pour qu’ils prennent connaissance des procédures, des chantiers ouverts et des opportunités. En outre, à travers une circulaire du chef de gouvernement éditée le 15 juillet 2015, toutes les institutions et les établissements ouvrent un guichet unique pour les MRE afin de leur permettre de faciliter les procédures. Pour leur part, l’AMDI et les CRI sont très sensibilisés en la matière. Sur le plan du financement, un fond apporte un soutien direct sans remboursement pour tout MRE désireux d’investir au Maroc en lui octroyant 10% du coût du projet.

Plusieurs mesures sont mises en place pour encourager les investissements des MRE. Qu’en est-il des résultats ?
La dynamique est enclenchée. Les résultats sont prometteurs, mais je souhaite que les investissements des MRE se développent davantage. Plusieurs actions sont entreprises. À titre d’exemple, un projet est mené avec l’AFD pour l’accompagnement des MRE souhaitant créer une entreprise. Jusque-là, quelque 75 projets sont retenus et l’objectif est d’arriver à une centaine. Les investissements portent sur les domaines prioritaires. Certes les difficultés existent mais il y a la volonté de faciliter les choses, d’accompagner les Marocains résidant à l’étranger et de les soutenir. Je ne connais pas un pays qui donne 10 % en tant qu’appui direct aux projets de ses ressortissants.

Lors de la période de crise, plusieurs MRE ont dû regagner le Maroc. Pourriez-vous nous donner un aperçu sur leur situation ?
L’immigration s’est faite même à l’intérieur de l’Europe. À titre d’exemple, beaucoup de Marocains qui étaient en Espagne ont immigré en Allemagne et en Belgique. Certains sont revenus au Maroc. Il est difficile d’avoir des chiffres précis. On est en train de mettre en œuvre un nouveau dispositif relatif au retour des MRE à cause des crises mais aussi des tensions et des guerres. Ce dispositif est appelé«Programme retour». Un projet de décret est chez le secrétariat général du gouvernement. Il vise à mettre en place les mécanismes, les responsabilités et le rôle de chacun en cas de retour massif en termes d’éducation des enfants, de logement, d’emploi, de formation professionnelle, de soutien psychologique… Ce dispositif est très important car quand quelqu’un quitte une zone de guerre, il laisse tout derrière lui.

Quelles sont les mesures à venir pour soutenir les MRE et les accompagner ?
Je souhaite que l’on puisse, à moyen terme, dépasser cette question de soutien social. Il faut avoir une communauté qui n’a pas besoin de soutien social, qui se prend en charge, qui réussit, qui s’impose au niveau des sociétés d’accueil. C’est la philosophie de l’action que nous menons et qui nécessitera beaucoup de temps pour pouvoir récolter des feedbacks. Le soutien que nous menons repose sur plusieurs niveaux, notamment le volet juridique et le volet social. Dans certains pays comme la Côte d’Ivoire, l’Algérie et la Libye, on soutient les MRE qui sont dans le besoin au niveau des frais de scolarité de leurs enfants. À travers la société civile dans les pays d’accueil, des programmes sociaux en faveur des personnes vulnérables sont mis en place. Nous voulons une communauté agissante, qui a de l’influence sur la décision politique et économique. Ainsi, l’une des priorités à laquelle je veille personnellement, c’est la réussite scolaire des enfants des MRE. Malheureusement, le taux d’échec scolaire est élevé chez nos ressortissants à l’étranger. Le soutien scolaire est primordial pour la réussite de notre communauté à l’étranger. Les résultats des actions menées seront récoltés dans 10 à 15 ans. Le soutien scolaire est important pour les enfants des MRE, mais aussi pour ceux des migrants au Maroc.

Où en est le programme d’insertion des migrants ?
On opte pour la même logique aussi bien pour nos enfants à l’étranger que ceux des migrants au Maroc. L’intégration se fait par la réussite à l’école. Le ministère de l’Éducation nationale a été très réactif au niveau de la facilitation de l’inscription des enfants des migrants. À cela s’ajoute le programme d’appui scolaire pour lutter contre l’abandon scolaire. Plusieurs autres programmes sont aussi lancés et portent notamment sur l’alphabétisation des parents, la formation professionnelle…

Quid du suivi ? Où en est cette intégration ?
On est en train de travailler sur une évaluation de trois ans de la politique migratoire. Les résultats de cette évaluation seront annoncés le 10 septembre prochain, le jour qui coïncide avec la date de réunion présidée en 2013 par sa majesté le roi qui a donné ses orientations pour la nouvelle politique migratoire.

L’intégration des migrants passe inéluctablement par l’emploi. A-t-on des données concrètes sur leur insertion professionnelle ?
Beaucoup de migrants travaillent dans l’agriculture et le BTP. Une convention a été conclue avec l’ANAPEC pour faciliter l’emploi des migrants. Le volet de la formation professionnelle est aussi important. Un bilan de compétences a été fait. Plusieurs migrants sont intégrés.

Qu’en est-il du financement des organismes internationaux en faveur de la politique migratoire du Maroc ?
Cette politique migratoire a été saluée. Elle a été lancée par le Maroc en se basant sur ses convictions. C’est une volonté royale d’aider ces migrants pour éviter qu’ils traversent la Méditerranée au péril de leur vie. C’est un choix et une volonté marocaine. Beaucoup croient que c’est l’Europe qui nous a demandé de mener cette politique. Le Maroc n’est pas le gendarme de l’Europe. Notre pays croit en ce qu’il fait. Quand nous avions commencé, nous avons trouvé du répondant chez les organismes internationaux et chez les pays. Il était important de concevoir une politique migratoire marocaine mais aussi de bénéficier de l’expertise internationale pour voir les succès et les échecs et tirer les enseignements. On a travaillé avec plusieurs pays (l’Espagne, la France, l’Allemagne, la Belgique) et avec l’organisation internationale de la migration. Nous avons tenu un défi important. Moins d’une année après avoir lancé l’opération de régularisation, la stratégie du Maroc en matière de migration et d’asile a été adoptée en Conseil de gouvernement le 18 décembre, qui coïncide avec la journée internationale du migrant. C’est un pur hasard. Quelque 81 projets ont été identifiés. Au niveau du financement, un effort important a été fait par le Maroc. C’est un effort maroco-marocain. L’Union européenne a accordé au Maroc un appui de départ, mais l’essentiel de l’effort a été fait par le Maroc. On note une disposition de l’Union européenne à apporter son appui à cette politique. L’OIM nous aide, mais elle n’a pas beaucoup de moyens. Elle considère que la politique marocaine est un modèle du genre surtout au niveau des pays du sud. On peut être fiers de cette vision royale, de l’implication de tous les départements et de la gouvernance de cette politique au niveau de notre pays.

La coalition gouvernementale a été secouée à plusieurs reprises. Loin de la diplomatie dont vous faites toujours preuve, comment qualifiez-vous la relation entre le RNI et le PJD ?
Le RNI est rentré au gouvernement pour éviter la crise politique. Tout le monde se rappelle le contexte dans lequel le RNI a fait son entrée au gouvernement. À l’époque, deux choix étaient possibles : un gouvernement de minorité ou des élections anticipées. C’est du temps perdu pour notre pays. Le RNI qui dispose de cadres d’un niveau élevé a apporté une expérience et un savoir-faire. Cela s’est fait ressentir au niveau des résultats. Les projets menés par les ministres du RNI ont eu de l’impact au niveau de tous les secteurs. Pour le RNI, c’est l’intérêt du pays qui prime.

Quelles sont vos ambitions par rapport aux prochaines élections sachant que le RNI n’a pas amélioré ses scores lors des dernières échéances?
Les résultats ne sont pas certes au niveau de notre ambition, mais au niveau des communales, notre score est honorable. En toute modestie, le RNI a les atouts, les compétences et le prolongement au niveau de la société pour être à un niveau meilleur que celui que nous occupons aujourd’hui. Je ne peux pas prédire les résultats des élections du 7 octobre. Notre ambition est d’être parmi les premiers.

On reproche toujours au RNI de recourir aux notables lors des élections. Pourquoi vous optez pour ce choix ?
Le RNI est ouvert aux notables qui apportent beaucoup à notre pays et qui sont respectés au niveau de leurs communes. On est fier de nos notables qui sont importants pour nous.

Mais, comment les instances gèrent les accréditations entre militants du RNI et notables ?
Les accréditations sont gérées en toute transparence et en toute équité et responsabilité. Comme tous les partis, il est normal d’avoir dans certaines circonscriptions plus d’un prétendant. C’est une commission qui examine les candidatures selon des critères précis.

La liste des jeunes a suscité beaucoup de débats. Quel est votre point de vue sur la question ?
Il faut faire une évaluation très objective de l’expérience des jeunes parlementaires. Je pense que certains d’entre eux sont excellents et ont fait preuve d’une grande maturité alors que d’autres étaient moins percutants.

Cette expérience n’existe nulle part ailleurs. Les détracteurs de ce mécanisme estiment que le Parlement n’est pas un espace pour former les jeunes. Qu’en pensez-vous ?
Ce n’est pas la réussite de quelques-uns qui va nous permettre de généraliser l’expérience qui nécessite d’être décortiquée pour savoir si elle a atteint l’objectif recherché. Je ne peux pas me prononcer sur cette question tant qu’aucune évaluation objective n’est pas encore faite.


 

Politique migratoire : beaucoup à faire sur le plan humanitaire
Après l’opération de régularisation des migrants, l’intégration est un volet on ne peut plus fondamental. Quelque 81 projets identifiés sont en cours de réalisation. Le volet législatif n’est pas en reste. Le projet de loi portant sur la lutte contre la traite des êtres humains sera voté au Parlement cette semaine. Le texte sur l’asile est au niveau du secrétariat général du gouvernement et le projet sur la migration est en phase finale, selon Anis Birou. Un grand intérêt est porté aussi au dispositif humanitaire. Plusieurs actions sont menées pour soutenir et accompagner les migrants au Maroc. En dépit des efforts consentis, il reste beaucoup à faire en la matière. «La vulnérabilité des migrants est visible notamment dans les ronds-points. On ne peut pas intervenir directement, mais le soutien aux migrants se fait à travers le tissu associatif et le croissant rouge pour essayer d’orienter ces personnes vulnérables. L’appui humanitaire est dispensé surtout en hiver», assure le ministre. Quid des migrants syriens ? Pourquoi le ministère n’a pas élaboré un programme spécial pour eux ? Anis Birou est on ne peut plus clair : on ne peut pas avoir une politique spéciale dédiée aux Syriens car le Maroc dispose d’une politique migratoire et d’asile qui concerne tous les migrants.


 

Le vivre ensemble : lancement d’un processus de concertation et de sensibilisation
Une rencontre sur le thème : «le vivre ensemble entre radicalisme et islamophobie» a été tenue vendredi dernier. C’est une thématique d’une brûlante actualité en raison du climat tendu notamment dans certains pays européens. Un sentiment de malaise et d’inquiétude règne en effet chez les ressortissants marocains vivant dans beaucoup de pays en raison des actes hostiles vis-à-vis de la communauté musulmane de manière générale. Ces actes sont dus à plusieurs facteurs, selon Anis Birou : la crise économique en 2008 et les actes terroristes. À cela s’ajoute le climat politique général avec la montée de l’extrême droite en Europe. «Nous avons choisi de gérer cette situation avec de la sérénité et de la retenue. Nous avons voulu éviter l’action et la réaction pour comprendre d’abord ce phénomène, améliorer notre connaissance de la situation actuelle à travers un débat et une discussion des Marocains qui vivent à l’étranger et qui sont en contact avec l’opinion publique dans ces sociétés d’accueil», relève le responsable gouvernemental. Pour atteindre les objectifs escomptés, des intellectuels, des universitaires, des sociologues…qui ont une connaissance approfondie de la situation ont participé au débat. L’idée était de confronter les points de vue et les visions des uns et des autres pour apporter des éclairages sur l’islamophobie, le radicalisme et le vivre ensemble, et proposer des actions concrètes. Cette rencontre a permis de défraichir le terrain en vue de lancer tout un processus de concertations et de sensibilisation. Un livre récapitulant toutes les propositions sera élaboré. Par la suite, un débat sera amorcé au niveau des capitales européennes et même nord-américaines. Pour Anis Birou, cette action vise outre l’ouverture du débat entre Marocains de l’intérieur et de l’extérieur le partage des idées et des propositions avec les faiseurs d’opinion et les politiques au niveau des sociétés d’accueil.


 

Alliances : tout dépendra des résultats des élections
Le rassemblement national des indépendants ne veut pas se prononcer sur ses alliances post-électorales bien que ses alliés gouvernementaux ont déjà affiché la couleur. Le parti du progrès et du socialisme et certains dirigeants du mouvement populaire se sont exprimés en faveur du renouvellement de l’alliance avec le parti de la justice et du développement après les élections du 7 octobre. Pour sa part, le parti de la colombe semble avoir tiré les enseignements de son expérience du G8 menée à la veille des élections anticipées de 2011. Pour Anis Birou, il faut attendre les résultats des prochaines élections. «Aujourd’hui, la priorité est de terminer l’action que nous menons dans le cadre de la coalition gouvernementale jusqu’à la dernière minute. Le RNI est connu par son engagement et sa détermination. On est mobilisé jusqu’à la dernière minute pour servir notre pays au sein de cette coalition», ajoute-t-il.



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